LES RUMINANTS EUROPÉENS SE PORTENT PLUTÔT BIEN - La Semaine Vétérinaire n° 1364 du 12/06/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1364 du 12/06/2009

À la une

Auteur(s) : Céline Carles

Les maladies réputées contagieuses des ruminants sont soumises à des campagnes d’éradication et de surveillance efficaces au sein de l’Union européenne. La moitié des Etats membres ont un statut indemne et les autres travaillent à l’obtenir. Toutes ces affections semblent maîtrisées, malgré des persistances géographiquement localisées ou des recrudescences brutales.

L’Union européenne a été marquée, ces dernières années, par des événements sanitaires important chez les ruminants, comme l’encéphalopathie spongiforme bovine, la fièvre aphteuse et, plus récemment, la fièvre catarrhale. En adoptant sa communication pour une nouvelle stratégie en matière de santé animale (« prévenir vaut mieux que guérir »), en septembre 2007, la Commission européenne a mis l’accent sur la vigilance à l’égard des risques sanitaires émergents, la préparation et l’anticipation des crises sanitaires, ainsi que l’amélioration de la biosécurité dans les élevages européens.

Comme les maladies animales ne s’arrêtent pas aux frontières, une coopération entre tous les Etats membres garantit une meilleure efficacité en matière de lutte et de prévention. Pour l’année 2008, la Commission européenne a approuvé une enveloppe de 186,57 millions d’euros pour financer des programmes d’éradication, de contrôle et de surveillance des maladies animales (voir encadré). La participation communautaire en faveur de soixante et un programmes annuels ou pluriannuels d’éradication de dix maladies animales majeures s’élève à plus de 70 millions. La progression des ressources allouées l’an passé par rapport à 2007 (près de 53 millions) s’explique essentiellement par les fonds supplémentaires dédiés à la lutte contre la fièvre catarrhale dans de nombreux Etats membres.

2001, l’odyssée de la fièvre aphteuse au Royaume-Uni

La plupart des pays d’Europe ont progressivement réussi à obtenir la quasi-disparition de la fièvre aphteuse (sauf quelques alertes en général vite maîtrisées) à la fin des années 90, grâce à la mise en œuvre de plans de prophylaxie médico-sanitaire. Mais la maladie sévit à l’état enzootique dans de nombreux pays (en Afrique, Asie et Amérique du Sud). Associée à la mondialisation des échanges, elle constitue une menace permanente pour l’Europe.

Cette menace s’est concrétisée de façon spectaculaire en 2001, au Royaume-Uni, confronté à une importante épizootie de fièvre aphteuse chez les bovins et les ovins, avec 2 030 foyers répertoriés. Tous ont été combattus par l’abattage des animaux malades ou contaminés, sans recours à la vaccination. Plus de 10 % du cheptel a ainsi été abattu (près de 4 millions d’animaux), dont environ 80 % de moutons. Cette épizootie a occasionné deux foyers en France, à la suite de l’importation d’ovins avant la déclaration de l’épizootie britannique, et vingt-six aux Pays-Bas. La souche de type O pan Asia à l’origine de cet épisode épidémique proviendrait de déchets de cuisine d’un restaurant asiatique distribués à un élevage de porcs, en infraction avec les réglementations européennes, qui aurait ensuite contaminé toute la Grande-Bretagne et une partie de l’Europe. Les abattages massifs effectués pour juguler l’épizootie ont heurté l’opinion publique. La réglementation européenne a été modifiée en 2003 pour permettre qu’une vaccination d’urgence ne soit pas systématiquement suivie par l’abattage des animaux vaccinés.

En 2007, le Royaume-Uni a traversé une nouvelle crise de fièvre aphteuse. Les autorités sanitaires britanniques ont en effet signalé deux foyers dans la province du Surrey, au sud de Londres, en août, puis six autres le mois suivant. La contamination provenait vraisemblablement d’une fuite de l’un des deux laboratoires (la transmission se faisant par mouvement humain) situés à proximité des premières exploitations touchées. Première expérience douloureuse oblige, des mesures précises et sévères (abattage des animaux, interdiction des déplacements et de l’exportation du bétail et des produits animaux) ont alors été adoptées dès l’apparition des premiers symptômes.

En novembre 2007, la fièvre aphteuse a également sévi à Chypre, avec quatre foyers mis en évidence chez des ovins et des caprins.

Le Royaume-Uni et Chypre ont retrouvé leur statut indemne de fièvre aphteuse le 19 et le 21 février 2008 respectivement. Actuellement, la totalité de l’Union européenne est indemne de la maladie.

Tuberculose bovine : un réservoir sauvage difficile à résorber dans certains pays

Au 29 octobre dernier, onze Etats membres et certaines régions d’Italie étaient déclarés indemnes de tuberculose bovine (voir carte 1 en page 33). Cette qualification repose sur un taux de cheptels infectés inférieur à 0,1 % depuis six ans.

Mais la maladie persiste dans certains pays européens (voir tableau 1), en raison de foyers résiduels ou de l’infection de la faune sauvage. Les espèces sauvages, initialement infectées par les bovins, représentent une source potentielle de recontamination pour le bétail, extrêmement difficile à tarir. Au sud-ouest de la Grande-Bretagne (4 133 foyers en 2007) et en Irlande (6 386 foyers en 2006), l’affection se propage malgré les dispositifs de surveillance et de contrôle mis en place. Les blaireaux constituent un réservoir quasi inexpugnable de l’agent de la tuberculose bovine et participent à l’impossibilité apparente d’obtenir sa disparition chez les bovins. Une vaste campagne d’éradication des blaireaux a été évoquée. En Grande-Bretagne toutefois, leur abattage massif n’aurait pas eu d’impact significatif sur le contrôle de la maladie et aurait contribué, au contraire, à empirer la situation. L’abattage tel qu’il a été mené dans certaines régions a entraîné une perturbation sociale chez les blaireaux, ce qui a augmenté le nombre de contacts entre individus et a par conséquent exacerbé la propagation de la maladie au lieu de la faire diminuer.

En France, un foyer sauvage de tuberculose a été détecté en 2001 chez les cerfs et les sangliers de la forêt normande de Brotonne. Il s’est aggravé depuis, avec plus de 25 % des cerfs et des sangliers infectés en 2006. La présence de l’infection chez les animaux sauvages s’est accompagnée d’une apparente augmentation de son incidence dans les cheptels bovins de la région. Dans le sud et le centre de l’Espagne, la tuberculose a été identifiée chez des cerfs, des daims, des sangliers et des lynx. Le nombre de cas est en forte augmentation depuis quelques années.

Les outils de contrôle de l’infection tuberculeuse dans la faune sauvage pour éviter son extension aux bovins et à l’homme sont actuellement limités. Au Royaume-Uni et en Irlande, des travaux sont en cours pour le développement d’un vaccin efficace et techniquement utilisable chez diverses espèces sauvages.

Leucose bovine enzootique : chronique d’une disparition annoncée

A la suite de campagnes obligatoires d’éradication, les pays membres de l’Union européenne présentent désormais une faible prévalence de leucose bovine enzootique. Au 29 octobre dernier, seize d’entre eux, ainsi que certaines régions d’Italie et de Pologne, ont déclaré être indemnes (voir carte 2). La justification de la lutte contre cette maladie est liée aux impératifs du commerce intracommunautaire.

La brucellose bovine reste enzootique dans certains pays et régions

L’intensification des mesures de lutte a permis à douze Etats membres et à certaines régions d’Italie d’acquérir le statut officiellement indemne de brucellose bovine au 29 octobre dernier (voir carte 3). La maladie reste enzootique en Espagne, en Grèce, au Portugal et dans une partie de l’Italie, malgré une baisse de l’incidence ces dernières années (voir tableau 1). Les programmes d’éradication de la brucellose bovine y sont bien établis, mais des déficiences sont constatées dans leur application. Les pratiques traditionnelles de pâturage extensif dans certaines zones espagnoles sont associées à la persistance de l’infection, alors que dans d’autres, le manque de rapidité dans la prise en charge des bovins infectés contribue à augmenter le taux de prévalence de la maladie. En 2002, en Caserte, région italienne possédant une importante population de buffles, seulement un peu plus de la moitié des troupeaux étaient contrôlés, et les animaux infectés étaient laissés dans les troupeaux pendant plusieurs années.

