Une éleveuse obtient gain de cause en appel grâce à la clause de réserve de propriété - La Semaine Vétérinaire n° 1370 du 04/09/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1370 du 04/09/2009

Cession d’animaux

Gestion

LÉGISLATION

Auteur(s) : Céline Peccavy

Fonctions : Avocate au barreau de Toulouse

Commentaire de l’arrêt du 22 mai 2009 de la cour d’appel de Rennes dans le cadre des poursuites engagées par une éleveuse pour obtenir la restitution d’une chienne sous astreinte.

Les faits de l’affaire

Mme Eleveuse vend une chienne de race dogue de Bordeaux, le 26 décembre 2005, à Mme Acheteuse qui souhaite monter son élevage. Les parties se mettent d’accord sur un prix de vente de 1 300 €. Mme Acheteuse ne verse cependant pas l’intégralité de la somme le jour de la remise de la chienne. Elle ne remet à Mme Eleveuse que 700 €, le solde devant être payé ultérieurement. Les formalités concernant la carte d’identification sont ensuite effectuées afin que le nom de Mme Acheteuse remplace celui de Mme Eleveuse. La vente est matérialisée par une attestation de cession dans laquelle figurent deux clauses importantes pour l’issue de l’affaire :

– une clause de réserve de propriété qui indique clairement que « l’acheteur ne deviendra propriétaire du chien qu’après son paiement intégral »;

– une clause concernant les papiers de la chienne, qui indique que « le changement de propriété (carte de tatouage, certificat de naissance) ne sera effectif qu’après toutes les conditions de paiement réalisées ».

Cette attestation de vente présente également une particularité : la signature de Mme Acheteuse ne figure pas sous la mention « acheteur ».

Sous le coup de difficultés financières, Mme Acheteuse revend la chienne le 16 septembre 2006 à Mme B en lui faisant savoir qu’elle n’a toujours pas soldé le prix de vente et qu’elle n’est donc pas la propriétaire de l’animal. Elle lui communique l’acte de la vente intervenue entre elle et Mme Eleveuse.

Madame B promet alors de solder le prix directement auprès de Mme Eleveuse. Elle ne s’est cependant jamais exécutée malgré les demandes de l’éleveuse. Cette dernière a de ce fait saisi la justice afin de revendiquer la propriété de la chienne et d’exiger, en conséquence, sa restitution.

De l’intérêt d’insérer une clause de réserve de propriété dans un contrat

Le droit français présente une originalité quant au transfert de propriété, souvent méconnue.

En effet, contrairement aux idées reçues qui veulent que la vente se matérialise forcément par un écrit, la législation nationale (article 1 583 du Code civil) prévoit au contraire qu’un transfert de plein droit et immédiat de la propriété se réalise du seul fait de la rencontre des consentements.

La propriété est ainsi acquise à l’acheteur à l’égard du vendeur à partir du moment où un accord intervient sur les deux éléments fondamentaux de la vente que sont la chose et le prix. Le fait que la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé n’a aucune influence sur le transfert de propriété.

Ainsi, l’acheteur est immédiatement propriétaire, quel que soit le lieu où se trouve l’objet de la vente. A l’instant même de la rencontre des volontés, la chose tombe dans son patrimoine et lui seul a dès lors qualité pour conclure des actes à son sujet.

Parallèlement, la chose quitte au même moment le patrimoine du vendeur, privant ainsi des créanciers éventuels de la possibilité de la saisir.

Heureusement pour nos vendeurs d’animaux, l’article 1 583 du Code civil n’est pas d’ordre public et les parties ont ainsi la possibilité de déroger librement à ses dispositions (jugé dès 1935). Elles peuvent donc tout à fait subordonner le transfert de propriété à certaines conditions, au rang desquelles se trouve le paiement intégral du prix de vente.

C’est là qu’intervient la clause de réserve de propriété. Initialement cantonnée au domaine commercial, cette dernière est consacrée par l’ordonnance datée du 23 mars 2006, puis insérée dans le Code civil à l’article 2 367. Ce dernier dispose que « la propriété d’un bien peut être retenue en garantie par l’effet d’une clause de réserve de propriété qui suspend l’effet translatif d’un contrat jusqu’au complet paiement de l’obligation qui en constitue la contrepartie ».

Conditions de validité de la clause de réserve et ses effets

La clause de réserve de propriété doit figurer dans un écrit et avoir été acceptée par l’acheteur.

En cas de paiement partiel, le vendeur resté propriétaire peut revendiquer la chose entre les mains de l’acheteur. Mais qu’advient-il de cette revendication si l’acheteur a revendu le bien ? Dans une telle situation, l’action en revendication contre le tiers sous-acquéreur peut être paralysée. En effet, dans certains cas, l’acheteur a pu véritablement croire que le revendeur était le véritable propriétaire. Sa bonne foi interdit alors, sur le fondement de l’article 2 276 (anciennement 2 279) du Code civil, la revendication du bien entre ses mains.

A contrario, il est acquis que la revendication à l’encontre d’un tiers acquéreur de mauvaise foi est admise (arrêt du 13 novembre 1991 de la cour d’appel de Rennes, arrêts des 5 mars 1996 et 11 mai 1993 de la chambre commerciale de la Cour de cassation).

Une première juridiction est saisie

Le tribunal de Saint-Nazaire est la juridiction de première instance saisie. Dans cette instance, Mme Acheteuse affirme qu’elle n’a pas signé l’acte de cession de la chienne en sa faveur, mais que néanmoins elle avait parfaitement connaissance de la clause de réserve de propriété qui y figurait et en avait pleinement accepté le principe. Madame B fait de son côté valoir qu’elle a acquis en toute bonne foi la chienne, que la carte de tatouage était au nom de la venderesse, que la chienne est heureuse et qu’il serait contraire à son intérêt de la changer de résidence.

Décision du tribunal de Saint-Nazaire

« Attendu que Mme Eleveuse a signé une “attestation de vente et de garantie – avis de livraison – facture” le 26 décembre 2005 ; qu’il était indiqué que l’acheteur ne deviendrait propriétaire du chien qu’après son paiement intégral ; que Mme Acheteuse n’a pas signé ce document et que dès lors il n’y avait pas contrat écrit avec clause de réserve de propriété entre les parties ; que Mme Acheteuse qui a attesté qu’elle avait accepté la clause de réserve de propriété ne saurait engager Mme B sur ce terrain ; que la clause dont l’application est demandée pour obtenir la restitution de la chienne lui est inopposable, faute d’écrit ;

« Attendu que Mme Acheteuse a signé le 16 septembre 2006 un document aux termes duquel elle déclarait avoir vendu à Mme B une femelle dogue de Bordeaux pour la somme de 600 € qu’elle a remis à l’acheteur la carte de tatouage de la chienne, au vu de laquelle elle apparaissait en qualité de propriétaire ; que l’animal était en très mauvais état et était même cachectique (…) ; que le prix payé par Mme B correspondait à la valeur de l’animal compte tenu de son état, et la vente doit être considérée comme parfaite entre Mme Acheteuse et Mme B, possesseur de bonne foi.

Par ces motifs, le tribunal déboute Mme Eleveuse de sa demande en restitution sous astreinte. » Dans un premier temps la justice considère donc que l’absence de signature du contrat de vente par Mme Acheteuse fait obstacle à la revendication, même si Mme Acheteuse avait accepté oralement la clause de réserve de propriété. De plus, il relie les mentions de la carte de tatouage à l’existence d’une propriété. La chienne reste donc entre les mains de Mme B.

A la lecture de la jurisprudence en la matière, il devient évident que le tribunal a statué en équité et non en droit. Ne renonçant pas à faire valoir ses droits, Mme Eleveuse fait donc appel du jugement.

Nouvel élément en cause d’appel

Pendant la procédure d’appel, un fait nouveau de grande importance prend place dans le dossier : l’attestation de vente initiale comportait bien la signature de Mme Acheteuse, mais elle était placée bien plus bas qu’à l’endroit habituel et n’avait pas été remarquée pour cette raison. Fort de ce nouvel élément, Mme Eleveuse renouvelle sa demande de restitution de la chienne.

Décision de la cour d’appel de Rennes

« Considérant que, par lettre du 10 octobre 2006, Mme B a écrit à Mme Eleveuse qu’elle était en possession de la facture que cette dernière avait établie lors de la vente du 26 décembre 2005, de laquelle il ne résultait pas que Mme Acheteuse lui devait 600 € qu’il est donc établi qu’un exemplaire de “l’attestation de vente et de garantie – avis de livraison – facture” du 26 décembre 2005 portant clause de réserve de propriété avait été remis à Mme B ;

Considérant dès lors que Mme B, qui n’ignorait ni l’existence de cette clause de réserve de propriété ni le fait que Mme Acheteuse ne pouvait être propriétaire d’un chien qu’elle n’avait pas intégralement payé, et ce nonobstant l’identité du titulaire de la carte de tatouage, ne justifie pas d’une possession de l’animal exempte de vices lui conférant un titre faisant obstacle à la revendication ;

Qu’en l’absence de bonne foi de Mme B, il convient donc de la condamner sous astreinte à restituer le chien à Mme Eleveuse ;

Condamne Mme B à restituer le chien à Mme Eleveuse, dans le délai d’un mois suivant la signification du présent arrêt et, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard pendant un mois. »

La cour d’appel a donc adopté la position inverse du tribunal d’instance. Elle considère à juste titre que Mme B, en possession de l’acte de vente original, ne pouvait ignorer la clause de réserve de propriété et était donc de mauvaise foi. La cour confirme également que la carte de tatouage n’est pas un titre de propriété. La persévérance de Mme Eleveuse a payé et le droit a été appliqué en dépit des facteurs affectifs.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr