La parésie-paralysie laryngée toucherait un quart des chiens - La Semaine Vétérinaire n° 1364 du 12/06/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1364 du 12/06/2009

Affections respiratoires canines

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Frédéric Meige

Fonctions : diplomate de l’European College of Veterinary Surgeons (ECVS), praticien à Plaisance-du-Touch (Haute-Garonne)

Malgré un risque de fausse déglutition tout au long de la vie, 90 % des chiens opérés d’une paralysie laryngée retrouvent une qualité de vie satisfaisante.

La paralysie laryngée correspond à une absence d’abduction du cartilage aryténoïde, c’est-à-dire à un défaut d’ouverture du larynx, durant l’inspiration. Il en existe deux formes : acquise et congénitale. Cette dernière est rare et s’observe chez les jeunes chiens (généralement âgés de moins d’un an). Les races prédisposées sont le bouvier des Flandres (chez lequel une transmission héréditaire est décrite) et le bull-terrier en Europe, le dalmatien et le husky aux Etats-Unis, ainsi que le rottweiler et le léonberg. La forme acquise, beaucoup plus fréquente, touche préférentiellement les chiens de races de grande taille (en particulier le labrador, le golden retriever, le setter et le Saint-Bernard) d’âge moyen entre neuf et douze ans. Elle est généralement d’origine idiopathique, mais elle peut aussi être traumatique (morsure au niveau du cou, avec une lésion du nerf laryngé récurrent), iatrogène lors de chirurgie du larynx ou du cou, secondaire à une polyneuropathie (hypothyroïdie notamment) ou à une tumeur médiastinale, cervicale ou laryngée qui comprime le nerf laryngé récurrent (voir photo 1).

Dyspnée progressive et intolérance à l’effort dominent le tableau clinique

Le tableau clinique est dominé par une dyspnée inspiratoire, voire un cornage, d’installation progressive et insidieuse. Une intolérance à l’exercice et une diminution des performances sportives sont également notées, ainsi qu’une détresse respiratoire dans certains cas, qui peut évoluer vers une syncope. Ces symptômes sont exacerbés par l’exercice ou la chaleur. Un changement de voix et une toux peuvent être rapportés par les propriétaires. Des signes cliniques de polyneuropathie, comme une parésie, une diminution des réflexes médullaires et une amyotrophie du muscle tibial crânial notamment, peuvent être détectés.

La laryngoscopie sous anesthésie légère permet d’établir le diagnostic

La parésie-paralysie laryngée est une affection probablement sous-diagnostiquée. En effet, dans une étude réalisée sur une population de deux cent cinquante chiens de différentes races, près de 25 % d’entre eux montrent des signes de parésie ou de paralysie laryngée (voir bibliographie 1). Les étapes du diagnostic visent à confirmer la présence d’une paralysie laryngée d’une part, et à identifier l’existence d’une affection sous-jacente d’autre part. Il s’établit par une laryngoscopie (voir photo 2). La profondeur de l’anesthésie est un facteur essentiel pour l’évaluation laryngoscopique de la paralysie laryngée. Elle doit être la plus légère possible pour pouvoir observer les mouvements laryngés. Si elle est trop profonde, les mouvements laryngés sont absents, même chez un animal normal. Plusieurs protocoles anesthésiques ont été comparés dans la littérature. Actuellement, les recommandations sont soit une induction avec du thiopental (10 à 20 mg/kg par voie intraveineuse jusqu’à effet) sans prémédication, soit une induction au masque avec de l’isoflurane, associée à une prémédication avec du butorphanol (0,4 mg/kg par voie intramusculaire) et d’acépromazine (0,2 mg/kg par voie intramusculaire). Ces deux protocoles apparaissent les moins dépresseurs des mouvements laryngés (voir bibliographie 4). Une laryngoscopie transnasale a récemment été décrite chez le chien. Elle permet d’éviter l’anesthésie pour la réalisation de l’examen (voir bibliographie 6).

La recherche d’une affection sous-jacente doit toujours être entreprise

L’existence potentielle d’une affection sous-jacente rend nécessaire la réalisation d’un certain nombre d’examens complémentaires. En cas de suspicion de masse laryngée ou cervicale, une radiographie, une échographie ou un examen tomodensitométrique peuvent être envisagés. Une radiographie du thorax doit être réalisée pour écarter une masse intrathoracique, un mégaœsophage lié à une polyneuropathie ou une pneumonie par fausse déglutition, plus ou moins fréquente lors de paralysie laryngée. L’hypothyroïdie a souvent été associée à la paralysie laryngée. La recherche d’un dysfonctionnement thyroïdien (dosage du cholestérol et des hormones thyroïdiennes) doit être systématiquement entreprise.

La réalisation d’un électromyogramme permet, outre un diagnostic précoce des parésies laryngées (cas douteux à la laryngoscopie), d’infirmer ou de confirmer la présence d’une polyneuropathie sous-jacente.

