Scanner et IRM font redécouvrir les accidents vasculaires - La Semaine Vétérinaire n° 1368 du 10/07/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1368 du 10/07/2009

Neurologie

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Gwenaël Outters

Si la lésion a plus de vingt-quatre heures, l'IRM est l'examen le plus pertinent. Outre le diagnostic, il permet de différencier ischémie et hémorragie.

Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) résultent d'une lésion vasculaire intracrânienne. Ils sont dus à des thromboses (infarcti) qui provoquent une ischémie du parenchyme cérébral ou à des hémorragies. En médecine vétérinaire, ils ont longtemps été un mythe et ont souffert de leur mauvaise comparaison avec la médecine humaine. Chez l'homme, l'AVC est la troisième cause de mortalité. Il touche majoritairement des patients âgés et est souvent associé à une composante cardiaque. En médecine vétérinaire, faute de moyens diagnostiques compétents et par le biais de comparaisons hâtives, des syndromes suraigus (comme le syndrome vestibulaire périphérique idiopathique ou les crises convulsives) ont longtemps été apparentés, à tort, à des AVC. Depuis environ cinq ans, avec le développement des outils diagnostiques et la multiplication des publications, ils retrouvent leur place en neurologie vétérinaire.

Les accidents vasculaires cérébraux sont majoritairement ischémiques

L'importance du diagnostic de l'AVC répond à celle de la recherche de la cause sous-jacente, qui peut nécessiter un traitement spécifique. En effet, dans la moitié des cas, l'AVC ischémique est le témoin d'une affection systémique dont il constitue le signe d'appel. Par ailleurs, le diagnostic d'AVC est assez gratifiant, puisque le pronostic est relativement bon. La mise en œuvre d'examens complémentaires permet, en outre, d'exclure une autre affection qui nécessiterait une prise en charge différente.

Les AVC ischémiques, les plus fréquents, sont d'apparition suraiguë et non évolutive, alors que les lésions hémorragiques évoluent plus lentement (l'apparition des symptômes peut s'étaler sur plusieurs jours) et génèrent de l'œdème cérébral (les signes cliniques sont alors liés non seulement à la lésion primitive, mais aussi à l'œdème et à l'hypertension intracrânienne, ce qui peut rendre la localisation de la lésion plus délicate).

Chez le chien, l'AVC apparaît à tout âge, contrairement à l'homme. Il n'y a pas de races prédisposées, mais une prédisposition à certaines maladies responsables d'AVC. Ainsi, des AVC sont plus fréquemment associés à un syndrome de Cushing chez le caniche, à une amyloïdose rénale chez l'épagneul breton ou à une anomalie plaquettaire chez le cavalier king Charles. Dans les accidents hémorragiques, les races prédisposées sont celles qui présentent des troubles héréditaires de l'hémostase (berger allemand, labrador, dobermann).

Les convulsions sont rarement un symptôme d'appel

Les signes cliniques sont souvent caractérisés par une asymétrie. En effet, un AVC est une lésion unique.

Les syndromes qui prédominent sont les latérocolis (tête tournée avec les oreilles à la même hauteur, à différencier du torticolis où la tête est penchée avec les oreilles à hauteur différente) et le syndrome vestibulaire central lié à une lésion ischémique cérébelleuse. Les crises convulsives sont rarement un signe d'appel d'un AVC ischémique. Les symptômes changent selon la localisation de la lésion et de nombreuses variables sont possibles.

Il n'existe pas de distribution préférentielle pour les lésions hémorragiques. Le nombre de cas étant bien plus faible, le recul est moindre.

L'IRM est l'outil de choix, sauf pour les lésions de moins de 24 heures

L'IRM est souvent supérieure au scanner, aussi bien pour les lésions hémorragiques qu'ischémiques. Elle est spécifique pour les AVC hémorragiques car elle est fondée sur un champ magnétique qui détecte particulièrement bien le fer présent dans l'hémoglobine et ses produits de dégradation. Elle permet la localisation et la datation des lésions hémorragiques cérébrales. Cependant, le scanner présente un avantage lorsque l'hémorragie date de moins de vingt-quatre heures. En effet, à ce moment-là, l'IRM ne permet pas la distinction entre une ischémie et une lésion hémorragique.

Une fois l'AVC mis en évidence, d'autres examens complémentaires peuvent être réalisés. Lors d'accident ischémique, les maladies rénales, un syndrome de Cushing, un diabète sucré ou une hypothyroïdie avec une hyperlipémie sont, par exemple, recherchés. Lors d'hémorragie, l'investigation concerne les causes locales (traumatismes, malformations vasculaires cérébrales, tumeurs cérébrales, amyloïdose vasculaire) ou systémiques, avec les déficits de l'hémostase acquis (angiostrongylose, leishmanioses), congénitaux et les coagulations intravasculaires disséminées (CIVD). Une forte infestation d'Angiostrongylus vasorum peut être corrélée à des AVC par des phénomènes de migration locale ou de thrombopénie périphérique, voire de CIVD.

Le pronostic est bon, à condition de se donner du temps pour l'amélioration clinique

Le pronostic des AVC est globalement bon. Dans une recherche(1) sur trente-trois cas, vingt-trois chiens sont vivants à la fin de l'étude. Cinq morts sont le fait de la maladie sous-jacente et cinq autres font suite à une demande d'euthanasie pour absence de résultat (le délai concédé pour obtenir une amélioration clinique n'est pas précisé). En effet, le premier signe d'amélioration n'apparaît parfois qu'au bout de quinze jours. Lors d'accidents ischémiques, le pronostic peut être considéré comme bon dans 75 % des cas en l'absence de cause sous-jacente identifiée. Dans les autres situations, le pronostic dépend de la maladie systémique.

