Aspergillus fumigatus est responsable à la fois de mycoses et de mycotoxicoses - La Semaine Vétérinaire n° 1361 du 22/05/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1361 du 22/05/2009

Pathologie aviaire

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Karim Adjou

La manifestation clinique de l’infection se traduit le plus souvent par des troubles respiratoires, mais d’autres maladies sont également décrites (méningo-encéphalite, dermatite ou encore ostéomycose).

L’aspergillose demeure la mycose respiratoire la plus répandue chez les volailles. Elle est responsable d’une perte de production considérable chez le poulet et surtout chez la dinde.

L’infection est provoquée par le développement d’un champignon opportuniste du genre Aspergillus (voir encadré ci-dessous), filamenteux, de type moisissure (voir photo 1). Chez les oiseaux, Aspergillus fumigatus est responsable à la fois de mycoses et de mycotoxicoses. Dans le premier cas, sont pouvoir pathogène est lié à son parasitisme. Les spores qui ont pénétré dans l’organisme peuvent y germer. Les filaments mycéliens s’étendent et exercent une action irritative sur les revêtements muqueux et une action mécanique d’obstruction des vaisseaux et des conduits aérifères. L’action toxique, pour sa part, conduit à la dégénérescence tissulaire.

Aspergillus fumigatus est impliqué dans 80 % des aspergilloses pulmonaires

Parmi les différentes formes d’aspergillose décrites, la forme pulmonaire est la plus communément observée. Elle est responsable de troubles respiratoires et de mortalité chez les volailles jeunes ou adultes. La maladie fait suite à l’inhalation de spores d’Aspergillus fumigatus (80 %) et d’Aspergillus flavus (20 %). D’autres Aspergillus peuvent être aussi responsables de maladies pulmonaires (A. amstelodami, A. niger, A. glaucus, A. terreus, A. nidulans), mais les cas sont rares (Hamet, 1992 ; Brown et coll., 2008).

Les oiseaux s’infectent par voie respiratoire au moment de l’éclosion, en inhalant les spores qui se trouvent sur la coquille des œufs, ou dans l’élevage, par l’inhalation des spores apportées par les aliments et la litière.

Dix à cinquante millions de spores d’Aspergillus fumigatus sont nécessaires pour provoquer une aspergillose clinique chez le poulet. La ventilation joue un rôle important dans ce taux de contamination. Sa maîtrise permet de diminuer le nombre de cas.

Par ailleurs, si une forte concentration de spores dans l’air ambiant est nécessaire pour provoquer une aspergillose clinique (Hamet, 1992), elle ne peut être atteinte que s’il existe une source des pores, c’est-à-dire un substrat organique sur lequel se développera un thalle avec des organes de fructification. Dans les conditions d’élevage, cette source est essentiellement l’aliment ou la litière (paille, foin, copeaux de bois). L’humidité est également un facteur important. Pour limiter la multiplication des champignons dans la litière, il est fortement conseillé de ne pas dépasser une humidité de 30 % dans les élevages à risque.

Dans la forme aiguë d’aspergillose pulmonaire, la mortalité varie de 5 à 50 %

Les spores d’Aspergillus fumigatus se retrouvent aussi bien en élevages de sélection qu’en élevages de production. Néanmoins, les risques d’exposition les plus importants se trouvent au niveau des couvoirs. Dans plus de 90 % des cas, l’infestation aspergillaire se développe dans ces établissements. Le microclimat des incubateurs (température et humidité) est particulièrement propice à la multiplication du champignon. Des millions de spores sont présentes dans l’air ambiant, les incubateurs et le duvet des poussins. Classiquement, 14 000 à 190 000 sont dénombrées par gramme de duvet. La contamination s’opère le plus souvent par le matériel, les alvéoles et l’œuf lui-même. Les jeunes poussins sont notamment vulnérables pendant les trois premiers jours de vie.

Deux formes d’aspergillose pulmonaire sont distinguées. La forme aiguë est responsable de mortalité chez les jeunes volailles et les adultes. Elle se traduit cliniquement par des troubles respiratoires de type asthmatique : les animaux gardent leur bec ouvert (voir photo 2), en pleine détresse respiratoire, et émettent parfois des râles. Ils sont somnolents, assoiffés et meurent habituellement en un à deux jours. Avec cette forme aiguë, la mortalité varie de 5 à 50 % durant les premières semaines d’âge. Chez les oiseaux qui survivent, l’infection évolue généralement vers une forme chronique, avec une mortalité de l’ordre de 5 % (Brown et coll., 2008). L’autopsie indique deux types de lésions, exsudatives sur les muqueuses (sacs aériens) et nodulaires dans et sur les parenchymes, notamment pulmonaires. Ces lésions peuvent atteindre d’autres organes comme le cerveau ou le foie. Lors de forme respiratoire chronique, les volailles infectées peuvent ne présenter que quelques bâillements, voire aucun signe clinique. Elle se rencontre chez les volatiles adultes qui présentent des difficultés respiratoires. Incités à marcher, ils paraissent faibles et vite fatigués, souffrent parfois de diarrhées et meurent habituellement par asphyxie.

Comme toute infection respiratoire, la gravité de l’aspergillose pulmonaire dépend beaucoup des conditions d’ambiance :

- la température : un refroidissement d’air peut provoquer une inflammation des alvéoles pulmonaires ;

- l’humidité relative : un air dont l’hygrométrie est inférieure à 50 % dessèche les muqueuses et prédispose aux problèmes respiratoires ;

- la litière : les matières organiques qui se retrouvent dans le sol peuvent favoriser le développement de l’infection ;

- les poussières : irritantes pour l’appareil respiratoire et susceptibles de véhiculer les spores d’Aspergillus ;

- les gaz : un air chargé de plus de 40 ppm d’ammoniac diminue l’activité des cils de la trachée et favorise une production excessive de mucus ;

- le stress : le non-respect des normes d’élevage, les manipulations fréquentes ou brutales et le transport diminuent les défenses de l’organisme (immunodépression) et favorisent l’apparition de la maladie ;

- les infections intercurrentes : le pronostic de la maladie est aggravé lors d’association avec d’autres parasitoses ou infections comme les mycoplasmoses et les salmonelloses.

L’aspergillose pulmonaire peut s’accompagner d’autres signes cliniques

Outre les formes respiratoires, d’autres affections dues aux Aspergillus sont décrites. Elles sont généralement secondaires à l’aspergillose pulmonaire ou apparaissent de manière isolée. Ainsi, la “pneumonie des couveuses”, auparavant responsable de mortalité embryonnaire (contamination transcoquillère par les spores), est aujourd’hui peu fréquente en raison des techniques modernes d’élevage et d’incubation. La méningo-encéphalite d’origine aspergillaire constitue une autre forme, rare, qui se manifeste à la faveur d’une aspergillose respiratoire. La mortalité chez le jeune est alors de 30 à 100 %. Les animaux présentent de l’incoordination motrice, une torsion du cou et de la tête (voir photo 3) et une paralysie des membres accompagnées de diarrhée.

L’aspergillose oculaire est également décrite lors d’aspergillose respiratoire. Un léger larmoiement séreux, pouvant devenir purulent, est alors observé. Les paupières sont collées et œdématiées, unilatéralement ou bilatéralement. Les animaux qui ne sont pas traités perdent la vue du côté de l’œil atteint (Moore, 1953).

Les dermatites aspergillaires se manifestent pour leur part par des granulomes nécrotiques, rares chez les espèces aviaires. Yamada et son équipe ont isolé Aspergillus fumigatus dans ces lésions en 1977 (voir photo 4).

Quant à l’ostéomycose, elle résulte d’une infection de l’os du jeune poulet par Aspergillus fumigatus. Elle est caractérisée par la déformation des vertèbres, qui conduit à une paralysie partielle. La dissémination des spores se fait par voie hématogène.

Des facteurs intrinsèques et extrinsèques favorisent le développement de la maladie

La contamination des volatiles n’implique pas toujours le développement d’une aspergillose clinique. Cette dernière est favorisée par trois facteurs (Brown et coll., 2008) :

- l’espèce : le dindon est très sensible à la maladie ;

- l’âge : les jeunes sont plus sujets à la maladie ;

- le sexe : les mâles sont plus souvent atteints que les femelles.

