Bien segmenter sa clientèle est un prérequis à toute action commerciale efficace - La Semaine Vétérinaire n° 1354 du 03/04/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1354 du 03/04/2009

Conseil en élevage et marketing

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

Le plus important n’est pas la beauté et la pertinence du concept à vendre, mais le fait que quelqu’un l’achète. Cette évidence bouscule le fonctionnement des cabinets vétérinaires.

Il a le goût du conseil en élevage et l’analyse multifactorielle d’un problème sanitaire le passionne. En 2007, Gérard Bosquet, vétérinaire à Auvillers-les-Forges (Ardennes), a voulu développer la vente du conseil dans sa clientèle. En tandem avec Pierre Kirsch, l’un de ses cinq associés, il s’est attaqué à la problématique de la vente d’un service ciblant l’efficacité du tarissement des vaches laitières. Dans le prolongement de la formation “Projet d’entreprise”, notre confrère a participé, avec Gil Wittke, de G1 Coaching, et Ronan Petton, praticien à Plancoët (Côtes-d’Armor), au lancement de la formation “Construire et vendre son offre de services en élevage”, organisée par la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV). A l’occasion des journées nationales des GTV, en mai dernier, Gérard Bosquet et Gil Wittke ont partagé leur expérience relative à la segmentation d’une clientèle. En effet, il ne suffit pas de concevoir un produit de conseil, encore faut-il le vendre. L’éleveur n’est pas spontanément demandeur. Dans ce cadre, quels clients démarcher, comment les identifier, comment ne pas s’épuiser avec 80 % des clients qui ne rapportent que 20 % d’activité, comment déployer toute l’énergie vers les éleveurs susceptibles d’acheter mon service ?

Prospecter le potentiel des clients à partir de critères discriminants et quantitatifs

Segmenter un public consiste à le découper en groupes homogènes, selon des critères déterminés. Chaque groupe est distinct de l’autre et peut être choisi comme la cible d’une action marketing. En première intention, les vétérinaires sélectionnent le critère « l’éleveur qui est bien avec son vétérinaire ». « 1,5 à 2 % des clients s’entendent bien avec leur praticien. Il ne peut pas s’agir d’un critère de segmentation », indique Gil Wittke. Avec cette catégorie d’éleveurs, les confrères sont à l’aise, restent dans leurs schémas, leurs habitudes de fonctionnement. C’est une impasse dont il faut sortir. « Les critères choisis pour segmenter doivent être non seulement discriminants au regard du produit à vendre, mais également quantitatifs. Le qualitatif est à éviter », souligne l’intervenant. Il faut donc traduire le critère « être bien avec son vétérinaire » en élément mesurable. « Par exemple, l’éleveur vient aux réunions, à toutes les réunions, il achète tous les médicaments chez nous. Il est alors possible d’inscrire un chiffre » en face de son nom, développe Gil Wittke.

Les critères peuvent également être le lien avec une coopérative, le type d’alimentation, le chiffre d’affaires généré par les médicaments de façon globale, par vache ou pour 1 000 l de lait, le nombre de vaches, le quota, etc. Il doit toujours être en lien avec la pertinence de la question de départ : « Quel produit avec quels avantages pour répondre à quel besoin ? » Il convient d’axer le raisonnement sur le potentiel du client et se souvenir qu’il évolue selon le marché et les contraintes réglementaires. A ce titre, se pencher sur la marge obtenue grâce à un éleveur est plus intéressant que le chiffre d’affaires qu’il induit. « Entraînez-vous à décoder la publicité des journaux agricoles », recommande par ailleurs notre confrère, qui précise que discriminer selon des critères psychologiques(1), tel que “promouvant”, “contrôlant”, etc., n’a aucun intérêt pour la vente d’une offre de service vétérinaire.

Viser quinze à vingt éleveurs par segment mesurable

Au sein de sa clientèle, Gérard Bosquet a expérimenté la préférence des responsables professionnels pour les organismes de développement. « Certains y sont engagés depuis plus de vingt cinq ans. » De ce fait, les critères de segmentation choisis s’appuient sur l’alliance de ce contexte professionnel avec les qualités du produit à vendre. Le premier critère est « réceptif à nos conseils », le second « adhérents au contrôle laitier ». Les clients qui répondent aux deux sont discriminés selon qu’ils adhèrent au contrôle laitier par conviction ou par habitude (voir schéma en page 40).

Gil Wittke insiste sur l’objectif d’aboutir à des segments de l’ordre de quinze à vingt éleveurs, un chiffre « en cohérence avec la charge de travail et la taille des cabinets vétérinaires. Cela permet de tenir compte des ressources de la clinique pour, parallèlement à l’activité de soins, mener la prospection et mettre en place une nouvelle action de conseil ».

Segmenter la clientèle est particulièrement difficile, car les vétérinaires possèdent généralement peu de renseignements sur les éleveurs. Pour débuter, les bases de données BDIVet, les logiciels de facturation, le système personnalisé d’épidémiosurveillance, VetElevage et VetExpert sont des mines d’informations.

Il est en outre nécessaire de s’interroger sur le canal de vente favori des clients. Certains téléphonent, d’autres préfèrent venir au cabinet. « A chaque fois qu’un éleveur entre en contact avec vous, vous pouvez enregistrer l’événement et sans cesse faire évoluer votre segmentation. Cette démarche enseigne que le point de départ de la vente d’un produit est le besoin qu’en a le client. Une évidence qui va à l’encontre de la formation du vétérinaire, qui est un expert appelé pour résoudre un problème. Le praticien part d’abord de son offre et de son savoir faire. A l’inverse, la démarche marketing oblige à partir de l’autre et non de soi, ce qui implique un nouvel état d’esprit. »

Neuf services “qualité du lait” et quatre services “reproduction” vendus

La segmentation, qui a abouti à la base prospective de nos confrères d’Auvillers-les-Forges, a nécessité deux demi-journées de travail. « Nous avons procédé à plusieurs essais avant de parvenir à des blocs homogènes. Au départ, nous nous sommes focalisés sur le nombre de vaches, les achats de médicaments hors lactation, etc. Ce n’était pas pertinent. Il faut garder en tête son objectif, le produit, les avantages pour l’éleveur, le contexte », explique Gérard Bosquet.

Au final, l’offre de service « Comment conduire le tarissement efficacement »a été proposée à trente-cinq éleveurs laitiers. Neuf y ont adhéré, soit 25 % de succès, un bon résultat (voir encadré).En parallèle, quatre services de reproduction ont été vendus, dont deux à des clients qui n’ont pas acheté l’offre de service tarissement. « Segmenter ne sert à rien si une importante relance n’est pas organisée, confie Gérard Bosquet. A la suite des réunions de présentation, nous avons ainsi procédé, nous-mêmes, à trois ou quatre relances par téléphone. » Un tableau Excel permet aux praticiens d’Auvillers-les-Forges de suivre efficacement les trente-cinq éleveurs sélectionnés. Sur quatre colonnes sont inscrits le nom de l’élevage, le nombre de relances, la qualité du contact, l’état d’avancement des suivis, ainsi que les relances prévues lors de la visite organisée dans le cadre du décret prescription-délivrance. Les éleveurs en suivi sont surlignés en vert, les huit à convaincre en bleu. Trois clients en surveillance figurent en jaune et les reprises de protocole de tarissement des années précédentes apparaissent en orange.

La démarche de segmentation s’accompagne d’un effet papillon

« L’une des grandes leçons de ce travail est notre besoin de formation, en particulier en écopathologie », indique notre confrère ardennais, qui fourmille d’idées. Cette première action a permis de passer d’une réflexion sur le produit à une réflexion sur le client, d’où une évolution du positionnement stratégique de la structure, de son organisation et de la relation entre les six associés. Les confrères plus intéressés par les soins aux animaux ont bien accepté l’intérêt de leurs associés pour le conseil en élevage. Ceux plus intéressés par le conseil en élevage continuent de faire des visites et d’assurer des gardes. Ils ont ainsi pu organiser leur activité dans le respect des goûts de chacun et adapter leur structure à l’évolution du marché. La communication professionnelle des six associés est plus explicite et moins implicite. Tous se sont penchés sur les aspects du métier qu’ils préfèrent, leurs compétences, leurs valeurs et celles des autres.

Les retombées de cette démarche prospective révèlent que le soin individuel n’est pas opposé à l’offre de services et potentialise les valeurs de chacun. Une structure bretonne, qui a suivi le même processus, développe l’offre de services en réseau avec une clinique voisine qui a développé des expertises complémentaires. Renforcer son activité de soins de proximité et organiser des réseaux qui dépassent les frontières de sa clientèle, c’est une organisation d’avenir.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1293 du 7/12/2007 en page 59.

Segmenter sans rester bloqué

Gil Wittke donne dix conseils pour réussir une segmentation.

• Bien connaître son produit, la façon dont il fonctionne, ce qu’il apporte à l’éleveur, l’avoir testé.

• Planifier une journée sans visite, à l’écart, pour procéder à la segmentation.

• Elaborer des critères de segmentation simples, mesurables et accessibles.

• Ne pas compter plus de quinze à vingt éleveurs par segment. S’il en comporte cinquante à soixante-dix, s’interroger sur sa pertinence. S’il est intéressant, poursuivre la segmentation et définir de nouveaux critères d’homogénéité.

• Ne pas avoir peur de l’échec. Pour cela, ne pas travailler seul.

• Adapter éventuellement son produit.

• Formaliser son offre de conseil (fiches, catalogue) sur la base des besoins identifiés dans les segments ciblés.

• Partager ce travail avec les autres associés, le soumettre à la discussion, à l’adhésion.

• Garder en permanence à l’esprit que « l’éleveur n’est pas comme moi » et s’interroger sur ce dont il a réellement besoin.

• Rester humble. Obtenir un taux de réussite de 10 % la première fois est un bon résultat.

C. B.-C.
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