La brucellose bovine, ainsi que la brucellose ovine et caprine, touche de nombreux pays voisins de l’Union européenne (Turquie, Afrique du Nord, etc.) et représente une porte d’entrée possible de la maladie en cas d’importation non contrôlée d’animaux ou de denrées alimentaires d’origine animale.

La brucellose ovine et caprine demeure un problème méditerranéen

En 2007, seize pays de l’Union européenne, ainsi que des départements français et des régions d’Italie, du Portugal et d’Espagne, ont été déclarés indemnes de brucellose ovine et caprine. La maladie sévit essentiellement dans le bassin méditerranéen, notamment en Grèce (54 foyers en 2007), au Portugal (386 foyers en 2007), dans le sud de l’Italie et sur une partie importante du territoire espagnol (plus de 2 737 foyers en 2007).

L’incidence élevée de la brucellose s’explique en partie par la réticence de certains éléments des communautés agricoles à participer aux programmes d’éradication et par le manque de ressources au sein des services officiels. De plus, dans les Etats membres touchés, le nombre de petites exploitations, l’utilisation de pâturages communs et la présence de bâtiments peu propices au nettoyage et à la désinfection rendent l’exécution des programmes d’éradication plus astreignante. Excepté pour l’Italie, le recours à la vaccination s’est révélé nécessaire pour contrôler la maladie.

L’enfer de l’encéphalopathie spongiforme bovine s’éteint doucement

C’est au Royaume-Uni que l’ESB a été diagnostiquée pour la première fois, en 1986. Elle a ensuite pris des proportions épidémiques en raison de l’utilisation de farines de viandes et d’os (FVO) issues de carcasses d’animaux dans l’alimentation des bovins. En août 2007, environ 184 600 cas ont été enregistrés au Royaume-Uni et quelque 5 250 dans le reste de l’Union. La plupart des bovins infectés sont nés entre 1994 et 1996, soit avant la mise en œuvre des mesures adoptées à partir de 1996. Les pays les plus touchés depuis 2007, outre la Grande-Bretagne, sont l’Espagne, l’Irlande, le Portugal et la France.

Depuis 2002, le nombre de cas positifs recensés dans l’Union est en diminution constante : 2 124 dans l’Union à quinze en 2002 à comparer aux 174 dans l’Union à vingt-sept en 2007 (voir tableau 2 en page 34). Cette décrue, due principalement à la rigueur des dispositions adoptées à l’échelle européenne pour faire face à l’épidémie, devrait se poursuivre dans les années à venir. D’importantes mesures de surveillance relatives au dépistage, au contrôle et à l’éradication de l’ESB sont en vigueur. Elles incluent une surveillance passive par les vétérinaires et les éleveurs (détection des cas cliniques suspects) et une surveillance active au moyen de tests de dépistage chez les bovins destinés à la consommation humaine. Jusqu’en 2001, cette dernière était limitée. Depuis juillet 2001, une surveillance systématique de certains groupes cibles, notamment les animaux trouvés morts et les bovins sains abattus sans présenter de signe préalable d’ESB, est instaurée. Le nombre de tests pratiqués annuellement a ainsi augmenté de 25 % entre 2001 et la période 2002-2005, et plus de 70 % de l’ensemble des cas d’ESB ont été détectés de cette façon.

