Les orthèses sont sous-utilisées en médecine vétérinaire - La Semaine Vétérinaire n° 1369 du 28/08/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1369 du 28/08/2009

Orthopédie

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Adrien Aertsens

Fonctions : stagiaire en chirurgie, hôpital vétérinaire Rive Sud, Montréal (Canada). Article rédigé grâce à la thèse de Lorraine Tarchala : « Les orthèses chez le chien : étude bibliographique », ENVA 2007, et avec l’aide de M. Grou Réjean.

Elles suppléent ou corrigent une fonction déficiente et compensent les limites d’un organe ou d’un membre qui ne remplit pas sa fonction.

Les orthèses sont des structures artificielles mises en place de manière temporaire pour suppléer un membre ou un organe. Largement utilisées en médecine humaine, les vétérinaires nord-américains commencent timidement à les employer. Il ne faut pas les confondre avec les prothèses, qui sont des structures artificielles destinées à remplacer tout ou partie d’un membre ou d’un organe et à lui restituer son fonctionnement ou son aspect original.

Un chien atteint d’une élongation chronique du tendon d’Achille est appareillé

Un croisé beauceron obèse, âgé d’une dizaine d’années, est présenté en consultation pour une élongation chronique du tendon d’Achille du postérieur droit. L’animal est plantigrade sur le membre atteint. Une opération de raccourcissement du tendon a été effectuée avec un résultat satisfaisant, mais une récidive est rapidement survenue. Les propriétaires veulent éviter une seconde intervention, mais souhaitent soulager l’inconfort de l’animal. Un rendez-vous avec un orthésiste est planifié.

Lors de la consultation, le chien est examiné par le vétérinaire et sa démarche est évaluée. Il est en effet important de considérer l’animal dans son ensemble avant de se concentrer sur la lésion tendineuse, afin de déceler toute autre affection susceptible d’altérer le succès de l’orthèse. Les objectifs recherchés sont expliqués à l’orthésiste : il s’agit de limiter la flexion maximale du tarse. Les avantages et les inconvénients que l’orthèse peut apporter au chien sont discutés avec les propriétaires, de même que les résultats espérés, à court et à long termes. Le temps de port nécessaire est également évalué. Dans ce cas, l’orthèse sera portée à vie, et pendant toute la journée si elle est tolérée. L’aspect esthétique est aussi évoqué. Le volume, la couleur et la complexité du montage sont des éléments importants pour les propriétaires. Différents motifs, logos et teintes sont d’ailleurs disponibles.

La prise des empreintes est effectuée à l’aide de plâtre de Paris, coupé et retiré dès qu’il a durci. Il a l’avantage d’être simple, rapide à réaliser, et peu coûteux.

L’orthèse est livrée quelques jours plus tard par l’orthésiste qui expose alors les recommandations d’emploi : l’appareil doit être mis en place quelques minutes les premiers jours, puis la durée est augmentée graduellement. Un rendez-vous de contrôle a lieu à la clinique deux semaines plus tard. Cette consultation permet d’une part d’évaluer l’animal appareillé et de vérifier les ajustements et les réglages de l’orthèse, et d’autre part de contrôler l’observance et la satisfaction des propriétaires. Le chien et son propriétaire sont habitués à l’emploi de l’orthèse. Les résultats obtenus sont comparés aux objectifs recherchés, et les limites de l’appareillage sont de nouveau expliquées (voir tableau). Malgré une observance généralement médiocre, notamment l’instauration d’un régime hypocalorique, les propriétaires de l’animal ont rapidement intégré l’orthèse dans leurs habitudes et en sont satisfaits. Ils appareillent le chien quand ils sont à la maison. En leur absence, l’animal reste inactif et allongé. Il ne porte donc l’orthèse que quelques heures consécutives.

Les orthèses servent essentiellement lors d’affections neurologiques et orthopédiques

Les orthèses permettent de suppléer ou de corriger une fonction déficiente, de compenser les limites d’un organe ou d’un membre qui a perdu sa fonction, qui ne s’est jamais pleinement développé ou qui présente une anomalie congénitale. Elles peuvent être de deux types :

– statiques : elles immobilisent alors une articulation dans une position définie. Elles sont utilisées pour protéger les muscles affaiblis de l’étirement excessif, stabiliser une ou plusieurs articulations (minerves cervicales, par exemple), prévenir ou stopper le développement des contractures, ou encore faciliter la cicatrisation des tissus mous à la suite d’une blessure, d’une fracture ou d’une intervention chirurgicale ;

– dynamiques ou articulées : plus complexes, elles permettent le mouvement des articulations en apportant une aide aux muscles affaiblis (traumatisme, mutilation, déformation, déficit neuromusculaire de la partie distale d’un membre, etc.) et en autorisant les muscles qui ont une force normale à mobiliser les articulations via le contrôle de la direction, de l’alignement et de l’amplitude du mouvement (hyperlaxité articulaire, subluxation de l’épaule, etc.).

Les orthèses assurent donc un support aux parties faibles ou non fonctionnelles. L’utilisation peut être permanente ou temporaire, et intégrée dans un programme physiothérapeutique. L’amélioration du confort au niveau du membre atteint et la limitation de la surcharge imposée au membre controlatéral permettent d’améliorer l’indépendance et l’autonomie de l’animal, qui se déplace davantage. Sa masse musculaire s’améliore et il perd du poids.

En outre, les orthèses protègent les tissus cicatriciels, les escarres et les hygromas, et préviennent leur formation.

Une alternative à la chirurgie

Le cas présenté illustre également la situation typique qui conduit les propriétaires à refuser la meilleure option thérapeutique en raison de l’âge de l’animal, du coût et du succès incertain de la chirurgie. L’euthanasie est inconcevable. L’orthèse répond à leur souhait d’apporter un confort de vie acceptable pour le chien en lui permettant de se mouvoir le plus normalement possible.

Les recommandations consistent essentiellement en un port du système durant une courte période (trente minutes) et sous surveillance les premiers jours. La mise en place soigneuse permet la transmission des forces au travers de l’appareil, et nécessite une adaptation aux nouvelles contraintes engendrées par l’orthèse. Un renforcement positif est parfois nécessaire, par exemple en la mettant en place au moment du repas. Pour les animaux difficiles, un test de tolérance peut être tenté avec un appareillage léger en néoprène. La durée de port est ensuite augmentée graduellement, afin d’habituer l’animal. La durée maximale tolérée varie selon l’animal, l’affection et l’orthèse utilisée. Un contrôle minutieux du segment appareillé est nécessaire après chaque utilisation, afin de contrôler la sensibilité de la peau et des tissus sous-jacents, et leur intégrité. De la chaleur est systématiquement produite, en raison du manque de circulation d’air, d’où une certaine macération. Il est donc fréquent d’observer des plages érythémateuses lors des premières utilisations. Il suffit alors de suspendre l’emploi pendant une journée. La période d’adaptation permet également au propriétaire d’apprendre à maîtriser les réglages. Cette maîtrise est importante, car un appareil mal ajusté peut occasionner des lésions de dermabrasion plus sévères. Les conséquences de la chaleur, les blessures, la gêne mécanique ou l’inconfort sont plus marquants et sont davantage observés dans les premiers temps. Certains défauts et gênes peuvent apparaître une fois l’animal habitué. L’orthèse est parfois adaptée pour modifier les points de pression. En cas de pelage long, mieux vaut couper les poils et veiller à maintenir une longueur inférieure à 1,5 cm, afin que l’appareil enveloppe le membre de façon optimale et pour éviter les mouvements.

Des orthèses de mauvaise qualité engendrent du stress sur les articulations, des déformations et des lésions des tissus mous. Celles qui sont mal adaptées peuvent générer de l’inconfort, un œdème, une plaie de dermabrasion, une contracture, une lésion nerveuse, un trouble vasculaire, une diminution fonctionnelle du membre et le non-accomplissement de la fonction pour laquelle elles sont conçues.

Il est rare que les propriétaires ne soient pas impliqués. En effet, l’utilisation des orthèses occasionne des inconvénients minimes et l’entretien de l’appareil est aisé. Il consiste en un nettoyage à l’eau, éventuellement mélangée à de l’alcool, suivi d’un séchage à l’air. Quant aux tarifs, ils s’échelonnent de quelques dizaines d’euros à plus de mille pour des appareils complexes. Certains de ceux utilisés en médecine humaine sont équipés de systèmes électriques qui stimulent la contraction musculaire. Ils ne sont toutefois pas encore employés chez les animaux.

Les orthèses ont assurément leur place en médecine vétérinaire. Leur utilisation débute dans certains pays, où les différentes méthodes de physiothérapie et de rééducation font désormais partie de l’arsenal thérapeutique classique. En France, elles restent malheureusement anecdotiques, en raison notamment du manque d’orthésistes vétérinaires.

Liste (non exhaustive) de régions pouvant être appareillées

• Les membres, pour permettre la marche et la cicatrisation d’une plaie :

– pied anormal et douloureux ;

– métacarpe/tarse : fracture-félure, luxation, lésion neurologique périphérique ;

– carpe/tarse : déficit neurologique entraînant un déficit proprioceptif, hyperlaxité articulaire, alternative à l’arthrodèse ;

– grasset : rupture du ligament croisé antérieur, subluxation de la rotule, arthrose ;

– coude : tendinite des muscles fléchisseurs ou extenseurs du coude, déformation osseuse, arthrose (contrôle des mouvements) ;

– hanche : arthrose (contrôle ab/adduction) ;

– épaule : contrôle des mouvements de rotation, abduction, alternative à l’arthrodèse ;

– os longs : fractures (en contenant les abouts fracturaires par compression des tissus mous tout en permettant la mobilité des articulations adjacentes et un retour rapide à l’activité, en alternative à la chirurgie ou en phase postopératoire).

• La colonne vertébrale :

– orthèse spinale cervicale, surtout efficace pour limiter la flexion et l’extension, mais limite la rotation et les mouvements latéraux si l’orthèse est plus étendue distalement ;

– orthèse thoraco-lombaire : contrôle le mouvement et réaligne des structures, limite la douleur en cas de faiblesse musculaire. Utilisée lors de fracture vertébrale, postopératoire, de syndrome Wobbler, de subluxation atlanto-axiale, etc.

– orthèse lombo-sacrée : même utilisation que la précédente.

• Articulations : utilisation dans le cadre d’affections rhumatoïdes, par réduction des mouvements et de l’inflammation et support du poids.

• Peau : plaies secondaires à une affection directement traitées par l’orthèse (dermabrasion de la face dorsale des doigts sur déficit proprioceptif), cicatrisation des plaies accélérée par l’immobilisation du segment (maturation plus aisée et prévention des contractures cicatricielles par la suite).

• Muscles : contractures et spasmes.

• Affections neurologiques périphériques : elles sont généralement traumatiques, rarement curables, mais peuvent se gérer grâce à la rééducation et à l’emploi d’orthèse, une alternative à l’amputation lors de lésions sévères.

SITES INTERNET

Différents modèles d’orthèses peuvent être visualisés sur ces différents sites :

– www.dogleggs.com

– www.orthopets.com

– www.hadicappedpets.com

– www.k-9orthotics.com

– www.muttrooms.com

– www.animalrehab.on.ca

– www.woundwear.com

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