DES CARENCES PERSISTENT EN PROTECTION ANIMALE - La Semaine Vétérinaire n° 1363 du 05/06/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1363 du 05/06/2009

À la une

Auteur(s) : Marine Neveux

Les Conseils départementaux de la santé et de la protection animales sont des comités de réflexion sans moyens de contrainte ou de répression : ils tirent juste la sonnette d’alarme. Leur objectif est de mettre autour d’une table différents acteurs qui peuvent contribuer à résoudre des situations souvent complexes en rapport avec l’animal, tant elles mettent en jeu des problématiques à la fois humaines, sociales et financières. Leur impact varie fortement selon les régions. Etat des lieux…

Deux cheptels d’animaux de rente, une seule personne âgée de quatre-vingts ans pour s’en occuper… Nous ne sommes pas dans un scénario présenté sur la Croisette, mais face à une réalité concrète, sur le terrain, dans nos régions. La ferme en difficulté, l’absence de foin à distribuer, des animaux en souffrance (maigreur), des problèmes de clôture, 100 % de pénalités sur les primes, etc. Que faire dans ce cas-là ?Quels ressorts ou moyens d’action mettre en œuvre ? Quelles démarches effectuer pour quelles solutions ?

Dans ce genre de situation, la réponse est loin d’être simple et univoque, car elle fait entrer en scène des acteurs divers, chacun à son niveau formant un maillon pour trouver une issue. L’action du Conseil départemental de la santé et de la protection animales (CDSPA) s’inscrit dans ce cadre. Dans l’exemple cité, elle a consisté en une prise de contact avec la Mutualité sociale agricole (MSA) par le Groupement de défense sanitaire (GDS), afin de savoir quelles procédures il convenait de mettre en place.

Une bonne idée…

Le concept du CDSPA s’est concrétisé il y a trois ans(1), dans le but de trouver des réponses adaptées à ces problématiques. Les CDSPA ont vu le jour dans la mouvance de la ratification de la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie de 1987, intervenue en 2004. Ils ont remplacé les Conseils départementaux de protection animale (CDPA), créés en 2002(2) et qui ont donc disparu (voir encadré en page 28). Sur le papier, l’idée était bonne, mais dans les faits, ces structures départementales sont parfois qualifiées « d’usines à gaz », de « montagnes administratives »… ou n’existent tout simplement pas. L’un des objectifs était pourtant de diminuer le nombre de commissions administratives.

Au titre de leurs missions, les CDSPA participent à l’harmonisation et à l’évaluation des mesures de police relatives à l’animal, promeuvent le bien-être des animaux domestiques et sauvages apprivoisés ou en captivité et préconisent toute action d’information sur leur protection. En outre, ils sont consultés sur les modalités de mise en œuvre des mesures de lutte contre les maladies animales et de celles relatives à l’identification des bovins, des ovins, des caprins et des porcs.

… mais un bilan mitigé

Premier problème (et de taille) : tous les départements n’ont pas mis en place de CDSPA. Seulement une moitié d’entre eux ont vu le jour. Ensuite, les résultats sont parfois décevants : « Souvent, il ne s’agit que d’une chambre d’enregistrement des projets d’arrêtés préfectoraux sur les campagnes de prophylaxie, déplore Frédéric Freund, directeur et juriste de l’œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA). La santé animale prime bien plus que la protection animale, qui est reléguée au second plan. »

Ainsi, le constat est souvent mitigé : peu de résolutions prises ou des décisions qui ne sont pas appliquées et demeurent au point mort l’année suivante.

La réalité des CDSPA varie également selon les régions : certains sont dynamiques et pérennes, d’autres ne font l’objet que d’une réunion annuelle sans suite, d’autres encore ne se sont réunis que sur le papier, etc. Le décret qui porte création des nouveaux comités prévoyait pourtant une fréquence de réunion au moins deux fois par an, pour établir un état des lieux des problèmes en rapport avec l’animal. Difficile parfois d’attirer l’attention des élus et des hommes politiques locaux, sollicités de toutes parts, sur les problématiques liées aux animaux.

« C’est parfois beaucoup de temps pour peu de résultats. Certains conseils se contentent d’effectuer un bilan annuel », poursuit Frédéric Freund.

