Stabilisation chirurgicale d'une fracture du maxillaire - La Semaine Vétérinaire n° 1363 du 05/06/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1363 du 05/06/2009

Cas clinique d'orthopédie

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Adrien Aertsens*, Carlos Hodges**

Fonctions :
*Stagiaire en chirurgie au Valley Central Veterinary Referral Center (Whitehall, Pennsy Ivanie, Etats-Unis).
**Praticien exclusif en chirurgie au Valley Central Veterinary Referral Center (Whitehall, Pennsy Ivanie, Etats-Unis).

La mise en place de deux implants en croix assure une stabilité efficace dans les trois plans.

Une chienne croisée berger âgée de neuf mois est présentée en urgence à la suite d'un choc frontal avec une voiture. L'animal, chez lequel anxiété et douleur sont notées, présente une légère épistaxis bilatérale. L'examen clinique révèle une fracture de la symphyse mandibulaire et une forte suspicion de fracture du maxillaire supérieur. Quelques dermabrasions légères sont également observées sur les membres antérieurs. Un examen de la cavité buccale sous sédation, suivi du traitement chirurgical de la ou des fractures est programmé pour le lendemain matin.

Le bilan sanguin (numération formule et biochimie) est normal. L'animal, qui pèse 10 kg, reçoit un traitement antalgique à base de buprénorphine (0,01 mg/kg administré par voie intraveineuse, quatre fois par jour) et de méloxicam (0,2 mg/kg, puis 0,1 mg/kg, une fois par jour), une antibioprophylaxie préopératoire à base de céfazoline (Cefazolin for Injection®, 1,9 ml par voie intraveineuse lente, trois fois par jour) et est placé sous perfusion de Ringer lactate à un débit de 4 ml/kg/h. Les plaies sont tondues, nettoyées et désinfectées.

Une stabilisation par deux broches en croix est envisagée

Une sédation est effectuée grâce à l'administration intraveineuse de butorphanol (0,01 mg/kg), de xylazine (0,4 mg/kg) et de glycopyrrolate (0,02 mg/kg). L'examen de la cavité buccale confirme la suspicion clinique de fracture du maxillaire supérieur, qui entraîne une instabilité importante du chanfrein de l'animal (voir photo 1). Des radiographies révèlent que la fracture, simple, concerne les os maxillaires au niveau des prémolaires 2-3 à droite et 3-4 à gauche, et s'étend caudalement jusqu'à l'os frontal (voir photo 2). Une stabilisation chirurgicale par deux broches en croix est donc envisagée. Une induction avec du sévoflurane à 4 % administré au masque est réalisée, suivie d'une intubation et d'un entretien avec le même anesthésique au taux de 1,5 à 2 % pendant l'intervention chirurgicale. La perfusion est poursuivie au rythme de 100 ml/h pendant toute l'opération. Des anesthésies bilatérales du nerf mentonnier et du nerf maxillaire sont effectuées avec de la bupivacaïne.

Un cerclage est posé sur la mandibule et deux broches sont placées dans le maxillaire

La stabilisation de la fracture de la symphyse mandibulaire est effectuée classiquement par un cerclage passé dans les gencives derrière les canines, noué sous la peau du menton et enfoui par un point simple cutané. La réduction de la fracture du maxillaire supérieur est aisée et l'occlusion des mâchoires est bonne. La stabilisation du maxillaire est réalisée à l'aide de deux broches partiellement filetées à profil positif d'un diamètre de 2 mm (5/64), implantées derrière la canine, en direction des dernières molaires controlatérales, en longeant dorsalement le palais. L'about rostral est sectionné au ras de la gencive (voir photo 3).

Pour des raisons financières, la chienne est stérilisée en même temps (ovario-hysterectomie). Le réveil est rapide et sans difficulté particulière. Un carcan et une muselière en nylon permettant le passage aisé de la langue. Une injection de céfovécine (à la dose de 8 mg/kg, par voie sous-cutanée) est administrée pour éviter l'administration orale de comprimés. L'état général et algique de l'animal est bon douze heures après l'intervention. L'administration intraveineuse de buprénorphine est arrêtée et la chienne est rendue à ses propriétaires le lendemain, après un léger repas liquide lapé sans problème. Le traitement postopératoire consiste en un confinement à la maison, le port de la muselière et du carcan jusqu'au contrôle et au retrait des points, prévu quinze jours plus tard, et l'administration d'une alimentation liquide en trois à quatre repas par jour. Du tramadol (molécule disponible en pharmacopée humaine, 5 mg/kg, deux fois par jour) et du méloxicam (0,1 mg/kg, par voie orale, une fois par jour) sont administrés pendant quatre et cinq jours respectivement.

Les broches sont retirées six semaines après l'intervention

Lors du contrôle quinze jours plus tard, les propriétaires indiquent que l'état général est resté bon depuis le retour à la maison, ce qui les a incités à retirer la muselière après huit jours… L'animal n'a pas perdu de poids et mange une alimentation humide. La cicatrisation des plaies chirurgicales et abrasives est correcte et les sutures sont retirées.

Une radiographie de contrôle sous sédation (butorphanol à la dose de 0,2 ml, glycopyrrolate à raison de 0,2 ml et xylazine à 0,2 ml) est effectuée un mois plus tard. Elle montre une cicatrisation osseuse correcte. Toutefois, un fin trait fracturaire est remarqué au niveau de l'os maxillaire. Un sérome de la taille d'une noisette, présent sur chaque about de broches, est incisé, et les broches sont retirées. Un point en “x” avec du fil à résorption lente est effectué sur la gencive. L'animal est réveillé avec de la yohimbine (0,04 mg/kg).

Les fractures du maxillaire sont souvent accompagnées de lésions plus graves

Les fractures mandibulaires sont fréquemment rencontrées chez le chien et le chat. Leur diagnostic est aisé. Le traitement est chirurgical, à l'aide d'un fil de cerclage, et vise à restaurer en priorité une bonne occlusion dentaire. Quelques différences existent quant à la tresse, qui peut être enfouie sous la peau comme dans le cas présenté, ou apparente, directement serrée sur la peau ou sur un bouton de couture ou un bouchon souple de tube à prélèvement sanguin. Le cerclage est retiré quatre à six semaines plus tard, en sectionnant la partie apparente dans la cavité buccale, et en extirpant l'ensemble par traction sur la tresse.

Les fractures du maxillaire supérieur sont beaucoup moins fréquentes. Elles peuvent concerner les os maxillaire, palatin, incisif, nasal, et palatin. Le palais dur et l'arcade dentaire sont souvent touchés. Elles sont la conséquence d'un traumatisme crânien violent, et la présence de lésions cérébrales n'est pas rare. Leur traitement est prioritaire par rapport à celui de la fracture. L'hémorragie, l'œdème inflammatoire et des fragments osseux peuvent entraîner une obstruction respiratoire partielle ou totale, dont le traitement nécessite une oxygénothérapie, voire une trachéotomie. Si le traitement de la fracture est différé, une sonde de support nutritionnelle (œsophagienne) sera mise en place provisoirement. Les sondes naso-œsophagiennes sont proscrites.

Les radiographies diagnostiques et de contrôle se font sous anesthésie. Des clichés “gueule ouverte” effectués dorso-ventralement et latéralement permettent de visualiser de manière optimale la mâchoire supérieure en évitant la superposition de la mâchoire inférieure.

Une fracture simple et peu déplacée du maxillaire peut cicatriser seule

Les fractures du maxillaire sont souvent ouvertes, avec une communication dans la cavité buccale. L'emploi d'antibiotiques est donc recommandé pour prévenir toute ostéomyélite. Celles du maxillaire supérieur ne se traitent pas toujours chirurgicalement. Une fracture simple, légèrement déplacée, cicatrise bien. L'emploi d'une muselière en nylon ou fabriquée à l'aide d'Elastoplaste® est nécessaire jusqu'à la formation d'un cal osseux stable, afin de maintenir une bonne occlusion dentaire et un alignement fracturaire correct. Cette technique n'est pas utilisable chez les chiens de races brachycéphales et les chats, et chez tout animal qui présente un risque de vomissement important (possibilité d'une pneumonie par fausse déglutition). Les indications pour une intervention chirurgicale sont une instabilité marquée, la présence d'une malocclusion, d'une communication oro-nasale, d'une obstruction nasale ou d'une déformation faciale importantes.

Les broches en croix offrent une stabilisation efficace de l'about fracturaire

La technique utilisée dans le cas décrit est intéressante, car elle est simple, rapide et d'un coût peu élevé. Les broches en croix offrent une stabilisation efficace de l'about fracturaire par rapport au reste du crâne. En effet :

– la présence de deux implants en croix assure une bonne stabilité dans le plan transverse (rotation) ;

– le niveau d'insertion des broches (face dorsale de l'os palatin) permet une stabilisation dans les plans sagittal et frontal ;

– l'ancrage des broches se fait au niveau des corticales des deux hémimaxillaires. L'extrémité filetée à profil positif assure un ancrage efficace de la broche dans l'os ;

– le croisement des deux broches filetées assure une stabilisation dans l'axe rostro-caudal. Si une compression importante est nécessaire, le montage peut être transformé en système compressif. Les broches sont alors insérées sur une plus grande longueur pour les rendre apparentes distalement, et un cerclage en “8” est passé le long de chaque gencive, entre les abouts qui sont coupés court après le pliage ;

– seule l'extrémité coupée court des broches est présente dans la cavité buccale ;

– la gestion postopératoire est simple et ne requiert que des soins minimes.

Comme pour les fractures mandibulaires, la réduction a pour objectif premier la restauration d'une occlusion normale plutôt qu'une réduction anatomique parfaite.

Traitement chirurgical des fractures du maxillaire supérieur

• Les fixations externes couramment employées sont de trois types :

– un fil de cerclage interdentaire : le fil est passé entre les dents au niveau du collet dentaire, dans un petit trou créé dans la gencive. De nombreux montages sont décrits ;

– une attelle en acrylique dentaire : la fracture est réduite et une résine dentaire en acrylique est déposée sur les dents adjacentes au site de fracture. Ces dernières doivent être intactes, solidement enracinées. Au retrait du montage, elles doivent être polies et traitées avec un fluoride ;

– des broches et coapteurs en polyméthacrylate de méthyle. Leur réalisation est technique et exigeante.

• Les fixations internes couramment employées sont de deux types :

– des cerclages interfragmentaires : le fil de cerclage est utilisé comme suture, passé dans des trous pré forés entre les fragments. Le mucopérioste est suturé par-dessus ;

– des plaques vissées : plus rarement utilisées, leur application nécessite de pouvoir les recouvrir avec suffisamment de tissus mous et d'éviter les racines dentaires avec les vis. De plus, l'os étant très fin presque partout, il est difficile d'avoir une bonne force d'ancrage de chaque vis, et trois vis au minimum sont nécessaires dans chaque fragment. Il faut également éviter les nerfs et les vaisseaux qui émergent du foramen infra-orbitaire.

A. A. et C.H.

À LIRE DANS Le Point Vétérinaire

• Sébastien Breton, Olivier Gauthier, Delphine Holopherne : « Les anesthésies régionales de la face », PV n° 263, mars 2006.

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