Le syndrome du nez blanc décime les chauves-souris outre-Atlantique - La Semaine Vétérinaire n° 1358 du 02/05/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1358 du 02/05/2009

Parasitologie

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Marie Sigaud*, Stéphanie Bourgeois**

Les scientifiques, impuissants, assistent depuis deux ans à une mortalité massive dans les colonies de chiroptères nord-américaines.

Le syndrome du nez blanc, ou white-nose syndrome (WNS), est relevé pour la première fois en février 2006, à partir d’une photo prise dans une grotte de l’état de New York. Il se caractérise par le développement d’un champignon blanchâtre sur le museau, les oreilles et les membranes alaires des chauves-souris en période d’hibernation. Dans les colonies touchées, de nombreux cadavres sont retrouvés sur le sol et aux abords des grottes d’hivernage, tandis que les chauves-souris vivantes sont émaciées et présentent des comportements anormaux. Elles se regroupent dans les zones froides ou près de l’entrée de la grotte, et sont fréquemment observées en vol à l’extérieur, y compris pendant la journée.

Une mortalité sans précédent est enregistrée au sein des populations de chauves-souris du nord-est des Etats-Unis. En deux hivers, la maladie s’est propagée dans sept états, depuis le Vermont jusqu’en Virginie, occasionnant des pertes estimées à un demi-million d’individus, soit une chute de 75 % de l’effectif régional de chiroptères.

L’agent isolé à partir des chauves-souris récoltées mortes ou moribondes, est un champignon psychrophile, c’est-à-dire susceptible de se développer dans des conditions extrêmes, par exemple à des températures très basses, et proche du genre Geomyces en termes phylogénétiques. Les analyses nécropsiques réalisées chez les chauves-souris atteintes par le syndrome du nez blanc montrent que les hyphes fongiques se logent dans les follicules pileux et les glandes sébacées et sudoripares associées, tout en abîmant la membrane basale. Ils érodent également l’épiderme des oreilles et des ailes.

Le rôle du champignon psychrophile est discuté

Les chercheurs sont partagés quant à l’origine des mortalités massives. Le champignon mis en évidence est-il un organisme habituellement commensal de la peau de chauve-souris en hibernation, comme les streptocoques et les staphylocoques chez l’homme Si tel est le cas, les structures fongiques blanches observées seraient certainement le résultat d’une croissance anormale de ce champignon, probablement due à un mauvais état général de l’individu. Mais il n’est pas exclu que ce micro-organisme ait été récemment introduit dans les grottes où hibernent les chauves-souris. C’est l’hypothèse que privilégie David Blehert, microbiologiste au National Wildlife Health Center (voir bibliographie 1). Selon lui, les données montrent que le syndrome progresserait de grotte en grotte depuis le site de sa première apparition. En outre, les études génétiques réalisées à partir des champignons isolés dans différentes grottes semblent corroborer l’hypothèse d’une récente introduction. La confirmation de cette éventualité signifierait que les mouvements d’hommes et d’animaux au sein des grottes sont certainement l’une des causes de l’émergence du syndrome. Avant son identification, les mortalités de chauves-souris imputables à des maladies étaient particulièrement rares. Des recherches qui prennent en compte les facteurs environnementaux sous-jacents et l’implication éventuelle d’agents toxiques ou microbiens sont en cours pour expliquer ce phénomène inquiétant pour l’avenir de ces mammifères volants.

Les réserves de graisse des chauves-souris atteintes s’épuisent

Quel que soit l’agent pathogène responsable, force est de constater que les animaux meurent de faim pendant l’hibernation. Un doctorant de l’université de l’Indiana (voir bibliographie 2) a testé les explications possibles à l’aide d’un modèle qui prend en considération le schéma de réveils au cours de l’hibernation, la masse corporelle et le taux graisseux. Il a ainsi démontré qu’une perturbation de l’hibernation, avec des réveils fréquents entraînant une forte déperdition d’énergie, peut causer les forts taux de mortalité observés dans le cadre du syndrome du nez blanc. L’irritation cutanée produite par le caractère invasif du champignon, qui conduit les chauves-souris à des réveils fréquents pour leur toilettage, constitue une hypothèse plausible. Pendant l’hibernation, leur température chute jusqu’à celle du milieu ambiant, soit 2 à 8 °C. Chaque réveil induit une dépense d’énergie considérable pour atteindre et maintenir une température de 35 °C. Cette déperdition d’énergie les obligerait à sortir prématurément à la recherche de nourriture, en vain.

Des refuges thermiques pourraient permettre une survie jusqu’au printemps

Cette étude permet aux chercheurs d’envisager une solution pour réduire la mortalité dans les grottes d’hivernage. L’idée de départ est de diminuer les dépenses énergétiques occasionnées pendant les multiples réveils, pour aider les animaux à tenir jusqu’au printemps. S’appuyant sur un comportement naturel des chauves-souris, qui cherchent les zones les plus chaudes pendant les phases de réveil, les scientifiques ont imaginé leur fournir des sources de chaleur localisées, permettant de diminuer le coût lié à ces réveils. Ces refuges thermiques devront être suffisants pour abriter les individus éveillés, sans perturber la température globale de la grotte. D’après les chercheurs, cela pourrait ramener la mortalité à seulement 8 % en présence du syndrome du nez blanc.

Cette approche est seulement une mesure d’urgence, puisqu’elle ne traite pas la cause sous-jacente, mais elle devrait permettre aux chauves-souris atteintes de survivre, en attendant que la recherche avance. Il est d’autant plus urgent de trouver un antifongique efficace que les individus qui survivent continuent à disséminer le champignon pathogène pendant le printemps et l’été. Les scientifiques suivent actuellement la piste d’une bactérie antifongique capable de se propager d’une chauve-souris à l’autre.

Les chiroptères jouent un rôle écologique primordial

L’apparition soudaine de ce nouvel agent pathogène et son expansion rapide sont un véritable challenge pour les biologistes et les vétérinaires spécialistes des chauves-souris, qui coordonnent leurs efforts à travers le pays. Cette épidémie n’est pas sans rappeler celle causée par un autre champignon pathogène, agent de la chytridiomycose, qui décime 30 % des espèces mondiales d’amphibiens, et contre lequel aucune solution de lutte efficace n’est encore trouvée. Le syndrome du nez blanc n’a pas encore atteint une telle ampleur. Sa propagation est toutefois rapide, et il constitue une menace d’autant plus grande qu’il touche des espèces longévives à reproduction lente, avec un à deux petits par an au maximum.

Si ce syndrome n’est pas contagieux pour l’homme ou les animaux domestiques, la disparition des chauves-souris entraînerait la perturbation de l’ensemble de l’écosystème. A l’échelle mondiale, les chiroptères jouent en effet un rôle écologique primordial dans le contrôle des insectes, la pollinisation des plantes et la dispersion des graines. A long terme, le déclin des populations nord-américaines pourrait avoir de graves répercussions.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1 - D. Blehert, A. Hicks, M. Behr, C. Metyer, B. Berlowski-Zier, E. Buckles, J. Coleman, S. Darling, A. Gargas, R. Niver, J. Okoniewski, R. Rudd, W. Stone : « Bat white-nose syndrome : an emerging fungal pathogen ? », Science, 2009, n° 323, p. 227.
  • 2 - J.G. Boyles, C.K.R. Willis : « Could localized warm areas inside cold caves reduce mortality of hibernating bats affected by white-nose syndrome ? », Frontiers in Ecology and the Environment, 5/3/2009.
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