Notre confrère Jean-Laurent Thibaud dispose d'une expérience d'une dizaine de cas, dont aucun n'a été euthanasié pour absence d'amélioration clinique. En trois semaines à un mois au maximum, le chien retrouve une autonomie.

Le traitement consiste à maintenir la perfusion cérébrale : les vaisseaux qui restent fonctionnels doivent apporter le maximum d'oxygène et de glucose au cerveau. Les crises convulsives, lors de lésions hémorragiques en particulier, sont à traiter de façon agressive et l'hypertension intracrânienne est gérée avec du mannitol. Par ailleurs, lorsqu'elle est identifiée, la maladie sous-jacente doit, bien entendu, être prise en charge.

Dans la moelle épinière, les embolies fibrocartilagineuses dominent

La moelle épinière a aussi ses accidents vasculaires : les ischémies (dues à des embolies fibrocartilagineuses) ou les hémorragies, dans le même contexte que les hémorragies cérébrales. Au niveau de la moelle, les accidents vasculaires sont ischémiques, avec des embolies fibrocartilagineuses dans la majorité des cas. Elles résultent de l'embolisation d'un morceau de noyau pulpeux dans la vascularisation médullaire qui est de type terminal. La moelle épinière a une vascularisation segmentaire. Ainsi, lorsque la lésion touche la substance blanche, les symptômes sont de type motoneurone central. En revanche, lors d'atteinte de la substance grise dans une intumescence (C6-T2 ou L4-S2), les symptômes sont de type motoneurone périphérique.

Toutes les races peuvent être concernées par les embolies fibrocartilagineuses, mais celles de grande taille sont majoritairement représentées. Les races chondrodystrophiques semblent moins touchées. Il s'agit généralement d'animaux jeunes. Les symptômes apparaissent souvent secondairement à un effort. Le cas classique est celui du chien qui s'écroule en pleine course. Cela pourrait s'expliquer par l'intervention d'une augmentation de la pression discale comme facteur favorisant l'embolisation. Les symptômes sont souvent d'apparition soudaine, d'intensité d'emblée maximale, non évolutifs et généralement asymétriques. L'absence de douleur à la manipulation spinale est un élément de diagnostic différentiel avec les hernies discales, douloureuses. La myélographie est souvent normale. L'IRM est l'outil le plus efficace pour diagnostiquer ces embolies. Elle montre une lésion hyperintense sur les images pondérées en T2. Les lésions de type motoneurone périphérique sont de moins bon pronostic que celles de type motoneurone central. Plus la lésion visible à l'IRM est étendue, moins le pronostic est favorable. Le traitement est le même que pour les AVC, c'est-à-dire nursing, physiothérapie et patience.

Les accidents vasculaires sont rares chez le chat

Les cas d'accident vasculaire médullaire chez le chat sont particulièrement rares. L'encéphalopathie ischémique féline, également rare, constitue une cause d'AVC dans cette espèce. Elle serait en partie imputable à la migration de larves parasitaires dans le cerveau.

Les accidents vasculaires sont bien une réalité et le praticien doit se donner les moyens de le montrer lors de ses consultations, pour pouvoir donner un pronostic en recherchant la cause. Il s'agit d'une affection plutôt gratifiante, puisque la survie de l'animal est généralement assurée après un nursing.

  • (1) L. Garosi, J.E. McConnell, S.R. Platt, G. Barone, J.C. Baron, A. de Lahunta, S.J. Schatzberg : « Results of diagnostic investigations and long-term outcome of 33 dogs with brain infarction (2000-2004) », J. Vet. Intern. Med., 2005, vol. 19, n° 5, pp. 725-731.

À LIRE DANS Le Point Vétérinaire

• Nicolas Granger, Jean-Laurent Thibaud, Stéphane Blot : « Les indications de l'IRM en neurologie », PV n° 252, janvier 2005.

Points clés de l'accident vasculaire

• L'AVC apparaît chez les chiens de tous âges.

• Dans la majorité des cas, les AVC sont ischémiques.

• Dans près de deux tiers des cas, l'AVC ischémique est le témoin d'une affection systémique.

• Les syndromes qui prédominent sont les latérocolis et le syndrome vestibulaire central.

• L'amélioration clinique peut n'apparaître qu'au bout de quinze jours.

• Lors d'accidents ischémiques, le pronostic est bon dans 75 % des cas en l'absence de cause sous-jacente.

• Les accidents vasculaires médullaires sont dus à des embolies fibrocartilagineuses dans la majorité des cas.

• Les embolies fibrocartilagineuses touchent les chiens jeunes, de race de grande taille, et apparaissent secondairement à un effort en provoquant des symptômes souvent asymétriques et sans hyperesthésie associée.

G. O.

CONFÉRENCIER

Jean-Laurent Thibaud, diplomate de l'European College of Veterinary Neurology, clinicien chargé de recherche à l'école d'Alfort.

Article tiré de la conférence « Accidents vasculaires cérébraux et médullaires : du mythe à la réalité », présentée au congrès 2008 de l'Afvac, à Strasbourg.

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