Malgré cette intensification du dépistage, le nombre de cas recensés et la prévalence de l’ESB ont continué de reculer après 2002 (voir graphique en page 34). En outre, dans tous les Etats membres, la structure d’âge des cas d’ESB détectés évolue vers des animaux plus âgés. Il s’agit d’un signe positif de l’efficacité des mesures prises depuis 1996. Depuis le 1er janvier dernier, Bruxelles a accordé aux quinze anciens Etats membres la possibilité d’augmenter l’âge seuil pour l’exécution des tests rapides de détection de la maladie jusqu’à quarante-huit mois au maximum, pour les bovins présentés à l’abattoir en vue d’entrer dans la chaîne alimentaire. Ceux nés dans les autres pays restent soumis aux anciennes mesures et doivent donc être testés à partir de vingt-quatre ou de trente mois.

Le dépistage génétique de la tremblante commence à donner des résultats

Les tests rapides de dépistage utilisés pour déceler l’ESB chez les bovins ne sont pas spécifiques de cette maladie, mais sont conçus pour reconnaître toutes les encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST). Ils sont donc également employés chez les ovins et les caprins pour dépister la tremblante. Depuis 2002, une surveillance active de la tremblante est mise en place dans l’Union européenne, sur des échantillons d’animaux sains destinés à l’abattage, âgés de plus de dix-huit mois (dépistage à l’abattoir) et d’animaux à risque (dépistage à l’équarrissage). Les cas positifs sont soumis à un autre test de différenciation moléculaire, qui vise à établir si la contamination relève de la tremblante ou de l’ESB. Ce programme a permis de détecter beaucoup de nouveaux foyers, générant une augmentation de l’incidence de la maladie. 0,1 à 1 % des ovins de l’Union seraient infectés. L’affinement de l’investigation de la caractérisation des souches d’EST qui circulent a permis de confirmer un cas d’ESB caprine en France, en janvier 2005, et d’enregistrer de nombreux cas d’EST “atypiques” (en Italie, le premier cas de tremblante atypique chez un ovin a été identifié en mai 2005). L’ESB n’a jamais été détectée chez le mouton, bien que sa présence chez cette espèce soit considérée comme possible.

En 2007, 828 644 ovins et 277 196 caprins ont été testés dans le cadre de la surveillance active des EST. 2 253 ovins et 1 272 caprins se sont révélés positifs vis-à-vis de la tremblante classique et atypique confondues (voir tableau 2). Chypre est le pays où la prévalence de la tremblante est la plus forte, chez les ovins comme chez les caprins. Mais sur cette île, des tests de dépistage sont également pratiqués sur les troupeaux infectés, ce qui n’est pas le cas dans les autres Etats membres. Toutefois, la forte hétérogénéité dans la mise en œuvre des programmes de surveillance active entre les différents pays rend difficile la comparaison des résultats.

Chez les ovins, une prédisposition génétique joue un rôle majeur dans le développement de la maladie. En effet, certains animaux sont génétiquement sensibles à la tremblante, d’autres sont résistants (cette distinction n’existe pas chez les caprins). Des programmes de lutte fondés sur la sélection d’ovins résistants ont d’abord débuté au Royaume-Uni, en France et aux Pays-Bas en 2001, avant d’être étendus à l’ensemble du territoire européen.

Un changement de réglementation est envisagé dans l’Union, consécutif à la démonstration de la transmission horizontale de la maladie des mères aux agneaux via le lait(1). Il viserait à interdire l’utilisation du lait ou du colostrum pour l’alimentation animale ou humaine lorsqu’il provient d’un troupeau atteint ou suspect. Cette nouvelle mesure sanitaire est recommandée à titre de précaution, car aucune transmission de la tremblante à l’homme par des produits laitiers ovins ou caprins, comme par d’autres produits de ces animaux, n’a été mise en évidence jusqu’à présent.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1320 du 20/6/2008 en page 32 et n° 1336 du 21/11/2008 en page 26.

Programmes d’éradication soutenus par la Commission européenne

• Tuberculose : Espagne, Irlande, Italie, Pologne et Portugal.

• Brucellose bovine : Chypre, Espagne, Irlande, Italie, Malte, Portugal, Royaume-Uni.

• Brucellose ovine et caprine : Chypre, Grèce, Espagne, Italie, Portugal.

• Leucose bovine enzootique : Estonie, Italie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Portugal.

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