Une personne affectée à plein temps, voilà qui pourrait dynamiser le système. Et pourquoi pas « envisager, par exemple, un chef de service CDSPA ? Cela permettrait d’une part de suivre et de mettre en place les actions ou les projets décidés par le conseil, et d’autre part d’analyser les rapports des visites sanitaires de bovins deux fois par an, afin de détecter les fermes en difficulté et tirer à temps la sonnette d’alarme ». Et Frédéric Freund de poursuivre : « Cette personne devra posséder des compétences transversales, générales. »

Des solutions sont bien envisagées, comme la création de structures pour accueillir les animaux de ferme en difficulté. Mais les obstacles à ces initiatives peuvent être de différents ordres : une action entravée par la baisse des moyens alloués, des lenteurs administratives, etc. « Le délai moyen de réponse, quand des animaux en souffrance sont signalés, est de trois semaines », constate Frédéric Freund. Ce manque de réactivité met en péril la survie des animaux et des tensions émergent alors entre les différents acteurs. « La profession agricole veut parfois se voiler la face : mettre en place des structures d’accueil, ce serait reconnaître qu’il existe de mauvais éleveurs. »

Dans certains cas, le CDSPA a trouvé une réelle concrétisation

La réflexion menée par les CDSPA suit plusieurs axes : la lutte contre la divagation des animaux, l’évaluation des actions qui visent à encadrer la détention de ceux qui sont susceptibles de générer des troubles, l’harmonisation de la prise en charge des animaux blessés ou errants sur la voie publique, l’élevage, le transport, l’abattage, l’information, etc.

Dans le Cher, un groupe de travail “élevage de rente en difficulté” s’est constitué. A l’ordre du jour de sa réunion de janvier dernier : le suivi des fermes en difficulté et les nouvelles situations problématiques apparues depuis la réunion précédente. Il a été envoyé à une longue liste de destinataires, car le groupe de travail compte dans ses rangs la préfecture et la chambre d’agriculture du Cher, la Direction départementale des services vétérinaires, celle de l’équipement et de l’Agriculture, le groupement de gendarmerie, l’association des maires du Cher, la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles, la Confédération paysanne, l’OABA, la Ligue française pour la protection du cheval, l’Etablissement départemental de l’élevage, le GDS, la MSA, des vétérinaires, le procureur de la République, le syndicat des jeunes agriculteurs, la trésorerie générale… rien de moins !

La mission de ce groupe de travail est clairement définie : « Il constitue un outil local de gestion des élevages d’animaux de rente où des problèmes importants apparaissent dans plusieurs domaines(santé et protection animales, économie agricole, environnement, personnel) et mettent en péril la bonne conduite de l’exploitation considérée, mais influent aussi défavorablement sur l’élevage dans le département en général. » Son objectif principal est « de pouvoir déterminer les mesures à adopter selon les situations particulières des élevages concernés. La mission du groupe est donc de faire circuler les informations dans les meilleurs délais entre les organismes afin de réagir rapidement et efficacement à une situation défavorable et, dans la mesure du possible, de ne pas la laisser s’aggraver ».

Les règles sont ainsi bien établies dans le fonctionnement du groupe. Son animateur est le service de la santé et de la protection animales de la DDSV du Cher. La fréquence des réunions est au moins annuelle. Le respect de la confidentialité des informations est assuré et une fiche-navette est proposée pour leur diffusion aux différents acteurs du groupe de travail.

D’autres actions sont menées en région

Le CDSPA creusois réfléchit à un projet de fourrière intercommunale de la communauté de communes. A l’occasion de sa réunion annuelle, les actions des différents acteurs qui gravitent autour de l’animal ont été recensées : la DDSV a procédé à soixante-deux inspections en exploitation (animaux de rente) et quatorze en chenils (carnivores domestiques). Le Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) a procédé à soixante-seize interventions impliquant des chats, des chiens et des chevreuils. Une procédure a été lancée pour maltraitance sur un chien. Mais le relevé des infractions commises(vols, empoisonnement, maltraitance, agressions de personnes par morsures) est aussi assuré par les services de la gendarmerie nationale. En Meurthe-et-Moselle, le dernier CDSPA a rappelé l’importance de réfléchir aux problèmes de divagation des animaux et à la maltraitance, afin de pouvoir disposer d’outils communs (procédures d’intervention, etc.) et savoir quelle conduite adopter face à ces situations.

En Côte-d’Or, la récente réunion du CDSPA a suivi un ordre du jour complet, des animaux de rente (évolution réglementaire en matière de brucellose, prophylaxie, bilan sanitaire concernant la tuberculose bovine, situation de la fièvre catarrhale ovine) à l’équarrissage (financement et modalités d’enlèvement), en passant par les carnivores (réglementation des chiens dangereux, évaluation comportementale des chiens, réglementation relative à l’élevage à titre de commercial des activités de vente, éducation et dressage et de présentation au public de chiens et chats), les équidés (identification et surveillance vis-à-vis de la maladie de West-Nile) et enfin les transports (réglementation, certificats de capacité relative aux convoyeurs, modalités de contrôle, etc.).

  • (1) La création du CDSPA fait suite à la parution de l’ordonnance n° 2004-637 du 1er/7/2004. Elle est actée par le décret n° 2006-665 du 7/6/2006.

  • (2) Décret n° 2002-229 du 20/2/2002, paru au Journal officiel du 21/2/2002.

Le CDSPA en lieu et place de…

Le CDSPA se substitue aux commissions départementales suivantes :

– le comité départemental de lutte contre la fièvre aphteuse ;

– le comité départemental de lutte contre la maladie d’Aujeszky ;

– la commission chargée de l’exécution des mesures de prophylaxie collective des maladies des animaux ;

– les commissions départementales d’identification du cheptel bovin, ovin, caprin et porcin ;

– le comité départemental de protection animale (CDPA).

M. N.

Composition des CDSPA

Les membres des Conseils départementaux de la santé et de la protection animales sont :

– les services de l’Etat (DDSV, DDAF, etc.) ;

– les établissements publics (SDIS) ;

– les collectivités territoriales (conseils généraux, maires) ;

– les organisations professionnelles et syndicales vétérinaires (GTV, SNVEL, etc.) ;

– les organisations professionnelles et syndicales agricoles (GDS, représentants des filières et des marchés, FDSEA, CDJA, etc.) ;

– les associations de protection animale.

M. N.

Exemple

LES FAITS : quatre-vingts bovins très maigres, sous-alimentés, en raison des problèmes financiers de l’un des éleveurs (il ne peut pas toucher sa retraite).

ACTIONS : l’Etablissement départemental de l’élevage envoie un conseiller en alimentation sur place. La Mutualité sociale agricole traite le dossier de retraite. Une visite du vétérinaire et du conseiller en alimentation du Groupement de défense sanitaire est prévue.

Exemple

LES FAITS : alerte préventive du groupe de travail pour un éleveur dépressif. Une dégradation de l’état de son élevage est constatée.

ACTIONS : Groupement de défense sanitaire et Etablissement départemental de l’élevage prévoient une visite pédagogique pour lui présenter les grilles de conditionnalité et les risques encourus.

Exemple

LES FAITS : un éleveur incapable de subvenir aux besoins de son cheptel est signalé au groupe de travail “élevages en difficulté”. Les animaux divaguent pour se nourrir, détruisent les clôtures, dégradent les cultures. Ils sont à l’abandon, deviennent dangereux et rétifs. L’éleveur est endetté.

ACTIONS : la Direction des services vétérinaires rappelle la dangerosité de la divagation, de surcroît dans le contexte des épidémies de tuberculose et de fièvre catarrhale ovine, ainsi que les obligations à remplir au regard des règles sanitaires et de protection animale pour prévenir les sanctions administratives et pénales. Le sous-préfet adresse un courrier à l’éleveur pour le convaincre de recevoir l’assistance sociale du conseil général.

Exemple

LES FAITS : un éleveur néerlandais gère une exploitation non répertoriée dans les fichiers de l’Etablissement départemental d’élevage. Il a plus de dix ans de retard de paiement à la Mutualité sociale agricole. La structure est en liquidation judiciaire.

ACTIONS : recherche des statuts exacts de la société néerlandaise, prise de contact avec la gendarmerie et avec l’agence immobilière, contrôle de la conditionnalité.

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