Le diagnostic d’hépatite chronique est histologique - La Semaine Vétérinaire n° 1353 du 27/03/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1353 du 27/03/2009

Hépatologie chez le chien

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Gwenaël Outters

Les biopsies (percutanées, effectuées sous laparoscopie ou chirurgicales) permettent d’établir un diagnostic précoce, pendant la phase asymptomatique de la maladie.

Les hépatites chroniques chez le chien, qui ont fait l’objet de quatre présentations lors du dernier congrès de l’Afvac, constituent un syndrome dont l’origine est plurifactorielle. En termes de pathogénie, tout débute par l’atteinte de la membrane hépatocellulaire par un agent pathogène (infectieux, toxique, iatrogène), selon notre confrère Patrick Lecoindre. Il altère des antigènes de surface et induit la formation d’anticorps et de lymphocytes T sensibilisés. Un cercle vicieux s’installe, auto-entretenu par les cytokines, qui conduit progressivement à une nécrose hépatocytaire et à une inflammation, avec libération de médiateurs solubles et l’activation de cellules fibrogéniques. La fibrose se produit donc presque simultanément à l’inflammation, quel que soit l’agent étiologique. Ce dépôt de collagène est une réaction de défense du parenchyme hépatique qui vise à limiter l’extension de l’inflammation, mais entraîne une anomalie de la destruction physiologique de la matrice collagénique.

Avant d’atteindre la cirrhose, les premiers stades de la fibrose sont réversibles

Il existe deux types de fibrose. La fibrose septale entraîne une modification du drainage biliaire et une cholestase associée à une surcharge en cuivre secondaire. Elle désorganise progressivement le parenchyme hépatique : septum interlobulaire, apparition de nodules de pseudo-régénération et cirrhose micronodulaire ou macronodulaire (voir photos 1 et 2). Ces modifications sont à l’origine d’une hypertension portale et d’une insuffisance hépatique. Parallèlement, une fibrose périsinusoïdale réversible se développe, due à l’activation des cellules étoilées (entre les sinusoïdes et les cellules hépatocytaires). La lumière des sinusoïdes hépatiques diminue et des troubles vasculaires apparaissent (hypertension portale). Cette fibrose désorganise également le parenchyme, par la formation de nodules à l’origine de signes cliniques. Elle est réversible jusqu’à un certain stade (fibrose non réticulée) et à condition d’être traitée. Le stade de cirrhose est irréversible.

Les hépatites chroniques auto-immunes vraies sont rarissimes chez le chien

L’hépatite auto-immune est clairement définie chez l’homme, selon notre confrère Olivier Toulza. Il s’agit d’une forme rare d’hépatite à laquelle les femmes sont prédisposées. Elle est souvent associée à d’autres maladies auto-immunes. Des auto-anticorps circulants sont présents. Chez le chien, il n’existe pas de marqueur spécifique. Les hépatites chroniques ont pour point de départ une agression extérieure qui déclenche un processus à médiation immunitaire. Le rôle prépondérant de l’interleukine 1 (IL-1) est démontré dans la perte du soi et le déclenchement du processus auto-immun, sans qu’il puisse être affirmé que les hépatites sont de réelles maladies auto-immunes. Toutefois, chez le chien, elles sont souvent associées à d’autres affections auto-immunes comme les anémies hémolytiques ou des glomérulonéphrites.

Les hépatites auto-immunes vraies semblent rarissimes. Il s’agit plus vraisemblablement de maladies induites par des agressions hépatiques primitives, qui entraînent secondairement un processus immunitaire.

Le diagnostic, précoce, doit être établi pendant la phase asymptomatique

Les hépatites chroniques évoluent sous des formes asymptomatiques pendant plusieurs années. C’est à ce stade que le diagnostic précoce doit avoir lieu. Lorsque les symptômes d’insuffisance hépatique apparaissent (abattement, hyporexie, polyuro-polydipsie, diarrhée, distension abdominale, hypo-albuminémie, hypertension portale, vomissements, ictère, troubles nerveux), il est souvent trop tard. L’expression clinique n’est d’aucune aide pour le diagnostic précoce. Pendant la phase asymptomatique, des modifications biologiques sont notées. Dans 90 % des cas, l’activité des alanines amino-transférases (ALAT) augmente d’un facteur de quatre à quinze. Cette élévation est progressive et ne répond pas à un traitement classique. La hausse de l’activité des enzymes de la cholestase (phosphatases alcalines, PAL, et gamma glutamyl transpeptidases, GGT) est plus tardive et moins spécifique. Dans 85 % des cas, la valeur des PAL est multipliée par un facteur de deux à cinq. Cette anomalie persiste pendant douze à quinze semaines au minimum. Les autres paramètres fonctionnels hépatiques (urémie, glycémie, albuminémie) ne sont modifiés que dans les stades avancés.

Un test dynamique des acides biliaires est particulièrement intéressant. L’hyperbilirubinémie est aussi un signe d’appel. Elle est précoce lors de lésions initiales au niveau de l’espace porte, et plus tardive lors d’atteinte des lobules hépatiques ou de la zone qui entoure la veine hépatique. Une hypo-albuminémie est présente dans 40 % des cas. Dans un quart des cas, une hypergammaglobulinémie est notée. Par ailleurs, des troubles de la coagulation (augmentation du temps de Quick et du temps de céphaline kaolin) sont à rechercher, ainsi qu’une hyperammoniémie à jeun.

La cytoponction à l’aiguille fine ne suffit pas pour établir le diagnostic

L’échographie au stade précoce est peu sensible. La plupart du temps, aucune modification architecturale n’apparaît au niveau du foie. Cependant, c’est le support de la réalisation de biopsies hépatiques qui permettent le diagnostic histologique incontournable. Chez les animaux dont les enzymes hépatiques augmentent progressivement sans qu’une maladie intercurrente puisse en être la cause, particulièrement quand il s’agit d’une race à risque (voir l’article en page 34), la biopsie doit être réalisée précocement. Il convient d’abandonner la cytoponction à l’aiguille fine, car elle ne permet pas le diagnostic. La biopsie percutanée échoguidée (voir photo 3) reste intéressante, car elle est facile à réaliser, mais la biopsie sous laparoscopie ou chirurgicale permet d’obtenir des prélèvements de plus grande taille et de meilleure qualité.

L’analyse histologique du prélèvement est associée à une culture bactériologique et à une recherche des métaux lourds (il convient de demander à l’anatomopathologiste une coloration pour évaluer de manière semi-quantitative la présence de cuivre ou un dosage du cuivre tissulaire sur des prélèvements d’au moins 1 g). Une analyse sérologique pour la leptospirose permet la recherche des événements primaires.

A l’avenir, le vétérinaire pourra peut-être s’affranchir des biopsies hépatiques, à l’instar de ce qui existe chez l’homme. Des marqueurs de fibrose non invasifs sont en effet disponibles en médecine humaine. Le taux de prothrombine correspond à un stade avancé de fibrose. Le “fibrotest”, fondé sur un certain nombre de paramètres sanguins, paraît prometteur (sensibilité de 85 % dans les stades précoces). L’utilisation de grading de la fibrose, comme cela existe chez l’homme (score Métavir), sera peut-être aussi envisageable dans le futur.

La pénicillamine est le chef de file des chélateurs du cuivre

Le traitement des hépatites chroniques chez le chien n’a fait l’objet que d’un faible nombre d’études contrôlées. Les données sont empiriques, souvent issues de la médecine humaine. Quand les signes cliniques de l’insuffisance hépatique apparaissent, le traitement n’est que symptomatique. En cas d’intervention à un stade précoce, plusieurs axes thérapeutiques existent.

Le traitement étiologique concerne les hépatites à prédisposition raciale (voir article en page 34) accompagnées d’une surcharge cuprique, même si cette dernière est présente dans de nombreuses hépatites chroniques. Il repose sur une période d’attaque avec de la pénicillamine, dont l’efficacité est empiriquement admise (Trolovol®, spécialité humaine, à la posologie de 10 à 15 mg/kg matin et soir). Elle chélate le cuivre dont elle favorise l’élimination et possède une activité antifibrosante. Elle s’administre une heure avant les repas, dont la composition en cuivre est contrôlée. La durée de ce traitement d’attaque est ajustée par un suivi histologique, en renouvelant les biopsies à l’issue de six à douze mois. En phase asymptomatique, la réversibilité des lésions est parfaite. Une fois que la diminution des lésions et de la surcharge cuprique est constatée par l’analyse histologique, la pénicillamine peut être arrêtée. Le traitement d’entretien repose sur l’administration de zinc (chélateur et antifibrosant) mélangé à l’aliment, à la dose de 100 mg/animal/j. Il faut idéalement suivre la zincémie (risque d’anémie liée au stress oxydatif).

En phase asymptomatique, de nombreux traitements peuvent être entrepris

Pour toutes les autres hépatites, dites idiopathiques, pour lesquelles un processus immun est admis, les anti-inflammatoires et les antifibrosants sont recommandés. Les antibiotiques sont indiqués dans les processus dont le point de départ est infectieux. L’inflammation est le stimulus majeur de la fibrose, réversible si elle est traitée précocement. Les corticoïdes sont utilisés à une dose initiale de 1 à 2 mg/kg, rapidement diminuée pour atteindre 0,5 mg/kg tous les deux jours. Ils augmentent l’activité des enzymes hépatiques et la cholestase. Le contrôle thérapeutique ne peut donc être réalisé que par l’intermédiaire d’une biopsie après quatre à six mois. Ils sont contre-indiqués lors de processus infectieux, d’ulcération digestive et de fibrose extensive (risque d’augmentation de l’hypertension portale).

L’azathioprine est surtout citée dans le traitement des hépatites chez l’homme. Son association avec les corticoïdes semble intéressante. Cependant, elle présente une toxicité hépatique.

La cyclosporine sera certainement un traitement d’avenir, mais aucune étude contrôlée chez le chien n’existe dans cette indication. La colchicine serait efficace (0,03 mg/kg/j, dose indicative), avec des effets secondaires limités.

L’acide ursodéoxycholique (Ursolvan®, spécialité humaine, à raison de 10 à 15 mg/kg/j) a des effets immunomodulateur, cholérétique et hépatoprotecteur. Son efficacité a été démontrée chez le chien dans une étude de quelques cas.

Les anti-oxydants représentent un soutien nutritionnel intéressant

Toutes les affections hépatiques s’accompagnent précocement de la formation de radicaux libres. Ils participent à la genèse de lésions oxydatives et sont impliqués dans la fibrogenèse. Plusieurs molécules peuvent être employées : la vitamine E (50 à 400 U/j), la sylimarine (Legalon®, spécialité humaine) et le S-adénosyl-méthionine (Same, Zentonil®, 20 à 40 mg/kg). Le Same est nécessaire au maintien des fonctions hépatocytaires et est indiqué dans toutes les hépatites, en particulier les formes chroniques en phase asymptomatique. Le diagnostic précoce des hépatites chroniques chez le chien est une nécessité pour intervenir en phase de fibrose réversible. Elles sont souvent découvertes fortuitement lors de bilan sanguin. Le diagnostic histologique est incontournable. Peut-être des marqueurs non invasifs de la fibrose seront-ils disponibles à l’avenir en médecine vétérinaire. En termes de traitement, de nombreuses incertitudes demeurent et un suivi histologique est nécessaire.

CONFÉRENCIERS

Patrick Lecoindre, diplomate de l’European College of Veterinary Internal Medicine (Ecvim), praticien à Saint-Priest (Rhône).

Olivier Toulza, diplomate de l’American College of Veterinary Internal Medicine (Acvim), praticien à Eysines (Gironde).

Juan Hernandez, diplomate de l’Acvim, praticien à Arcueil (Val-de-Marne).

Article rédigé d’après les conférences « L’hépatite chronique du chien : pourquoi et comment faire un diagnostic précoce ? » et « L’hépatite chronique du chien : actualités thérapeutiques » (Patrick Lecoindre), « L’hépatite chronique du chien est-elle une maladie auto-immune ? » (Olivier Toulza) et « L’hépatite chronique : une affaire de prédisposition raciale ? » (Juan Hernandez), présentées lors du congrès Afvac 2008, organisé à Strasbourg (Bas-Rhin).

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