La première journée scientifique apicole a montré la diversité des recherches sur l'abeille - La Semaine Vétérinaire n° 1355 du 10/04/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1355 du 10/04/2009

Filière apicole. Réunion de spécialistes en Moselle

Actualité

Auteur(s) : Nicolas Vidal-Naquet

Un pas de plus dans l'implication de la profession vétérinaire en filière apicole. La première journée scientifique apicole (JSA), organisée par l'école de Nantes, représentée par Monique L'Hostis, et la Fédération nationale des organisations sanitaires apicoles départementales (FNOSAD), représentée par Jean-Marie Barbançon, s'est en effet tenue à Saint-Avold (Moselle), le 26 février dernier. Dix-sept intervenants et une soixantaine de participants (scientifiques, apiculteurs et vétérinaires) ont signé le succès de cette journée qui sera annuelle.

Durant la première partie, consacrée à l'actualité et aux conséquences de « l'apidologie », une équipe du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a exposé son projet d'étude sur la biodiversité en zone agricole. Notre confrère Pierre Duclos, de la Direction des services vétérinaires de Saône-et-Loire, a ensuite présenté une enquête de mortalité des abeilles dans ce département en 2007-2008, estimée à 36 %. Cette étude montre un effet “zone” sur les pertes de ruches, les secteurs les plus cultivés étant les plus touchés. Pour sa part, notre confrère Marc-Edouard Colin (SupAgro Montpellier) a mis en relation et en perspective les nouvelles formulations chimiques et physiques des pesticides et la biologie de l'abeille. « Le butinage représente une voie majeure d'entrée de substances étrangères dans la colonie », a-t-il insisté. Jean-Luc Brunet, de l'Inra d'Avignon, a ensuite développé les connaissances actuelles sur le système de détoxication chez l'abeille et les enzymes qui interviennent. L'Inra et l'Afssa de Sophia Antipolis ont par ailleurs présenté des travaux sur la malnutrition des abeilles et la génétique des tournesols.

En fin de session, Monique L'Hostis a détaillé des travaux en cours à l'école de Nantes, consacrés à « l'abeille mellifère sentinelle de la pollution de l'environnement : étude sur un transect paysager en Pays de Loire ». Il s'agit d'une étude exhaustive et large, car l'abeille est considérée dans son environnement, en tenant compte de tout ce qui peut influencer sa biologie et sa vie.

Les intoxications ont fait l'objet de nombreux échanges entre les participants

La deuxième session, consacrée aux agents chimiques et aux intoxications, a été l'occasion de faire le point sur les connaissances actuelles concernant ce sujet si sensible. Monique Gauthier, de l'UMR 5169, à Toulouse (centre de recherche sur la cognition animale), a présenté les « effets du fipronil à des doses sublétales sur le comportement des abeilles ». Les études, effectuées en laboratoire, montrent que « certaines fonctions biologiques sont modifiées par de faibles doses de fipronil, administrées de façon unique (gustatives, mnésiques) ou répétée (locomotion, consommation d'eau, discrimination des odeurs) ».

Abdessalam Kacimi, de la même équipe a ensuite évoqué des travaux relatifs aux « effets sublétaux de l'acétamipride et du thiamethoxam sur le comportement de l'abeille ». Ils mettent en évidence que si l'acétamipride présente une diminution de la mémoire à long terme et une vulnérabilité particulière des abeilles à des doses sublétales, le thiamethoxam n'a aucun effet sur les comportements étudiés dans les conditions testées.

Jean-Marc Bonmatin (CNRS) a montré que « les insecticides (imidaclopride et fipronil) atteignent le pollen ». Ainsi, les concentrations moyennes d'imidaclopride dans soixante et onze échantillons de pollen de cultures traitées sont… vingt à trente fois supérieures à celles qui induisent des mortalités par intoxication chronique. « Il faut donc considérer ces résultats en termes d'impact direct sur les colonies d'abeilles et d'affaiblissement général des colonies. » La troisième session a abordé les « agents vivants pathogènes et maladies ». Le cas clinique de dépopulation grave, présenté par Jean-Marie Barbançon, a permis de faire le lien entre les deux sessions, la cause suspectée étant une intoxication. Puis Marc-Edouard Colin est revenu sur l'identification génétique des micro-organismes et le diagnostic des maladies des abeilles par polymerase chain reaction (PCR). « La présence d'un organisme pathogène dans un prélèvement est une condition généralement nécessaire au diagnostic de maladie, mais non suffisante », a-t-il insisté. Il a en outre relevé l'importance des postulats de Koch(1) dans le domaine de la pathologie de l'abeille.

Pour sa part, Jean-Daniel Charrière (Agroscope, Suisse) a présenté une nouvelle méthode de diagnostic de la loque européenne pour faire face à la recrudescence des cas qui touchent la Suisse depuis 1999. Laurent Gauthier (SupAgro Montpellier) a ensuite évoqué le cycle biologique du virus des ailes déformées et ses effets sur la santé des colonies d'abeilles. Il a rappelé son association étroite avec l'acarien Varroa destructor, mais également avec d'autres espèces d'insectes associés aux colonies, comme le petit coléoptère des ruches aux Etats-Unis. La dernière présentation a concerné la nosémose et les recherches de l'équipe du laboratoire des micro-organismes du CNRS de Clermont-Ferrand. Au final, cette journée a illustré la diversité et l'importance des recherches effectuées dans le domaine de l'abeille.

  • (1) Les postulats de Koch sont originellement des critères destinés à établir la relation de cause à effet liant un microbe et une maladie.

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