D’autres facteurs de risque sont répertoriés. Pour l’animal reproducteur, il s’agit d’une faiblesse de la coquille due à des problèmes d’alimentation, à des épisodes infectieux, au vieillissement des bandes, etc. Une coquille endommagée par la présence de condensation sur les œufs en raison d’erreurs de manipulation ou de trop fortes variations de température, une litière moisie ou insuffisamment renouvelée, des œufs sales ou fortement contaminés par Aspergillus en raison de souillures dans les pondoirs, un transport et un stockage des œufs inadéquats ou trop longs sont également susceptibles de favoriser la maladie.

Au niveau du couvoir, les facteurs de risque sont liés à un nettoyage insuffisant des salles et des éclosoirs, à une utilisation de désinfectants dont l’activité antifongique est insuffisante ou inappropriée, à la présence de gaines et de filtres de ventilation mal nettoyés et désinfectés, ou encore à une mauvaise conception du bâtiment, qui ne permet pas la séparation complète des zones propres (salle de désinfection des œufs et incubateurs) et moins propres (éclosoirs et salle de tri des poussins).

Au niveau de l’élevage, une litière moisie et des matériels souillés par Aspergillus, un aliment contaminé et une fragilité des oiseaux avant la maturité sexuelle sont les éléments qui favorisent la maladie.

  • La bibliographie de cet article est consultable sur le site WK-Vet.fr (rubrique “Semaine Vétérinaire”, puis “Compléments d’articles”).

Aspergillus

Les Aspergillus appartiennent à la classe des Ascomycètes, dont la colonie se présente sous forme duveteuse. Le thalle, hyalin, présente un mycélium cloisonné portant de nombreux conidiophores dressés, terminés verticalement (voir photo).

Les Aspergillus se développent sur la matière organique en décomposition, dans le sol, les denrées alimentaires et les céréales.

Plus de six cents espèces sont répertoriées. Une vingtaine seraient impliquées dans des affections humaines et animales (Santos et coll., 1996).

Les Aspergillus sont des champignons saprophytes opportunistes et ubiquistes dont les spores sont présentes par millions dans la plupart des substrats biologiques (par exemple, l’aliment et les litières). Chaleur, humidité et matière organique sont les trois conditions idéales pour qu’un Aspergillus s’épanouisse, avec un optimum entre 12 et 57 °C et un pH compris entre 3,5 et 7,8, sur des substrats organiques (Latge, 1999).

Les spores sont particulièrement dispersibles : elles sont véhiculées par la poussière présente dans l’air ambiant, notamment dans les couvoirs et les bâtiments d’élevage. De fortes concentrations en spores peuvent provoquer de multiples maladies, en particulier chez les espèces sensibles (les gallinacés, surtout la dinde, Lignières et coll., 1898).

K. A.

Epidémiologie

L’aspergillose n’est pas une maladie contagieuse, puisque les oiseaux atteints ne rejettent pas de spores (les seules infectantes). Même si le stade de fructification peut être atteint au niveau des lésions pulmonaires ou des sacs aériens, le nombre de spores expectorées est faible et la contamination horizontale est négligeable (Hamet, 1992).

L’affection se rencontre chez les oiseaux de cage, le canard, l’oie, le poulet, le perroquet, les oiseaux sauvages en captivité, la dinde et le pigeon. Elle représente la cause de mortalité la plus fréquente parmi les oiseaux des jardins zoologiques et le gibier d’eau. Les cas, souvent sporadiques, recensés chez les adultes sont généralement observés en hiver. Cependant, ils peuvent prendre une allure épizootique lorsque de nombreux volatiles sont atteints simultanément.

Cette maladie, dont la répartition est mondiale, est responsable des graves pertes économiques, notamment dans les élevages intensifs. L’aspergillose est la première cause de mortalité chez les volatiles sauvages en réhabilitation, en particulier les oiseaux marins.

K. A.
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