En cas de détresse respiratoire aiguë, oxygénothérapie et corticoïdes sont à associer

Certains animaux peuvent être présentés en état de détresse respiratoire aiguë qui nécessite une prise en charge immédiate. Dans un premier temps, une oxygénothérapie (masque ou cage à oxygène) et une administration de corticostéroïdes à dose anti-inflammatoire (dexaméthasone à raison de 0,2 à 0,5 mg/kg par voie intraveineuse), destinés à diminuer l’œdème laryngé, sont réalisées. L’hyperthermie est fréquente chez ces animaux en détresse respiratoire. La température corporelle doit donc être attentivement surveillée. En cas d’excitation sévère de l’animal, une sédation légère à base d’acépromazine (0,005 à 0,05 mg/kg) et de butorphanol (0,2 à 0,4 mg/kg) peut être effectuée. Si les premières mesures ne permettent pas une amélioration rapide de la respiration, une anesthésie légère et une intubation endo-trachéale sont alors nécessaires.

Une fois l’état de l’animal stabilisé, une sonde naso-trachéale est mise en place avant le réveil pour assurer une oxygénation adéquate (voir photo 3). Avec cette approche, rares sont les cas qui nécessitent une trachéotomie en urgence.

La latéralisation unilatérale crico-aryténoïdienne est la technique de choix

La chirurgie constitue le traitement de choix lors de paralysie laryngée idiopathique. Elle a pour but d’élargir suffisamment la lumière de la glotte pour permettre une inspiration normale. Le rétablissement de l’espace glottique ne doit cependant pas exposer l’animal à un risque accru de fausses déglutitions.

Plusieurs techniques sont décrites : la latéralisation aryténoïdienne, l’aryténoïdectomie partielle, la laryngofissure crénelée, la trachéostomie permanente, l’exérèse des cordes vocales, la réinnervation des muscles laryngés, etc. La latéralisation unilatérale crico-aryténoïdienne reste la technique de choix en termes de temps opératoire, de résultats et de complications postopératoires (voir bibliographie 5 et 7). Après un abord latéral du larynx (voir photo 4), une ou deux sutures irrésorbables sont placées selon la direction du muscle crico-aryténoïdien dorsal (muscle abducteur de l’aryténoïde) entre le processus musculaire, au travers de la facette articulaire du cartilage aryténoïde, et le bord caudo-dorsal du cartilage cricoïde (voir photo 5), afin de provoquer une abduction du cartilage aryténoïdien la plus physiologique possible (voir photo 6). La latéralisation bilatérale accroît le risque de fausses déglutitions postopératoires et n’est donc pas recommandée.

Les principales complications rapportées lors de latéralisation unilatérale de l’aryténoïde sont une pneumonie par fausse route (8 à 33 % des cas) qui, si elle se révèle plus fréquente en phase postopératoire immédiate, peut se produire tout au long de la vie de l’animal ; de la toux (16 %) ; une récidive des symptômes à la suite d’une déchirure du cartilage ou d’une avulsion du processus musculaire (4 à 8 %) ; une modification de la voix (voir bibliographie 3 et 5). Théoriquement, l’incidence des fausses déglutitions pourrait être diminuée grâce à la mise en place de sutures “basse tension” (en préservant notamment la partie crâniale de la capsule articulaire aryténoïdienne, voir bibliographie 2). Malgré ces complications, 90 % des chiens opérés retrouvent une qualité de vie satisfaisante lors de paralysie laryngée idiopathique (voir bibliographie 3).

BIBLIOGRAPHIE

  • 1 – C. Broome, H.M. Burbidge, D.U. Pfeiffer : « Prevalence of laryngeal paresis in dogs undergoing general anaesthesia », Aust. Vet. J., 2000, vol . 78, n° 11, pp. 769-772.
  • 2 – M.J. Greenberg, S. Bureau, E. Monnet : « Effects of suture tension during unilateral cricoarytenoid lateralization on canine laryngeal resistance in vitro », Vet. Surg., 2007, n° 36, pp. 526-532.
  • 3 – S.P. Hammel, H.A. Hottinger, R.E. Novo : « Postoperative results of unilateral arytenoid lateralization for treatment of idiopathic laryngeal paralysis in dogs : 39 cases (1996-2002) », Javma, 2006, n° 228, pp. 1215-1220.
  • 4 – A.M. Jackson, K. Tobias, C. Long et coll. : « Effects of various anesthetic agents on laryngeal motion during laryngoscopy in normal dogs », Vet. Surg., 2004, n° 33, pp. 102-106.
  • 5 – R.P. Millard, K.M. Tobias : « Laryngeal paralysis in dogs », Compendium, mai 2009, pp. 212-219.
  • 6 – M.G. Radlinsky, D.E. Mason, D. Hodgson : « Transnasal laryngoscopy for the diagnosis of laryngeal paralysis in dogs », JAAHA, 2004, n° 40, pp. 211-215.
  • 7 – D.M. Schofield, J. Norris, K.K. Sadanaga : « Bilateral thyroarytenoid cartilage lateralization and vocal fold excision with mucoplasty for treatment of idiopathic laryngeal paralysis : 67 dogs (1998-2005) », Vet. Surg., 2007, n° 36, pp. 519-525.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr