Une hausse du nombre de bactéries résistantes est observée en élevage intensif avicole - La Semaine Vétérinaire n° 1370 du 04/09/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1370 du 04/09/2009

Intérêts et limites de l’antibiothérapie en aviculture

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Karim Adjou

La prédominance de la résistance des Escherichia coli commensaux est un indicateur utile de la résistance aux antibiotiques acquise par les bactéries dans une communauté.

La thérapie antimicrobienne est un outil important pour réduire les énormes pertes engendrées par les infections bactériennes dans l’industrie de la volaille. Les principales familles d’antibiotiques sont représentées, mais le nombre de molécules est particulièrement restreint comparé à celles à usage humain. Les plus utilisées en pathologie aviaire sont celles dont le spectre d’activité est le plus large (voir tableau) : les tétracyclines et les pénicillines du groupe A (ampicilline) pour traiter principalement les maladies respiratoires. Lors de mycoplasmoses, des macrolides ou des fluoroquinolones sont plus volontiers choisis. Les sulfamides sont réservés classiquement au traitement des coccidioses.

Par définition, les molécules à spectre étroit ne devraient être employées qu’après l’isolement de la bactérie en cause et la réalisation d’un antibiogramme en vue de déterminer la plus adaptée. En pratique, un traitement antibiotique intuitif peut être entrepris parallèlement à l’antibiogramme pour limiter les pertes économiques si elles sont redoutées, à condition de respecter un protocole diagnostique rigoureux.

Les mécanismes de résistance sont multiples et variés

Depuis longtemps, les répercussions sur la santé humaine du recours aux antimicrobiens en médecine vétérinaire et pour les besoins de l’élevage sont redoutées, en cas de développement de bactéries résistantes chez les animaux et de transmission à l’homme via la chaîne alimentaire ou l’environnement. Il n’existe cependant aucun consensus scientifique sur la responsabilité exacte des antibiotiques administrés aux animaux dans le développement des antibiorésistances et leur transfert à des bactéries humaines.

Toutefois, toute utilisation d’antibiotique peut conduire tôt ou tard à la sélection de bactéries résistantes. Les mécanismes de résistance sont multiples et variés. Parmi eux figurent la synthèse d’enzymes bactériennes capables de transformer la molécule antibiotique et ainsi de l’inactiver, la modification de la cible de l’antibiotique, la synthèse d’enzymes aptes à court-circuiter la voie métabolique dans laquelle intervient l’antibiotique, la diminution de la perméabilité bactérienne ou encore la mise en place d’un système actif d’efflux de la molécule hors de la bactérie. Les supports génétiques de ces différents mécanismes peuvent être le chromosome ou des plasmides, dont beaucoup sont transférables entre bactéries. Ces plasmides transférables jouent un rôle important dans la diffusion de la résistance.

Des évolutions (Carraminana et coll., 2004) sont observées avec, semble-t-il, une accélération durant les dernières années, comme l’augmentation de la fréquence de bactéries résistantes et la hausse de leur multirésistance en élevage intensif. Actuellement, en élevage intensif, des bactéries isolées à l’occasion d’une maladie sont résistantes à plusieurs antibiotiques de familles différentes (Carraminana et coll, 2004). Ainsi, si une bactérie résiste à plusieurs antibiotiques de familles différentes, l’utilisation d’un seul d’entre eux favorisera la sélection et la diffusion de cette bactérie, mais également des différents mécanismes de résistance aux autres familles d’antibiotiques. Il s’agit du phénomène de cosélection.

Des E. coli montrent une résistance élevée au triméthoprime-sulfaméthoxazole

La flore intestinale normale constitue un réservoir pour des gènes de résistance. La prédominance de la résistance des Escherichia coli commensaux est un indicateur utile de résistance aux antibiotiques acquise par les bactéries dans une communauté.

Les études sur E. coli sont d’une importance particulière, car ces espèces occupent des niches multiples, y compris des hôtes humains et animaux. En outre, ils échangent efficacement leur matériel génétique avec des microbes pathogènes comme certaines espèces de salmonelles, de Shigella, de Yersinia et de vibrions, aussi bien que les E. coli pathogènes. Des essais sur la résistance de quatre cent soixante-huit souches aviaires d’E. coli isolées en Espagne (Blanco et coll., 1997) montrent des niveaux particulièrement élevés de résistance au triméthoprime-sulfaméthoxazole (67 %) et aux fluoroquinolones (13 à 24 %). En raison de la capacité de ces agents antimicrobiens à provoquer des résistances croisées avec les microbes pathogènes entériques humains, leur utilisation prudente en médecine vétérinaire est fortement recommandée. Des résultats similaires sont rapportés dans une étude récente, également en Espagne (Miranda et coll., 2008).

Certains pays ne surveillent pas l’utilisation des antimicrobiens en production animale

La conséquence immédiate de la résistance aux antibiotiques en élevage est l’échec thérapeutique. Pour la santé humaine, le risque peut être de deux ordres : toxique et allergique en raison des résidus d’antibiotiques dans la viande consommée d’une part, lié à une contamination par des bactéries zoonotiques résistantes à des antibiotiques utilisés chez l’homme d’autre part. En élevage de rente, la législation européenne a conduit à définir des limites maximales de résidus (LMR), dont toute utilisation d’antibiotiques dépend (temps d’attente). Ceux pour lesquels aucune LMR n’était acceptable sont interdits. C’est le cas du chloramphénicol et des nitro-imidazoles. Théoriquement, le problème des résidus ne doit donc plus se poser au terme de la mise en place de cette nouvelle législation.

Quant au risque de transfert de bactéries pathogènes zoonotiques de l’animal à l’homme, il existe, mais il est difficile de le mettre en évidence, de le quantifier et d’en mesurer les conséquences. En outre, lorsque les mêmes molécules thérapeutiques sont utilisées chez l’homme et l’animal, établir la part de la sélection de bactéries et des mécanismes de résistance qui relève d’une utilisation à l’hôpital, en médecine de ville ou en élevage est malaisé.

La surveillance des antimicrobiens employés en production animale n’existe pas dans tous les pays. La plupart ont mis en place des procédures administratives en matière d’autorisation de mise sur le marché, mais leur degré d’application varie considérablement d’un Etat à l’autre.

Dans certains pays, différentes combinaisons de points faibles (absence de législation, de connaissances, de ressources et manque d’efficacité des services vétérinaires) sont identifiées comme des obstacles à l’utilisation prudente des médicaments antimicrobiens.

La philosophie de l’aviculture sans antibiotique est anecdotique

Face au risque d’acquisition de résistance par les bactéries, des techniques sont développées pour produire du “poulet sans antibiotique”, mais elles restent anecdotiques.

L’aviculture sans antibiotique mise sur un plus grand bien-être des oiseaux et un encadrement d’élevage différent. L’éleveur doit s’assurer qu’il achète des poussins vaccinés contre la coccidiose, un problème de parasitisme interne universel qui affecte inévitablement les poulets. La seconde condition à respecter est une réduction du nombre d’oiseaux par unité de surface, de 25 à 30 %.

Tout se joue aussi dans le contrôle de l’environnement. Il faut ainsi diminuer le bruit au maximum, veiller à la qualité de la litière et au contrôle des abreuvoirs, et établir un bon programme de lumière pour que les poulets ne soient pas trop stressés et vivent dans le calme le plus absolu.

En résumé, la philosophie des tenants de l’aviculture sans antibiotique tient au confort des animaux et pas seulement au respect des normes d’élevage.

  • La bibliographie de cet article est disponible sur le site WK-Vet.fr (rubrique “Semaine Vétérinaire”, puis “Compléments d’articles”).

Les additifs antibiotiques, c’est fini depuis trois ans !

L’usage des antibiotiques dans un but zootechnique, propre à l’élevage de rente, était possible il y a quelques années. De faibles quantités d’antibiotiques étaient alors incorporées dans l’aliment pendant la période de croissance des animaux pour obtenir un gain de poids, estimé entre 2 et 5 %. Cet effet zootechnique, principalement observé dans des élevages avec un niveau d’hygiène précaire, tend à diminuer avec l’amélioration sanitaire de l’exploitation.

En Europe, la suppression des additifs antibiotiques dans l’alimentation animale a été progressive, à compter de 1997. A partir de janvier 1999, seulement quatre molécules étaient encore autorisées en tant qu’additifs ou facteurs de croissance. Mais depuis le 1er janvier 2006, leur utilisation dans l’alimentation animale des animaux de rente est interdite. Selon la Commission européenne, cette mesure d’interdiction « s’inscrit dans le contexte de sa stratégie globale pour lutter contre la menace que représente la résistance antimicrobienne pour la santé humaine, animale et végétale ».

K. A.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr