L'herpèsvirus endothéliotrope de l'éléphant fait des ravages dans les zoos américains - La Semaine Vétérinaire n° 1362 du 29/05/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1362 du 29/05/2009

Virologie

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Stéphanie Bourgeois

Une jeune femelle de deux ans se bat contre cette maladie hémorragique fatale.

Outre-Atlantique, une soudaine léthargie apparue chez un éléphanteau femelle de deux ans, baptisé Jade, a immédiatement conduit les soigneurs du zoo de Saint-Louis à suspecter l'herpèsvirus endothéliotrope des éléphants. Ce virus est en effet responsable d'une maladie hémorragique foudroyante chez les éléphants d'Asie (Elephas maximus) détenus en captivité. Depuis 1983, il a été mis en cause dans la mort de vingt-quatre adultes appartenant à des zoos américains et a touché un éléphanteau parmi les cinq nés en captivité depuis 2000. Mac, un jeune éléphanteau du zoo de Houston, a ainsi été foudroyé par la maladie, moins de vingt-quatre heures après la découverte des symptômes.

Les traitements ne sont pas toujours efficaces contre cette affection foudroyante

La multiplicité des symptômes et la rapidité de la mort poussent les vétérinaires à envisager l'herpèsvirus endothéliotrope des éléphants de façon systématique dans le diagnostic différentiel chez un sujet malade, d'autant que le diagnostic sanguin n'est possible qu'après l'apparition des signes cliniques. La virémie est responsable d'une affection endothéliolytique disséminée, qui se manifeste par différents symptômes : œdème de la tête et du thorax, cyanose de la langue, ulcérations orales et léthargie conduisent rapidement à la mort par défaillance cardiaque. A l'autopsie, sont retrouvées des hémorragies extensives au niveau du cœur, des intestins et de la cavité péritonéale, une hépatomégalie, des ulcères laryngés et intestinaux et une effusion péricardique.

Le diagnostic est réalisé par polymerase chain reaction (PCR) au laboratoire national de l'herpèsvirus endothéliotrope des éléphants du Smithsonian National Zoo, à Washington. Le traitement est administré sans attendre les résultats du test sanguin. Plusieurs essais avec un antiviral, le famciclovir, ont donné des résultats variables selon les individus. Seul un tiers des éléphants traités ont pu être sauvés. Ainsi, en l'absence de traitement efficace, la marche à suivre est adaptée à chaque cas, selon l'avancée de la maladie et la réponse des individus. Les zoos et les chercheurs de tout le pays se concertent pour décider de la conduite à tenir lorsqu'un nouveau cas se déclare. Pour Jade, après quelques jours sans aucune amélioration, le traitement a ainsi fait appel à un autre antivirus utilisé chez l'homme, le ganciclovir.

Les différentes formes du virus sont bénignes ou fatales, selon l'espèce

Plusieurs formes d'herpèsvirus endothéliotrope des éléphants sont identifiées, dont certaines sont latentes chez l'espèce africaine (Loxodonta africana), tandis qu'elles provoquent une maladie hémorragique chez les sujets d'Asie. D'autres formes sont fatales pour l'éléphant d'Afrique. L'une d'elles, bénigne, affecte les populations sauvages. Elle se manifeste par des lésions localisées, notamment des papillomes cutanés, des nodules lymphoïdes vulvaires et des nodules pulmonaires. L'un des types de virus identifiés parmi ces éléphants d'Afrique sauvages est similaire à celui isolé chez des éléphants d'Asie captifs autopsiés. Les chercheurs ont également retrouvé une forme similaire dans des lésions bénignes chez des éléphants d'Afrique sauvages et chez deux éléphants d'Afrique captifs ayant déclaré une forme fatale. Ces résultats suggèrent une transmission interspécifique, les éléphants d'Afrique étant le réservoir d'un virus hautement pathogène pour leurs congénères d'Asie. Mais la prévalence de cette infection parmi les populations sauvages d'Afrique et d'Asie, sous forme latente ou de maladie bénigne chronique, est encore ignorée, de même que son impact sur la survie des individus à l'état sauvage. La présence du virus vient d'être confirmée en Asie, chez un éléphant de trois ans né en milieu naturel au Cambodge.

Un mois après l'apparition des symptômes, si Jade semble tirée d'affaire, de nombreuses questions restent en suspens. Pourquoi certains éléphants n'expriment pas la maladie ? Quels sont ses modes de transmission ? Le virus persiste-t-il pendant toute la vie de l'animal, comme c'est le cas pour de nombreux herpèsvirus ? Des tests Elisa effectués sur les sérums des animaux captifs permettront la recherche d'anticorps spécifiques de la forme africaine ou de la forme asiatique pour des investigations épidémiologiques.

Le travail mené par les zoos américains depuis l'identification du virus en 1995 aura probablement des répercussions bénéfiques pour la conservation de l'espèce. L'herpèsvirus endothéliotrope des éléphants a été détecté chez les éléphants sauvages en Asie, mais aussi en Afrique. Si les cas observés sont plutôt sporadiques, le déclin des populations sauvages, estimé à 50 % en Asie au cours des soixante-quinze dernières années, augmente le risque d'émergence de la maladie. Les connaissances apportées par les zoos seront alors précieuses pour la conservation des éléphants en milieu naturel.

  • Sources : – www.stlzoo.org – C.E. Reid, T.B. Hildebrandt, N. Marx et coll. : « Endotheliotropic elephant herpes virus (EEHV) infection : the first PCR-confirmed fatal case in Asia », Vet. Q., 2006, vol. 28, n° 2, pp. 61-64. – L.K. Richman et coll. : « Clinical and pathological findings of a newly recognized disease of elephants caused by endotheliotropic herpesviruses », Journal of Wildlife Diseases, 2000, vol. 36, n° 1, pp. 1-12.

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