Le masitinib ouvre la voie des thérapies ciblées anticancéreuses à long terme chez le chien - La Semaine Vétérinaire n° 1363 du 05/06/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1363 du 05/06/2009

Mastocytome. Exceptionnel par son mode d’action non cytotoxique et son coût

Actualité

Auteur(s) : Eric Vandaële

Dans le traitement des mastocytomes cutanés, cet inhibiteur de tyrosine kinase s’administre sur le long terme.

Exceptionnel, le masitinib (Masivet®), premier anticancéreux pour chiens de l’histoire de la médecine vétérinaire, l’est à plus d’un titre. AB Science annonce actuellement, à travers un cycle de quatre réunions, sa commercialisation prochaine “en direct” (hors centrales), à un coût sélectif, pour le traitement des mastocytomes cutanés (en dehors des cas bénins de grade I).

Exceptionnel d’abord par son mode d’action, dit de « thérapie ciblée ». Car le masitinib n’est pas un cytotoxique. Son objectif n’est donc pas de détruire au plus vite les cellules cancéreuses qui progressent. Il s’agit d’un inhibiteur de tyrosine kinase (c-kit), une nouvelle classe d’anticancéreux dont le premier représentant (l’imatinib) n’est autorisé que depuis 2001 en médecine humaine. Ces molécules inhibent spécifiquement et sélectivement cette enzyme de prolifération cellulaire. Elles reprogramment les cellules visées, en l’occurrence les mastocytes chez le chien, et induisent leur apoptose « comme pour toute cellule non cancéreuse ». Avec cette nouvelle approche de thérapie ciblée, ces molécules non cytotoxiques mieux tolérées sur le long terme – elles sont d’ailleurs destinées à être administrées sans interruption tant que la réponse clinique est satisfaisante – deviennent aussi faciles d’emploi et sans précaution majeure pour l’entourage ou l’utilisateur.

Exceptionnelle, la start-up parisienne à l’origine de ce développement, AB Science, l’est aussi. Elle a été fondée en 2001 autour de ce traitement de la mastocytose chez l’homme, avec une AMM “humaine” espérée pour fin 2010. Pour une fois, c’est donc le chien qui inaugure les molécules révolutionnaires réservées aux hôpitaux ! En fait, les mastocytomes cutanés des chiens se révèlent un bon modèle de pathologie comparée avec la mastocytose chez l’homme.

Une thérapie ciblée plus efficace sur les tumeurs non opérables

Bien que les termes « thérapie ciblée » s’appliquent au seul mode d’action, le coût de ces molécules, tout aussi exceptionnel, conduit nécessairement à cibler également les clients et les cas cliniques. Chez l’homme, le coût du traitement journalier par un inhibiteur de la tyrosine kinase avoisine les 200 € par jour, soit 72 000 € par an ! Chez le chien, la boîte de trente comprimés non sécables dosés à 150 mg, qui permet de traiter un chien de 12 kg à la posologie recommandée de 12,5 mg/kg, s’achète directement auprès d’AB Science(1) à 120 € TTC (prix d’achat par le vétérinaire), soit… 4 €/j (le prix d’un comprimé). Les traitements (donc les coûts) sont ajustés à 4 kg près grâce au dosage le plus faible, à 50 mg.

Selon le libellé officiel retenu par l’Agence européenne du médicament, Masivet® est indiqué comme « traitement des mastocytomes de grades II ou III à l’histologie, non opérables chirurgicalement avec confirmation du récepteur d’une protéine tyrosine kinase (c-kit) muté ». Le traitement des mastocytomes bénins (de grade I non agressif) n’est pas utile, puisque le taux de survie à deux ans après une exérèse est déjà supérieur à 95 %. A l’inverse, le pronostic des mastocytomes de grade III (particulièrement agressif), même après exérèse, est sombre. Les métastases sont fréquentes. Le taux de survie à deux ans est faible, compris entre 5 et 10 %. Un traitement adjuvant s’impose pour retarder les récidives et augmenter la survie. Le grade II, intermédiaire, est d’un pronostic mitigé, avec 45 % de survie, « une chance sur deux » détaille Jérôme Abadie, anatamopathologiste à l’école de Nantes. Un index de prolifération tumorale Ki-67 permet d’améliorer le pronostic s’il est inférieur à 10 % (taux de survie de 80 à 90 %) ou de l’assombrir s’il est supérieur à 10 % (taux de survie de 20 à 30 %). Cet index oriente aussi vers une radiothérapie et une chimiothérapie adjuvante, plus efficaces sur ces cellules en prolifération tumorale(2).

La recherche de la protéine kinase mutée (c-kit mutée) permet aussi d’orienter vers le masitinib avec une probabilité de succès plus élevée si cette mutation, qui constitue l’origine probable du mastocytome, est présente. Toutefois, le masitinib est un inhibiteur de la c-kit, que cette enzyme soit ou non mutée. Car l’analyse reste complexe (elle nécessite un prélèvement frais) et coûteuse (320 € chez AB Science). Jérôme Abadie développe actuellement un test plus simple, pour environ 80 €, mais il ne détectera que la mutation la plus fréquente de cette c-kit.

« Un traitement révolutionnaire, mais surtout pas la panacée »

Les cas cliniques présentés tant par Patrick Devauchelle à l’école d’Alfort que par Damien Leroux, vétérinaire d’AB Science, démontrent d’ailleurs l’efficacité lors de récidive après une chirurgie ou lorsque la c-kit n’est pas mutée. Mais ce traitement, « même s’il est révolutionnaire, n’est pas la panacée », répète Patrick Devauchelle aux praticiens (trop ?) séduits. « C’est une arme de plus, avec la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie classique (corticoïdes, vincristine, lomustine). Le traitement des mastocytomes se décide au cas par cas, selon leur localisation, le bilan d’extension, la possibilité d’une résection chirurgicale large, le grade I, II ou III, la présence ou non de la tyrosine kinase mutée, etc. » Même si l’évolution étonnamment spectaculaire des cas cliniques, dont certains seraient euthanasiés sans ce traitement, peut parfois le faire penser, « il n’y a toujours pas de recette miracle en cancérologie. Chaque cas reste un cas particulier qui ne peut pas être extrapolé à d’autres ».

Par rapport à la chimiothérapie, « la tolérance sur le long terme est parfaite », rapporte Patrick Devauchelle. Pour AB Science, Damien Leroux souligne surtout une sensibilité individuelle chez 3 à 4 % des chiens qui développent alors un syndrome de fuite protéique. L’albuminémie doit donc être suivie pendant trois mois afin de les écarter du traitement si le taux chute en dessous de 20 g/l. Des diarrhées et des vomissements modérés et transitoires sont aussi fréquemment rapportés. Le résumé officiel des caractéristiques du produit (RCP) multiplie en revanche les longues mises en gardes dites « de précaution ».

En pratique, Damien Leroux souligne qu’il convient d’apprécier la réponse clinique à six mois avant de prendre la décision ou non d’arrêter le traitement chez les animaux qui n’ont pas répondu.

Si l’évolution est stabilisée (non dégradée) ou que la situation s’est améliorée, la survie à douze mois est de 95 % et elle s’élève à 80 % à vingt-quatre mois en poursuivant le traitement. « En revanche, la réponse à six semaines n’est pas prédictive de la survie à long terme. »

  • (1) Le site Internet www.masivet.com devrait permettre de passer directement les commandes.

  • (2) Voir J. Abadie : « Mastocytomes », Le Point Vétérinaire, 2005, numéro spécial cancérologie, pp. 38-44.

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