La détection de Clostridium difficile dans les crottins de chevaux est délicate - La Semaine Vétérinaire n° 1357 du 24/04/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1357 du 24/04/2009

Bactériologie

Formation continue

ÉQUIDÉS

Cette bactérie occasionne des diarrhées sporadiques chez le cheval adulte et le poulain. La présentation linique varie d’une légère diarrhée à une entérocolite hémorragique et nécrosante rapidement fatale.

Clostridium difficile est fréquemment associée aux diarrhées postantibiotiques. Dans certains pays, des études rétrospectives ont montré qu’une antibiothérapie était un facteur de risque significatif pour le développement d’une entérocolite à C. difficile chez l’adulte, mais cela n’a pas été confirmé dans d’autres zones géographiques. Il est aussi possible d’induire expérimentalement une diarrhée chez des poulains en leur inoculant la bactérie.

Les signes cliniques induits sont reliés à la production d’une ou deux exotoxines de Clostridium difficile : la toxine A (une entérotoxine) et la toxine B (une cytotoxine). Le fait d’isoler la bactérie à partir des crottins, par culture ou polymerase chain reaction(PCR), n’est donc pas une confirmation diagnostique de l’implication de C. difficile dans le processus de diarrhée. Il faut détecter les toxines A et/ou B pour en avoir la preuve. Il est donc difficile de conclure quant à l’origine d’une entérocolite lorsque la culture et la PCR pour Clostridium difficile sont positives et les tests de recherche des toxines négatifs. Pourtant, cela a son importance concernant la décision thérapeutique à prendre.

Rebecca Ruby et ses collaborateurs(1) soulignent que des kits Elisa (enzyme-linked immunosurbent assay) développés en médecine humaine ont une bonne sensibilité chez l’homme, mais celle-ci semble moindre chez le chien et non déterminée chez le cheval.

Les données cliniques et biologiques des chevaux diarrhéiques sont comparées

Pour répondre à cette problématique, les auteurs ont entrepris de comparer les données cliniques et biologiques de chevaux souffrant de diarrhée. Leurs crottins ont été soumis à différents tests pour rechercher Clostridium difficile.

L’étude inclut les chevaux admis en urgence pour diarrhée (quelle que soit la sévérité) à l’université vétérinaire de Californie entre 2002 et 2005, de même que ceux qui ont développé une diarrhée pendant leur hospitalisation. Le signalement, l’anamnèse, la nature et la durée de l’antibiothérapie éventuelle, la durée et la sévérité de la diarrhée, les résultats des examens cliniques et paracliniques, ainsi que le temps d’hospitalisation sont répertoriés. Des échantillons de crottins frais sont prélevés à l’admission (ou au premier jour de diarrhée) et soumis au laboratoire pour une mise en culture aéroanaérobie (recherche de Clostridium difficile et Salmonella spp.) et une recherche antigénique pour C. difficile, ainsi que pour la toxine A par des techniques Elisa. Le test Elisa qui permet d’identifier la toxine B n’est pas entrepris, faute de disponibilité commerciale. Les échantillons sont immédiatement réfrigérés et analysés dans les douze heures qui suivent le prélèvement. Quatre groupes de chevaux sont constitués (voir encadré).

Des tests statistiques sont appliqués pour vérifier si les données sont bien de distribution normale et pour établir des corrélations statistiques entre les différents paramètres. Parmi les 292 chevaux de tous âges, 33 font partie du groupe 1, 38 du groupe 2, 29 du groupe 3, 192 du groupe 4.

Les thoroughbreds et les quarter-horses sont les races prédominantes et les deux genres sont également représentés. Les motifs d’hospitalisation sont principalement constitués de coliques chirurgicales (n = 84) ou médicales (n = 43), de diarrhée d’origine inconnue (n = 46), de maladie néonatale (n = 44), de problème orthopédique (n = 9) et de maladie respiratoire profonde (n = 12).

Dans 97,3 % des cas, il s’agit d’une diarrhée aiguë. 88 % des chevaux du groupe 1, 92 % de ceux du groupe 2, 79 % de ceux du groupe 3, et 80 % de ceux du groupe 4 présentent une diarrhée liquide. La température rectale est significativement plus élevée chez les chevaux du groupe 1 (38,4 °C +/– 0,9), de même que les comptages de neutrophiles immatures, l’hématocrite et la concentration en fibrinogène sanguin.

Le temps moyen d’hospitalisation est de dix jours pour le groupe 1, significativement plus élevé que pour les autres lots (groupe 2 : huit jours ; groupe 3 : sept jours ; groupe 4 : six jours). 97 % des chevaux de l’effectif 1 ont reçu des antibiotiques avant l’admission, versus79 % du lot 2, 66 % du 3, et 48 % du 4. La durée de l’antibiothérapie est plus longue pour le groupe 1 que pour les autres.

La probabilité de détecter la toxine A augmente avec le temps d’hospitalisation

L’analyse multifactorielle montre que, globalement, la probabilité de détecter la toxine A dans les crottins de chevaux souffrant de diarrhée augmente corrélativement avec le temps d’hospitalisation qui a précédé son apparition, avec l’augmentation des neutrophiles immatures en circulation et avec la survenue d’hyperthermie.

En revanche, la probabilité de détection de la toxine A n’est pas reliée à la durée de l’antibiothérapie avant la diarrhée.

Parmi les chevaux dont la culture ou la détection antigénique est positive pour Clostridium difficile, la probabilité de détecter la toxine A augmente significativement avec la durée de l’hospitalisation avant l’apparition de la diarrhée et le temps total d’hospitalisation (chez les survivants).

24 % des chevaux du groupe 1, 16 % du groupe 2, 14 % du groupe 3 et 12 % du groupe 4 sont euthanasiés, soit en raison d’un pronostic vital sombre, soit en lien avec des contraintes financières, mais ce taux n’est pas statistiquement différent selon les effectifs. En revanche, en excluant les animaux euthanasiés, le taux de mortalité des chevaux du groupe 1 est significativement plus élevé que pour les autres.

La culture fécale est positive pour Salmonella chez 9 % des chevaux du groupe 1 et 5,2 % de ceux du groupe 2. Les clostridies sont cultivées selon deux techniques microbiologiques : l’ensemencement direct sur plaque, et dans un bouillon enrichi (méthode plus sensible). Les concentrations fécales de Clostridium difficile chez les chevaux en diarrhée sont probablement très basses, si bien qu’il est conseillé, pour améliorer la sensibilité de la détection, d’avoir recours à des ensemencements sur un milieu de culture enrichi.

Les auteurs ont calculé qu’en se fondant sur les résultats de la culture directe sur plaque, la sensibilité et la spécificité de la détection antigénique de Clostridium difficile par Elisa sont respectivement de 93 % et 88 %. En utilisant la techni que de culture sur un bouillon enrichi comme référence, elles passent à 66 % et 93 %. Il est déterminé que la corrélation entre la culture de Clostridium difficile(quelle que soit la technique) et la mise en évidence de l’antigène spécifique de la bactérie est bonne.

Si les chevaux dont la culture fécale est positive sont regroupés (peu importent les résultats de la détection antigénique), la probabilité de détecter la toxine A dans ce groupe est de 38,8 %. En tenant compte seulement des chevaux dont la détection antigénique est positive (peu importent les résultats de la culture), la probabilité de détecter la toxine A dans ce groupe est de 46,5 %.

Il est impossible de déterminer si l’incohérence des résultats entre la culture microbienne et la détection de la toxine A reflète une sensibilité insuffisante de la technique, ou la présence de souches non toxigéniques, ou encore de souches qui ne produisent que la toxine B.

La détermination du statut infectieux est plus ou moins aisée

Le statut infectieux des chevaux des groupes 1 et 4 quant à l’implication de Clostridium difficile est net. En revanche, celui des chevaux des groupes 2 et 3 (à culture positive ou détection antigénique positive, sans présence de toxine A) l’est beaucoup moins. Il est possible que les souches de Clostridium difficile que ces chevaux abritent n’expriment pas les gènes codant pour les toxines, ou qu’elles produisent seulement la toxine B (non recherchée, ce qui constitue le principal biais de l’étude), ou encore qu’elles soient non toxigéniques. En outre, il n’est pas exclu que le taux de toxine A produite soit inférieur au seuil de détection du test (2 ng/ml). Chez les chevaux du groupe 2, l’antigène de la bactérie est présent et détecté, ce qui indique peut-être un niveau de colonisation par Clostridium difficile supérieur à celui du groupe 3. Et dans le groupe 3 à culture positive pour C. difficile, mais à détection antigénique négative, il est possible que la colonisation bactérienne soit trop faible pour le seuil de détection du test.

Il faut tenir compte du fait que, lors de perturbation de la microflore intestinale qui accompagne une diarrhée, une prolifération de Clostridium difficile est également possible, sans pour autant que la bactérie soit à l’origine de la diarrhée.

Il est d’ailleurs reconnu qu’une antibiothérapie ou une maladie systémique concomitante favorisent la prolifération de clostridies. Cela expliquerait la possibilité de cultiver la bactérie sans que les tests antigéniques pour la bactérie et la toxine soient positifs.

Ainsi, les chevaux chez lesquels la toxine A de Clostridium difficile est détectée présentent un syndrome clinique plus sévère (avec une réponse inflammatoire systémique marquée) que ceux non colonisés par cette bactérie. Le taux de mortalité est d’ailleurs plus élevé lorsque la toxine A est détectée dans les crottins, que quand elle ne l’est pas.

En l’absence de toxine A, de culture ou de recherche antigénique positive pour Clostridium difficile, il est conseillé de répéter le test de détection de la toxine, car il est possible que les chevaux soient en phase précoce d’infection. Un consensus sur la conduite à tenir devant les cas de détection de C. difficile en l’absence de toxines pathogènes reste à définir plus précisément.

  • (1) R. Ruby, K.G. Magdesian, P.H. Kass : « Comparison of clinical, microbiologic, and clinicopathologic findings in horses positive and negative for Clostridium difficile infection » Javma, 2009, vol. 234, n° 6, pp. 777-784.

Les quatre groupes de chevaux

• Le groupe 1 à résultats positifs pour l’antigène de Clostridium difficile et la toxine A, avec une culture positive ou négative.

• Le groupe 2 à résultats positifs pour l’antigène de Clostridium difficile et négatifs pour la toxine A, avec une culture positive ou négative.

• Le groupe 3 à résultats négatifs pour l’antigène de Clostridium difficile et la toxine avec une culture positive.

• Le groupe 4 à résultats négatifs pour l’antigène de Clostridium difficile et la toxine A, avec une culture négative.

I. D.

Les clostridies

Ces bactéries anaérobies Gram positif forment des spores, très résistantes à l’oxygène et aux conditions environnementales difficiles. Certaines clostridies constituent des micro-organismes commensaux et font partie intégrante de la flore intestinale.

Clostridium difficile est isolée à partir du tractus gastro-intestinal de chevaux sains. La prévalence de colonisation est variable, probablement selon la population équine testée et la méthode de culture employée. En effet, la culture est délicate, car la forme végétative de la bactérie est peu résistante à l’air. Chez le poulain, elle est retrouvée dans les crottins de 29 % des nouveau-nés.

I. D.
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