Une forme virulente de cryptococcose se propage sur la côte nord-ouest américaine - La Semaine Vétérinaire n° 1353 du 27/03/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1353 du 27/03/2009

Maladie émergente. Conséquence du réchauffement climatique

Actualité

Auteur(s) : Stéphanie Bourgeois

L’infection due à l’espèce tropicale, Cryptococcus gattii, touche l’homme comme les animaux domestiques.

L’agent pathogène Cryptococcus gattii semble gagner la côte nord-ouest des Etats-Unis. Une équipe de vétérinaires de l’université de l’Oregon a récemment identifié C. gattii chez six chiens et chats, apparemment sans aucun lien avec la Colombie britannique où sévit la cryptococcose. Une vingtaine de cas humains ont également été diagnostiqués dans l’Oregon et l’état de Washington. Le génotypage a permis de distinguer trois souches, dont deux isolées à la fois au Canada et dans le nord-ouest des Etats-Unis, ce qui montre une expansion de l’épidémie dans la région.

Historiquement, les cas de cryptococcose dus à Cryptococcus neoformans étaient sporadiques au Canada, jusqu’à ce qu’une épidémie, il y a dix ans, touche plus de deux cents personnes et le double d’animaux en Colombie britannique. L’espèce C. gattii, que les scientifiques croyaient réservée aux zones tropicales et subtropicales, est alors isolée chez l’homme, mais aussi chez le chat, le chien, chez quelques furets, lamas et marsouins. En outre, son origine environnementale est confirmée par des prélèvements sur le sol et les arbres de la région. C’est le premier cas rapporté d’épidémie de cryptococcose impliquant aussi bien l’homme que des mammifères terrestres, et surtout marins.

L’infection ne se développe pas seulement chez les immunodéprimés

Alors que C. neoformans n’est pathogène que chez les individus immunodéprimés, ce qui le place au deuxième rang des agents responsables de maladies opportunistes fatales chez les personnes atteintes du Sida, C. gattii provoque des symptômes chez des individus en bonne santé. La plupart des patients présentent une affection pulmonaire, avec des cryptococcomes visibles à la radiographie. L’infection peut se généraliser, notamment jusqu’au système nerveux central, provoquant ainsi une méningite souvent fatale, même avec un traitement adapté. Chez l’animal, l’infection survient majoritairement chez le chat. C. gattii colonise principalement l’aire nasale, provoquant des symptômes respiratoires tels qu’un écoulement nasal, une augmentation de l’effort ou des bruits respiratoires, de la toux ou des éternuements. L’infection peut également gagner les poumons et différents organes, notamment le cerveau. Ataxie, crises épileptiques et cécité surviennent alors. Ces manifestations sont souvent accompagnées de perte de poids, de léthargie, d’anorexie ou encore de troubles du comportement. Certains animaux présentent des masses sous-cutanées liées à l’extension de la maladie. Lors de l’épidémie survenue en Colombie britannique, l’issue a été fatale pour 70 % des chats diagnostiqués post-mortem et pour 55 % des chats traités avec de l’itraconazole.

La dissémination de C. gattii en milieu tempéré serait liée au réchauffement

L’apparition d’une épidémie de cryptococcose à C. gattii dans cette région à climat tempéré est inattendue. Elle a posé de nombreux défis diagnostiques et thérapeutiques aux vétérinaires nouvellement confrontés à cette affection. L’identification a posteriori du même génotype de C. gattii chez un patient de Seattle suggère que l’introduction du champignon est survenue il y a plus de trente ans, jusqu’à ce qu’un événement récent favorise sa multiplication.

La colonisation à large échelle de l’environnement par C. gattii en Colombie britannique est remarquable, alors qu’il n’avait été isolé que de façon sporadique, notamment sur les eucalyptus australiens. La dissémination peut être causée par de nombreux vecteurs, mais la persistance et la colonisation du milieu par C. gattii pourraient avoir été favorisées par la douceur inhabituelle du climat dans la région depuis 1998. Des simulations, qui prennent en compte les caractéristiques des écosystèmes et les données climatiques, prévoient une expansion croissante du champignon pathogène dans la région du nord-ouest Pacifique. Sa capacité à se développer chez n’importe quel individu en fait un problème de santé publique et vétérinaire majeur.

Etant donné la multiplication des cas d’expansion géographique des agents pathogènes dans des zones jusqu’à présent préservées, les praticiens peuvent s’attendre à rencontrer des affections inhabituelles de plus en plus souvent, ce qui nécessite de se tenir au courant des manifestations cliniques de diverses maladies tropicales.

BIBLIOGRAPHIE

  • • E.J. Byrnes, R.J. Bildfell et coll. : « Molecular evidence that the range of the Vancouver island outbreak of Cryptococcus gattii infection has expanded into the Pacific northwest in the United States », The Journal of Infectious Diseases, 2009, n° 7, pp. 1081-1086.
  • • K. Datta, K.H. Bartlett, K.A. Marr : « Cryptococcus gattii, emergence in western north America : exploitation of a novel ecological niche », Interdisciplinary Perspectives on Infectious Diseases, 2009, pp. 176532.
  • • C. Duncan, C. Stephen, J. Campbell : « Clinical characteristics and predictors of mortality for Cryptococcus gatti infection in dogs and cats of southwestern British Columbia », Canadian Veterinary Journal, 2006, n° 47, pp. 993-998.
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