Les praticiens “en appel” à un juste équilibre - La Semaine Vétérinaire n° 1352 du 20/03/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1352 du 20/03/2009

Justice ordinale. Comptes rendus des débats

Actualité

Auteur(s) : Nicolas Fontenelle

La chambre supérieure de discipline de l’Ordre, réunie le 17 mars, a examiné en appel cinq affaires déjà jugées par les chambres régionales.

Deux des cinq affaires examinées par la chambre supérieure de discipline à l’occasion de sa première réunion de l’année sont exposées ici. Les décisions seront rendues le 29 avril prochain.

Pas plus de deux salariés vétérinaires par vétérinaire libéral

Le Dr X, praticienne à la quarantaine dynamique, faisait appel de la décision de la chambre régionale de discipline de Normandie. En décembre 2007, cette dernière lui a infligé un mois de suspension du droit d’exercice avec sursis sur l’ensemble du territoire pour avoir employé un nombre d’assistants supérieur à ce que permet le Code de déontologie. L’article R.242-64 du Code rural stipule en effet que « chaque vétérinaire exerçant seul ou en société ne peut avoir plus de deux vétérinaires salariés ou collaborateurs à temps plein ». Or, pendant plus de trois ans, le Dr X a travaillé continuellement avec quatre ou cinq assistants.

Le contexte de cette affaire est particulier. Installée au Havre, le Dr X n’en est pas moins proche du Dr Y et de sa famille. Celui-ci est à la tête d’une grosse clinique située dans un département voisin (un million d’euros de chiffre d’affaires). Le Dr Y décède en 2003, des suites d’un cancer. Le Dr X promet à la famille de son confrère qu’elle ne les laissera pas tomber. « Je me suis engagée moralement à trouver un successeur », explique-t-elle devant les conseillers. Après plusieurs mois de vaines recherches, elle décide de reprendre elle-même la clinique. Elle revend « pour 1 € symbolique » sa propre structure du Havre (son successeur rachètera le passif) et s’installe dans la structure du Dr Y, « en la payant le prix du marché ». « Il n’y avait plus de hiérarchie, plus de discipline, il a fallu remettre la clinique en état de marche, rassurer les clients », détaille-t-elle, évoquant des semaines de travail de soixante-dix à cent heures. Depuis toujours, le Dr Y travaillait seul avec quatre assistants, le Dr X poursuit sur ce schéma.

« Quand, en 2006, le conseil régional de l’Ordre vous a mis en garde sur le nombre trop important de vétérinaires salariés, qu’avez-vous fait ?, demande le président de la chambre.

— J’ai répondu que j’essayais de trouver un associé. J’ai vraiment tout fait.

— Ce n’est pas parce que vous aviez un projet d’association que cela vous exonérait de vous mettre en règle.

— Je n’aurai pas pu assumer la charge de travail supplémentaire.

— Le texte réglementaire est peut-être stupide, mais c’est ainsi.

— Donnez-moi la solution.

— Je n’ai pas de solution, j’ai un texte à appliquer », répond, cinglant, le président.

Après plusieurs tentatives d’association avortées, le Dr X accepte une proposition de rachat émanant de trois confrères, en octobre 2007. Une promesse de vente est signée en novembre, avec prise d’effet au 1er janvier 2008. « Quand le Dr X est passé devant la chambre régionale, la promesse de vente était signée, la vente parfaite. La chambre ne pouvait l’ignorer, plaide son avocate. L’infraction reprochée à ma cliente était levée. Le Dr X est un vétérinaire hors pair, il ne faut pas qu’une condamnation en France l’empêche d’exercer aux Etats-Unis, où elle souhaite s’installer après sa formation en cancérologie. »

Des honoraires sans tact ni mesure

Drôle d’ambiance en ce début d’après-midi pour l’audience du Dr K. Condamné par le Conseil de l’Ordre de Paca-Corse, en décembre 2006, à six mois d’interdiction d’exercice avec sursis pour avoir demandé à plusieurs clients des honoraires démesurés au regard des actes accomplis (article R.242-49 du Code rural), il n’était pas là pour se défendre. Et pour cause : il vit désormais en Thaïlande et dit ne plus vouloir exercer la profession. C’est donc devant des chaises vides que la chambre siégeait.

