La maladie surrénalienne du furet est émergente - La Semaine Vétérinaire n° 1363 du 05/06/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1363 du 05/06/2009

Hypersécrétion des stéroïdes sexuels

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Didier Boussarie

Fonctions : consultant en NAC au centre hospitalier vétérinaire Frégis à Arcueil (Val-de-Marne).

Cette affection représente un quart des motifs de consultation pour le furet aux Etats-Unis. Elle est de plus en plus fréquente en Europe, notamment en France.

La maladie surrénalienne du furet, parfois dénommée improprement maladie adrénocorticale, hyperadrénocorticisme ou ACD (adrenocortical disease), est due à une hypersécrétion des stéroïdes sexuels d'origine surrénalienne. Elle n'est pas comparable au syndrome de Cushing chez le chien et l'utilisation des termes hypercorticisme ou Cushing pour la décrire est également incorrecte, dans la mesure où la sécrétion des glucocorticoïdes (cortisol plasmatique), de l'adreno-corticotropic hormone (ACTH) et des minéralo-corticoïdes est généralement peu affectée. Cette affection représente la première cause d'alopécie chez le furet. Elle s'observe presque exclusivement chez les animaux stérilisés.

La maladie est particulièrement répandue outre-Atlantique (elle représente près de 25 % des motifs de consultation aux Etats-Unis), mais s'observe aussi de plus en plus fréquemment en Europe, notamment en France.

Il existe trois types essentiels de tumeurs surrénaliennes, qui représentent en fait des stades évolutifs successifs : une hyperplasie surrénalienne bénigne au début, puis un adénome surrénalien et un adénocarcinome surrénalien qui peut rapidement occasionner des lésions métastatiques au niveau des nœuds lymphatiques abdominaux, du pancréas et du foie.

D'autres types de tumeurs, beaucoup plus rares, peuvent également être rencontrés (phéochromocytome, léiomyome surrénalien, etc.). La surrénale gauche est plus souvent atteinte.

La LH est déterminante dans la pathogenèse de l'affection chez le furet stérilisé

La connaissance de la physiologie sexuelle du furet (voir schéma) est importante pour bien saisir les différents facteurs étiologiques de la maladie.

L'hormone lutéinisante (LH) semble jouer un rôle déterminant. Une surstimulation prolongée de ses récepteurs surrénaliens par des taux de LH trop élevés chez le furet stérilisé conduit à une hyperplasie, puis à une tumorisation de la ou des glandes surrénales. Ces dernières, modifiées, sécrètent des quantités anormalement élevées de stéroïdes sexuels (œstradiol, hydroxyprogestérone, androstènedione).

La stérilisation précoce favorise l'apparition des tumeurs surrénaliennes

L'affection s'observe essentiellement chez des furets stérilisés adultes âgés de trois à cinq ans, mâles ou femelles, stérilisés précocement. Néanmoins, elle est également décrite, dans de rares cas, chez des furets non stérilisés, ce qui prouve son caractère polyfactoriel.

La précocité de la stérilisation représente un facteur majeur. Des études montrent la corrélation entre cette précocité et l'apparition des tumeurs surrénaliennes. Dans des travaux néerlandais (Schoemaker) sur des furets stérilisés entre six mois et un an et demi, l'âge moyen d'apparition de la maladie est de 5,1 ans (+/- 1,9). Dans une étude américaine (Rosenthal) où les furets sont stérilisés beaucoup plus tôt (entre quatre et six semaines), cet âge d'apparition passe à 3,4 ans (+/- 1,4). L'intervalle de temps entre la stérilisation et l'apparition de la maladie surrénalienne est de 3,5 ans (+/- 1,8).

L'éclairage artificiel inadapté jouerait également un rôle

L'augmentation de la photopériode due à l'éclairage artificiel semble aussi jouer un rôle déterminant en abaissant la production de mélatonine. Cette dernière, sécrétée pendant les périodes d'obscurité, exerce une action de ralentissement sur l'axe hypothalamo-hypophysaire. Plus précisément, elle semble modérer la sécrétion de gonadotropin-releasing hormone (GnRH) par des récepteurs spécifiques hypothalamiques (voir schéma). Cela expliquerait l'importance croissante des alopécies et des tumeurs surrénaliennes chez les furets hébergés en ville, dans une pièce à vivre commune (petit appartement ou studio) et soumis à un éclairage artificiel intense et prolongé une grande partie de l'année, donc à une photopériode anormalement longue. Inversement, l'incidence de la maladie surrénalienne est faible en Angleterre, où les furets sont logés en extérieur, mais aussi gardés entiers et nourris avec de la viande fraîche.

Des facteurs génétiques interviendraient également, les souches américaines étant plus prédisposées. Ils font l'objet d'études de pathologie comparée aux Etats-Unis (Hawkins, Davis, université de Californie). Certains gènes protecteurs vis-à-vis des tumeurs, connus chez l'homme, sont impliqués dans l'apparition de diverses néoplasies s'ils subissent des mutations. C'est le cas notamment du p53 et du MEN1 (multiple endocrine neoplasia), dont un homologue est identifié chez le furet.

Les symptômes sont cutanés, génito-urinaires et généraux

Les signes cutanés consistent en une alopécie symétrique bilatérale qui touche d'abord la queue et la région lombo-sacrée (voir photo 2). Premier symptôme de la maladie, elle a tendance à débuter à la fin de la saison hivernale, pour s'estomper l'automne suivant. Ce cycle, marqué par des rémissions spontanées saisonnières, peut se répéter plusieurs années. Par la suite, l'alopécie devient extensive vers la région nucale et l'ensemble du corps, en épargnant la tête et les membres (voir photo 1). Le furet peut devenir totalement nu au fil des années. Un prurit et un état séborrhéique sont souvent associés, surtout en début d'affection. L'épaisseur de la peau diminue et elle devient souple au toucher. Cette alopécie est à différencier des autres (voir encadré).

L'hypertrophie vulvaire, parfois considérable (voir photo 3), s'observe chez plus de 90 % des femelles atteintes. Elle est un motif fréquent de consultation. Elle s'accompagne d'un retour du comportement sexuel et d'écoulements muqueux facilement repérables. Chez le mâle, les symptômes génito-urinaires sont plus discrets. Ils consistent en une séborrhée importante, une odeur musquée, un comportement sexuel exacerbé et de l'agressivité. Mais l'hypertrophie prostatique, souvent assortie de kystes parfois volumineux (voir photo 4), s'accompagne de dysurie ou de strangurie, et peut être à l'origine d'une obstruction urétrale brutale et douloureuse qui motive une consultation d'urgence.

Des signes généraux peuvent également être présents. Un amaigrissement (surtout révélé par une amyotrophie lombo-sacrée), une ptose abdominale, une pâleur des muqueuses et une parésie postérieure sont fréquentes, alors que la polyphagie et la polyurie sont peu observées. La palpation transabdominale de la ou des glandes surrénales est parfois possible lorsque leur taille est importante, mais c'est rarement le cas.

Certains examens sont sans grand intérêt face à cette maladie…

Pour diagnostiquer cette affection, certains examens ne résentent aucune utilité :

– l'hémato-biochimie est dans les limites normales, mais une anémie est notée dans les cas avancés. Cependant, un bilan hémato-biochimique doit systématiquement être réalisé avant une surrénalectomie (appréciation de l'anémie éventuelle, de la fonction rénale et hépatique, de la glycémie, des plaquettes sanguines). Il permet aussi de suspecter une maladie systémique sous-jacente (mycobactériose, maladie aléoutienne ou ADV, coronavirus, etc.) ;

– les tests de stimulation à l'ACTH et de freination à la dexaméthasone utilisés chez le chien et le chat sont sans grand intérêt chez le furet, car il n'y a pas ou peu de modifications du cortisol plasmatique. Les cas de Cushing vrai existent, mais les observations sont particulièrement rares ;

– l'élévation du rapport cortisol urinaire/créatinine urinaire est intéressante, mais elle est difficile à mettre en œuvre en pratique et son intérêt est donc limité ;

– la radiographie ne présente pas non plus d'intérêt (sauf en cas d'hypertrophie prostatique), car les surrénales sont rarement visibles, excepté lors de calcification secondaire.

… d'autres permettent d'établir le diagnostic

Les examens complémentaires à privilégier sont, par ordre de préférence :

– l'échographie des glandes surrénales : le diagnostic est établi dans la plupart des cas avec un appareil performant (sonde linéaire d'au moins 10 mHz de préférence), un utilisateur expérimenté et une bonne connaissance anatomique. Les surrénales peuvent être confondues avec des nœuds lymphatiques. La surrénale gauche est plus importante que la droite (voir tableau). L'état d'une surrénale est considéré comme pathologique lorsque son épaisseur dépasse 3,9 mm (voir photo 5) ;

– l'injection de 100 UI d'HCG : il n'y a pas de repousse du poil et la vulve reste hypertrophiée en cas de tumeur surrénalienne. Chez le furet non stérilisé ou lors de rémanence ovarienne, le poil repousse et la vulve reprend une taille normale après une dizaine de jours. L'interprétation n'est pas toujours simple dans la mesure où tumeur surrénalienne et rémanence ovarienne peuvent coexister ;

– les dosages hormonaux : il existe une augmentation du taux plasmatique de la totalité des stéroïdes sexuels sanguins suivants produits par la zone fasciculée de la surrénale : œstradiol, 17 α-hydroxyprogestérone et androstènedione. En pratique, la hausse plasmatique d'au moins l'un de ces stéroïdes est significative pour certains auteurs. Toutefois, l'interprétation est souvent difficile et décevante. Le problème est également compliqué par le fait que tumeur surrénalienne et rémanence ovarienne peuvent coexister ;

– les biopsies cutanées : elles permettent d'établir le diagnostic différentiel avec les autres dermatoses d'origine endocrinienne.

  • Le traitement de la maladie sera présenté dans un prochain numéro.

BIBLIOGRAPHIE

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  • • N.J. Schoemaker, A. Kuijten, H. Moorman : « Alternative à la castration des furets », Frettensymposium 2006, Maarssen.
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  • • R.A. Wagner, C.A.Piche, W. Jôchte, J.W. Olivier : « Clinical and endocrine responses to treatment with deslorelin acetate implant in ferrets with adrenocortical disease », AJVR. 2005, n° 66, pp. 910-914.

Orientation diagnostique devant une alopécie

L'alopécie est un motif fréquent de consultation chez le furet. Plusieurs paramètres sont à prendre en considération : le sexe, l'aspect saisonnier, le caractère bilatéral ou localisé. Ce dernier paramètre est à retenir comme base pour évaluer l'alopécie.

• Alopécie étendue symétrique bilatérale :

– caractère saisonnier : mue, alopécie œstrale des femelles en chaleur, alopécie de la queue ;

– caractère non saisonnier : maladie surrénalienne, rémanence ovarienne ou hyperœstrogénisme secondaire.

• Alopécie localisée :

– non symétrique : parasitisme externe (puces, poux, dermatophytes, gale sarcoptique), tumeurs (mastocytome, lymphome à expression cutanée, chordome) ;

– symétrique : affection virale (maladie de Carré, ADV).

Didier Boussarie
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