Plusieurs troubles nerveux chez le mouton ont une origine métabolique ou nutritionnelle - La Semaine Vétérinaire n° 1362 du 29/05/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1362 du 29/05/2009

Pathologie ovine

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Karim Adjou

L'hypocalcémie puerpérale et la toxémie, deux affections associées ou non, constituent 90 % des maladies nerveuses observées autour de la période d'agnelage.

Les affections nerveuses du mouton sont des motifs courants de consultation du vétérinaire. Elles ont toujours représenté un challenge pour le praticien en raison des difficultés du diagnostic et de la fréquence des échecs thérapeutiques. Les causes de ces troubles nerveux sont multiples (virales, bactériennes, parasitaires, métaboliques, traumatiques, etc.) et le diagnostic précis de la maladie n'est pas toujours facile en raison des symptômes discrets ou des conditions d'examen peu favorables à l'observation des signes nerveux. Le faible développement des moyens d'investigation complémentaires constitue également un facteur limitant.

En outre, de nombreux troubles métaboliques ou nutritionnels peuvent se traduire par des signes nerveux et apparaissent surtout autour de l'agnelage.

1. LA TOXÉMIE DE GESTATION

Cette affection est due à un déficit énergétique chez la brebis lors du dernier mois de gestation. Les facteurs de prédisposition sont le nombre de fœtus (en général deux ou trois, mais un seul plus gros peut suffire pour déclencher l'affection), puis l'état d'engraissement de la mère (brebis grasse ou maigre) et enfin son âge (les animaux âgés sont plus sensibles). Les cas sont surtout sporadiques, mais dans le cadre d'une mauvaise conduite du troupeau ou lors d'un stress (maladies, manipulations, froid, etc.) qui provoque une anorexie transitoire avant la mise bas, le taux de prévalence peut atteindre 30 %.

L'hypocalcémie puerpérale et la toxémie (associées ou non) constituent 90 % des troubles nerveux observés autour de la période d'agnelage (voir tableau).

L'expression de l'affection la plus fréquente est la forme dite en “hypo” : les premiers signes sont discrets, la brebis se met à l'écart du troupeau, elle boit beaucoup, mais mange peu, elle est abattue, la tête basse et les oreilles tombantes (voir photo 1). Parfois une amaurose, du ptyalisme, des tremblements, des œdèmes des membres, des difficultés respiratoires sont observés. Puis l'animal reste en décubitus et tombe dans un coma qui peut être accompagné de convulsions, jusqu'à sa mort quelques jours plus tard.

Une fois le déséquilibre en place, seule la suppression de la spoliation fœtale permet le rétablissement de la brebis. Suivant l'urgence, une césarienne peut alors être pratiquée ou un déclenchement de l'agnelage. Le traitement médical consiste en l'injection de corticoïdes (pour augmenter la néoglucogenèse) et en un apport de glucose à 5 %. Il est également possible d'administrer du propionate (100 à 200 g) ou du propylène glycol (100 à 500 g/j) par voie orale.

La prévention de la toxémie de gestation repose surtout sur le contrôle du régime alimentaire, qui doit être adapté aux besoins physiologiques de l'animal.

2. L'HYPOCALCÉMIE PUERPÉRALE

Il s'agit d'un trouble temporaire du métabolisme du calcium (hypocalcémie) qui survient aussi bien en bergerie qu'au pâturage. Cette affection métabolique non fébrile entraîne des troubles d'excitabilité neuro-musculaires qui aboutissent à une paralysie flasque, à un collapsus circulatoire et à une altération de la conscience. Les brebis qui portent plusieurs fœtus sont les plus touchées, surtout autour de la période de l'agnelage. Les multipares et les sujets âgés sont les plus sensibles. Ce trouble peut être déclenché par un stress (froid, transport, vaccination, etc.). Par ailleurs, toute cause brutale d'anorexie peut provoquer une hypocalcémie. La mort survient rapidement (six à quarante-huit heures) en l'absence de traitement. En revanche, la rémission à la suite d'une administration de calcium (1 g de borogluconate de calcium pour 45 kg de poids vif associé à du magnésium) est spectaculaire.

La prévention de cette affection est surtout d'ordre alimentaire. Il convient d'éviter d'une part un excès de calcium et d'autre part les causes d'anorexie, au moment de l'augmentation des besoins chez les brebis gémellaires.

3. L'HYPOMAGNÉSIÉMIE OU TÉTANIE D'HERBAGE

La “tétanie” est provoquée par une baisse brutale du magnésium dans le sérum et le liquide céphalo-rachidien après un stress et dans un contexte nutritionnel qui ne permet pas une bonne assimilation du magnésium. Ce stress est le plus souvent une chute brutale de la température nocturne, alors que les brebis pâturent une herbe jeune, pauvre en magnésium, d'où le qualificatif de “tétanie d'herbage” donné à la maladie. Mais il existe d'autres causes non négligeables telles que la “tétanie de transport” qui associe souvent une hypocalcémie et une cétose, ou encore l'hypomagnésiémie chronique qui touche les animaux mal nourris en bergerie (en fin d'hiver).

Les individus les plus sensibles sont les brebis au pic de lactation, quatre à six semaines après la mise bas (le lait secrété contient du magnésium), mais aussi les animaux gras (plus sensibles au stress lipomobilisateur qui déclenche l'hypomagnésiémie), âgés (car ils mobilisent et absorbent moins bien le magnésium), les agneaux et les sujets maigres qui ne possèdent pas assez de réserves osseuses en magnésium. La maladie apparaît brutalement et, le plus souvent, l'animal est trouvé mort au pré. Toutefois, il existe des formes aiguës qui se caractérisent par des troubles comportementaux, locomoteurs (démarche raide) et surtout sensitifs (grincements de dents, hyperesthésie), ainsi que des convulsions, avant d'entraîner la mort de l'animal.

Lors d'une intervention, il peut être nécessaire de tranquilliser une brebis en crise. Ensuite, le traitement consiste en l'injection intraveineuse très lente ou sous-cutanée d'une solution associant des sels de calcium et de magnésium (soit 50 à 150 ml de solution à 5 % de magnésium immédiatement). Il est préférable de le répéter, par voie orale si possible, pendant cinq à sept jours, car le passage du magnésium dans le liquide céphalo-rachidien est lent et les rechutes sont toujours possibles. La prévention de cette affection passe surtout par une bonne maîtrise agronomique des pâtures et de la ration.

En outre, de nombreux troubles nerveux trouvent leur origine dans des conditions d'élevage anormales ou qui viennent d'être modifiées (mauvais transit alimentaire, introduction d'un nouvel aliment, carences en vitamines ou en oligoéléments, etc.).

4. LA POLIOENCÉPHALOMALACIE OU NÉCROSE DU CORTEX CÉRÉBRAL

La cause de cette affection est soit une carence en vitamine B1 (thiamine), soit un excès en soufre dans la ration. La nécrose du cortex cérébral touche surtout les animaux en croissance, entre deux et sept mois, mais elle peut aussi être observée chez les adultes. Elle apparaît le plus souvent après une modification dans les conditions d'élevage (changement brutal de la ration alimentaire pour un concentré ou un ensilage de maïs), après un traitement par voie orale (antibiotiques, antiparasitaires) ou lors de la consommation de plantes riches en thiaminases (fougère).

La carence en vitamine B1 induit, en raison d'une insuffisance en pyrophosphate de thiamine (une enzyme qui intervient dans le métabolisme énergétique), une réduction de l'apport énergétique dans le cerveau. La perturbation du métabolisme glucidique provoque une nécrose des cellules nerveuses cérébrales (voir photo 2). La maladie débute par une prostration (tête basse, paupières baissées) suivie d'une phase d'indigestion et de diarrhée. S'ensuivent des troubles nerveux apyrétiques : ataxie, marche en cercle, pousser au mur, opisthotonos (voir photo 3). L'amaurose (cécité) est un signe clinique fréquent.

En l'absence d'un traitement, la nécrose du cortex cérébral évolue rapidement (moins de quarante-huit heures) vers la mort, après des crises convulsives.

Sur le terrain, le diagnostic est souvent thérapeutique (vitamine B1, 1 g pour 100 kg de poids vif par voie intraveineuse pendant deux jours). Lorsque le traitement est précoce, l'amélioration est rapide mais, dans le cas contraire, le pronostic est mauvais.

La prévention de la nécrose du cortex cérébral implique la bonne évaluation de la qualité des fourrages et des céréales récoltés. Les animaux à surveiller attentivement sont les agneaux à l'engraissement qui reçoivent une alimentation riche en glucides fermentescibles.

5. LA CARENCE EN VITAMINE A

L'hypovitaminose A est rare, voire inexistante dans les élevages extensifs. En revanche, dans les systèmes intensifs, en bergerie intégrale, un déficit chronique en vitamine A peut apparaître dans certains cas à la fin d'hiver, les animaux ayant été nourris avec des aliments (surtout du foin) carencé en β-carotène. Les moutons vont alors présenter des affections oculaires (cécité nocturne), des troubles nerveux ou de la reproduction, un retard de croissance et une sensibilité accrue aux infections.

Les signes nerveux sont le résultat d'une élévation de la pression intracrânienne qui provoque une ataxie progressive, des convulsions, une syncope, puis le coma.

Une nourriture bien équilibrée, surtout en hiver, ainsi que la mise à disposition de pierre à lécher à haute teneur en vitamine A permettent de prévenir cette affection.

6. L'ATAXIE ENZOOTIQUE

Cette affection est due à une carence en cuivre de la ration chez une brebis gravide, surtout pendant le dernier tiers de la gestation. Chez les jeunes agneaux, elle se traduit par des troubles nerveux (incoordination motrice et démarche chaloupée) qui apparaissent entre l'âge de deux semaines et trois mois.

Cette carence peut avoir une origine primaire dans les régions où le sol est pauvre en cuivre (terres argileuses, sablonneuses ou calcaires). Cette carence peut aussi être secondaire à une malabsorption intestinale ou à une compétition avec d'autres éléments minéraux (excès de cadmium, de molybdène, de soufre, de fer, etc.).

Le cuivre est une coenzyme qui joue un rôle primordial dans de nombreuses réactions biochimiques de l'organisme. Son action est également réelle dans l'absorption digestive du fer, la synthèse de l'hémoglobine et des hématies, la synthèse de la myéline, la croissance et la pigmentation de la laine et des poils. D'ailleurs, les anomalies de la toison (laine décolorée, cassante, etc.) sont l'un des signes les plus stables lors de carence en cuivre. Une anémie et des fractures ostéoporotiques sont aussi notées.

En outre, son rôle dans la synthèse de la myéline explique les troubles nerveux constatés : certains agneaux naissent tétraplégiques et meurent de faim, d'autres naissent normaux ou seulement faibles, mais développent (souvent vers l'âge de trois mois) une ataxie, puis une parésie plus marquée sur les membres postérieurs. Des agneaux sont alors observés dans la position du “chien assis” ou avec une démarche chaloupée : c'est le swayback des Britanniques. Le diagnostic clinique repose sur tous ces symptômes, mais la confirmation vient souvent du dosage du cuivre dans le foie (organe de stockage), les poils ou le fourrage.

Le traitement des agneaux atteints de signes nerveux est en général décevant en raison de l'irréversibilité des lésions. Pour les autres animaux, différentes solutions injectables contenant des sels de cuivre sont disponibles. Néanmoins, il faudra faire attention aux surdosages, car les ovins sont sensibles à l'intoxication par le cuivre. En outre, l'apport de cuivre chez la brebis gestante permet de prévenir l'ataxie enzootique de l'agneau.

L'étiologie exacte de ces affections nerveuses n'est pas toujours connue au moment de l'examen de l'animal, mais la reconnaissance par le praticien des signes cliniques caractéristiques permet de mettre en place de façon précoce une thérapie efficace. De plus, des mesures préventives simples peuvent contribuer à diminuer le nombre de cas dans les élevages.

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