Début 2006, le Conseil de l’Ordre de Paca-Corse reçoit trois lettres de doléances qui le persuadent d’agir. La société d’assurances SantéVet attire « une nouvelle fois » son attention sur des notes d’honoraires du Dr K de 2 360 €, « sans tact ni mesure en regard des actes réalisés ». La propriétaire âgée d’un chien indique avoir payé en trois fois 5 280 € puis 3 000 € et 1 750 € pour des soins oculaires et avoir été contrainte de laisser des chèques en blanc au Dr K. Un autre propriétaire se plaint d’une facture de 7 600 € pour une cervicalgie aiguë. Devant les conseillers régionaux, comme dans les réponses qu’il a envoyées par mail au rapporteur de la chambre d’appel, le Dr K justifie notamment ses honoraires par « la qualité de soins d’exception ». Il explique que ses tarifs sont liés à la sophistication des soins. Installé dans une ville à la promenade bien connue, le Dr K avait une clientèle argentée et disait « soigner les animaux des stars ». Selon lui, les attaques qu’il subit ne sont que « jalousies de confrères ».

Devant les conseillers, le président détaille l’une des factures contenues dans le dossier : 3 095 € pour une consultation et une intervention de chirurgie cornéenne et palpébrale avec recouvrement conjonctif et six jours d’hospitalisation. « D’après ce que je lis dans le dossier, les tarifs communément pratiqués pour ce type d’opération sont compris entre 538 et 837 €. Un apport scientifique pourrait-il justifier ceux du Dr K ? », les interroge-t-il. « Absolument pas, répond l’un d’eux. Dans le cadre d’une opération sur la rétine ou réellement novatrice, pourquoi pas. Mais là, il s’agit d’une intervention tout à fait courante, tous les vétérinaires sont capables de la réaliser. »

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1339 du 12/12/2008 en pages 14-15.

Décisions d’appel

En décembre 2008, nous avons présenté deux affaires examinées par la chambre supérieure(1). Voici les décisions, rendues le 28 janvier.

• En avril 2007, le Dr X est condamné par la chambre ordinale d’Auvergne à dix-huit mois d’interdiction d’exercice avec sursis pour irrégularités dans la prescription et la délivrance de médicaments. Le président du conseil régional fait appel, estimant que cette sanction n’est pas assez sévère au regard des faits. En avril 2008, la Cour de cassation confirme un jugement de la cour d’appel de Riom qui condamne le Dr X à quatorze mois de prison avec sursis, et 3 600 € d’amende pour avoir vendu, entre 2001 et 2005, des centaines de kilos d’antibiotiques à des éleveurs sans voir les bêtes. La chambre supérieure réforme la sanction et prononce contre le Dr X la suspension du droit d’exercer sur le territoire national pendant dix-huit mois, dont un an avec sursis (soit six mois fermes).

• La chambre régionale Paca inflige en 2007 une réprimande au Dr C pour avoir établi au profit d’un de ses clients, M. B, une expertise, ce qui est proscrit par le Code de déontologie (article 242-82). Examinant les carcasses de deux brebis appartenant au voisin de M. B, il conclut à l’innocence du chien de M. B dans leur mort et rédige un document qui dédouane M. B en précisant, en lettres capitales, avoir suivi récemment un stage d’expertise judiciaire à l’école vétérinaire de Toulouse et en apposant, avant sa signature, un explicite « pour faire valoir ce que de droit ». Toute la défense du Dr C a consisté à démontrer qu’il ne s’agissait pas d’une vraie expertise, qui nécessite notamment un mandant et un débat contradictoire. Peine perdue. La chambre supérieure confirme la décision.

N. F.
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