Les photorécepteurs peuvent désormais être visualisés in vivo - La Semaine Vétérinaire n° 1359 du 09/05/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1359 du 09/05/2009

Recherche en ophtalmologie

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Serge Rosolen

Fonctions : spécialiste en ophtalmologie vétérinaire (Asnières, Hauts-de-Seine), centre de recherche-institut de la vision, Inserm UMR S968-UPMC (Paris 6), fondation ophtalmologique A. de Rothschild (Paris)

Grâce aux outils de l’astrophysique, il est possible d’observer des structures comme les photorécepteurs ou les capillaires, d’un diamètre de l’ordre de quelques microns.

L’instrumentation d’imagerie rétinienne, qu’il s’agisse des biomicroscopes (lampes à fente), des rétinographes, des ophtalmoscopes conventionnels ou à balayage laser (SLO) ou même des systèmes de tomographie optique cohérente (OCT), ne permet pas de visualiser des structures telles que les photorécepteurs ou les capillaires, dont le diamètre est de l’ordre de quelques microns. La résolution latérale, c’est-à-dire la plus petite dimension observable dans le plan de la rétine, est limitée à 20 µm, même avec les instruments les plus performants. Cette limitation de la précision des images provient des défauts optiques rencontrés non dans les instruments, souvent d’excellente qualité optique, mais dans l’œil. En effet, tout œil comporte de nombreux défauts optiques, appelés aberrations oculaires, qui correspondent à des déformations du front d’onde. Elles sont de deux types. Les aberrations d’ordre inférieur sont liées aux amétropies sphériques (myopie, hypermétropie) et à l’astigmatisme (horizontal ou vertical). Pour celles d’ordre supérieur, la correction optique est difficile.

Pour imager in vivo les microstructures de la rétine sans subir les effets des aberrations oculaires, l’introduction d’un microscope-sonde dans l’œil serait envisageable… mais pas pratique. La solution vient de l’astrophysique, confrontée à la même problématique. En effet, la lumière stellaire, avant d’être recueillie par un télescope terrestre, traverse l’atmosphère qui introduit de multiples déformations du front d’ondes. Ces fluctuations varient rapidement avec les turbulences atmosphériques et dégradent de façon importante la netteté des images du ciel. Pour obtenir des images astrales sans subir ces effets, la Nasa a placé le télescope spatial Hubble en orbite autour de la terre.

L’optique adaptative, ou imagerie haute résolution, utilise des télescopes terrestres

Cette solution se révèle performante, mais extrêmement coûteuse. Une méthode alternative a été proposée pour obtenir des images de qualité comparable avec des télescopes terrestres : l’optique adaptative (OA). Son principe consiste à mesurer les aberrations optiques qui altèrent les ondes lumineuses et à les compenser optiquement. La mesure des aberrations est réalisée par un analyseur de front d’onde. Leur compensation optique est obtenue par l’insertion d’un miroir déformable au sein du système d’observation (télescope ou microscope). Un calculateur recueille en temps réel les données de l’analyseur et pilote la forme du miroir, de manière à compenser les aberrations en introduisant une déformation du front d’onde exactement opposée à celle générée par les milieux traversés (atmosphère ou milieux intra-oculaires). Ainsi, les images finales sont formées par un système globalement dépourvu d’aberrations.

Les aberrations optiques chez le chien et le chat sont mesurables

Smirnov a été le premier à mesurer les aberrations oculaires d’ordre supérieur, en 1961. Dans les années 90, des chercheurs de l’université de Heidelberg (Allemagne) ont développé un analyseur de front d’onde de type Shack-Hartmann, capable de mesurer rapidement l’ensemble des aberrations oculaires. Ces travaux sont notamment à l’origine des aberromètres, instruments aujourd’hui utilisés dans le domaine de la chirurgie réfractive pour guider les procédures personnalisées de laser in situ keratomileusis (Lasik).

Le principe de l’analyseur Shack-Hartmann est fondé sur la décomposition de la pupille en plusieurs sous-pupilles (voir schéma 1, en haut). Pour chacune de ces dernières, la décentration du point focal est mesurée (voir schéma 1, en bas) en utilisant les coefficients de Zernicke. La première étape a consisté à utiliser cet analyseur conçu pour l’œil humain chez le chien et le chat afin de vérifier la faisabilité des mesures. Les résultats ont été présentés lors du dernier congrès d’ophtalmologie organisé à Versailles l’an passé(1). Ils montrent que les aberrations d’ordre supérieur peuvent être mesurées avec l’aberromètre Irx3 (voir schéma 2), développé par la société Imagine Eyes (Orsay, France).

La deuxième étape a consisté à corriger les aberrations d’ordre supérieur chez le chien et le chat. En effet, il est possible de coupler l’analyseur de front d’onde avec un miroir déformable, fondé sur les travaux menés par Williams à l’université de Rochester (Angleterre), complétés par ceux de Maris Glanc, réalisés au sein d’une équipe du Centre national de la recherche scientifique à l’Observatoire de Paris. La société Imagine Eyes a ainsi développé un système de miroirs déformables électromagnétiques (système Mirao 52e) qui permet d’obtenir une résolution latérale de l’ordre de 3 µm. Comme la dimension des cônes est de 5 µm, il devenait possible de les identifier. Des résultats (voir clichés 3) ont été obtenus chez le chat placé sous simple sédation (à l’aide de médétomidine à la dose de 0,1 mg/kg). Chaque mesure a duré dix millisecondes et la réalisation de trois à cinq mesures a suffi à l’obtention d’images de bonne qualité. Une fois ces dernières recueillies et traitées, leur emplacement précis était retrouvé sur une photo de fond d’œil conventionnelle prise avec un ophtalmoscope vidéo (Sony) équipé d’une caméra en utilisant le logiciel Image J.

Des images histologiques à l’échelle cellulaire in vivo chez le chat

L’intérêt majeur de l’optique adaptative est sa capacité à améliorer les performances d’autres technologies d’imagerie rétinienne. Drexler, de l’université de Vienne (Autriche), l’a combinée avec la tomographie optique cohérente et Roorda avec l’ophtalmoscope à balayage laser. Chez l’homme, les travaux applicatifs ont porté sur la visualisation et la mesure de la densité des cônes, la détection de trous maculaires microscopiques, la cartographie de la mosaïque des photorécepteurs, l’établissement de relations génotype-phénotype dans des cas de dyschromatopsie et la visualisation des globules blancs circulant dans les microcapillaires.

Chez l’animal, les travaux concernent aussi le phénotypage des rétinopathies spontanées ou induites et l’exploration fonctionnelle de la microcirculation rétinienne. Si la qualité des images obtenues permet un comptage des éléments rétiniens (photorécepteurs, fibres nerveuses, éléments constitutifs des parois de microvaisseaux) in vivo, de façon peu invasive, elle peut encore être améliorée.

L’optique adaptative permet le suivi de l’évolution d’affections induites ou spontanées chez le même sujet. Ses champs d’investigation sont multiples, dans les domaine médical, pharmaceutique et toxicologique. Cette technique devrait, en outre, permettre de réduire le nombre d’animaux de laboratoire utilisés, car elle se substituerait aux examens histologiques intermédiaires. Son utilisation s’inscrit parfaitement dans le développement du concept « one health, one medicine » (voir bibliographie).

  • (1) Congrès de l’European College of Veterinary Ophalmolgists (ECVO), de l’European Society of Veterinary Ophtalmologists (ESVO), du Groupe d’étude en maladies oculaires (Gemo), de l’Association française d’ophtalmologie vétérinaire (Afov) et de la Société française d’étude et de recherche en ophtalmologie vétérinaire (Sferov).

BIBLIOGRAPHIE

  • M. Enserink : « Initiative aims to merge animal and human health science to benefit both », Science, 2007, n° 316, p. 1 553.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr