Surveillance ou évaluation : le rôle des praticiens diffère - La Semaine Vétérinaire n° 1350 du 06/03/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1350 du 06/03/2009

Législation. Chiens catégorisés et mordeurs

Actualité

Auteur(s) : Christian Diaz

Si la mise sous surveillance relève du mandat sanitaire, l’évaluation peut être effectuée par tout praticien qui en fait la demande auprès de la DSV.

Si le maire en est la pierre angulaire et le chien et son propriétaire les acteurs majeurs(1), l’évaluation comportementale des chiens catégorisés et mordeurs ne peut se faire sans les vétérinaires, qu’elle replace dans leur rôle sanitaire. Si la plupart des confrères sont d’accord sur ce point, beaucoup voient dans cette nouvelle disposition des soucis en perspective. Une clarification sur le rôle des praticiens et celui des Directions des services vétérinaires (DSV) s’impose donc.

Les services vétérinaires, un rôle limité

Leur rôle est extrêmement réduit, puisque l’évaluation comportementale ne relève pas du mandat sanitaire. En effet, il n’est pas nécessaire qu’un praticien en soit titulaire pour être inscrit sur la liste départementale des confrères évaluateurs. Comme leur nom l’indique, les circulaires administratives ne s’adressent qu’à leurs destinataires, membres de l’administration. En aucun cas elles n’ont le pouvoir de régir une procédure de droit privé comme celle de l’évaluation comportementale. Bien que les avis de la Direction générale de l’alimentation (DGAL) aient été largement diffusés par les DSV à destination des vétérinaires sanitaires, ils n’ont donc aucune valeur contraignante ou protectrice pour les praticiens et ne sont de nature qu’à entretenir une regrettable confusion dans leur esprit. Au vu de ces éléments, le rôle des directeurs des services vétérinaires est triple :

– enregistrer les vétérinaires qui demandent leur inscription sur les listes départementales et tenir cette liste à jour ;

– déclarer en mairie, conformément à l’article L.211-14-2 du Code rural et en tant que professionnel en ayant eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, les morsures de chien après la réception du formulaire de mise sous surveillance d’un chien mordeur transmis par les vétérinaires sanitaires ;

– désigner, indépendamment du mandat sanitaire, un vétérinaire chargé de donner un avis lorsque le maire a engagé une procédure en vue de l’euthanasie éventuelle du chien.

Pour les praticiens, deux procédures s’appliquent

• Le vétérinaire sanitaire

Bien que l’évaluation ne relève pas du mandat sanitaire, le vétérinaire sanitaire intervient en amont. En effet, la mise sous surveillance d’un chien mordeur se fait dans le cadre du mandat. Comme tout professionnel qui a connaissance d’une morsure dans l’exercice de ses fonctions, il la déclare à la mairie du domicile du propriétaire ou du détenteur, qu’il informe de son obligation de faire réaliser une évaluation comportementale pendant le délai de mise sous surveillance, par un vétérinaire inscrit sur la liste départementale.

Compte tenu de la différence de nature des procédures (la mise sous surveillance relève du mandat sanitaire, contrairement à l’évaluation) et des dispositions de l’article R.242-82 du Code rural (le vétérinaire ne doit pas réaliser d’expertise dans sa clientèle), la prudence recommande au praticien qui effectue la mise sous surveillance de ne pas procéder à l’évaluation de l’animal concerné. Bien entendu, il transmet un exemplaire du certificat de mise sous surveillance au directeur des services vétérinaires, lequel est également censé déclarer la morsure en mairie.

• Le vétérinaire en charge de l’évaluation

Il n’agit pas dans le cadre du mandat sanitaire, même s’il s’inscrit sur la liste de son département via la DSV. L’arrêté du 10 septembre 2007 précise les modalités de cette inscription :

– tout praticien inscrit au tableau de l’Ordre peut faire partie de la liste départementale prévue à l’article L.211-14-1 du Code rural ;

– pour figurer sur cette liste, le vétérinaire dépose une demande écrite auprès du directeur des services vétérinaires du département où il exerce son activité professionnelle(2).

Le libellé de la demande soulève plusieurs questions. En premier lieu, le texte prévoit l’inscription dans un seul département, celui où le praticien exerce son activité professionnelle : quid des vétérinaires qui travaillent dans plusieurs départements ? Il stipule en outre que la demande du praticien doit indiquer l’adresse professionnelle à laquelle pourront être effectuées les évaluations : quid des vétérinaires qui n’ont pas de lieu d’exercice fixe, des praticiens à domicile et itinérants ? Si leur adresse professionnelle est celle de leur domicile administratif, le fait d’y pratiquer des actes relevant de l’exercice vétérinaire est-il compatible avec leur statut ?

Par ailleurs, quid de la validité de l’inscription d’un praticien qui sollicite son enregistrement, alors qu’il ne peut indiquer une adresse d’exercice de son activité ?

D’autre part, le vétérinaire s’engage à réaliser les évaluations qui lui seront soumises. A ce titre, les conditions qui lui permettent de les rejeter sont limitées : refus de paiement d’honoraires, injures graves, raisons justifiées heurtant sa conscience (conformément à l’article R.242-48 du Code rural) et, bien entendu, appartenance du chien à sa clientèle (conformément à l’article R.242-82 du Code rural). Ainsi, le praticien ne saurait pratiquer l’évaluation de certains chiens de ses clients, tout en refusant de le faire pour d’autres, pour des raisons personnelles. Certains confrères ont accepté, notamment sous la pression de l’administration, de s’inscrire sur les listes pour rendre service à leurs clients possesseurs de chiens “sympathiques”, tout en comptant refuser d’évaluer ceux qu’ils considèrent comme dangereux. Cette attitude constitue à la fois une incohérence juridique et un danger.

En dernier lieu, l’inscription sur la liste départementale relève de la responsabilité du praticien qui se proclame compétent pour pratiquer cet exercice. Bien qu’il puisse faire état des titres et des diplômes reconnus par l’Ordre, en particulier celui de comportementaliste diplômé des écoles vétérinaires, ceux-ci ne sont pas une condition nécessaire à l’inscription. La capacité à réaliser cette évaluation est considérée comme devant faire partie des connaissances de base de tout praticien.

Y a-t-il d’autres intervenants dans un cadre légal ?

A la suite du refus de l’administration de considérer l’évaluation comportementale comme un acte de police sanitaire, cette procédure ne peut relever que du droit privé. Il est donc surprenant de constater que cette même administration prétend la réglementer par des circulaires administratives qui, par définition, ne peuvent avoir aucune portée juridique en raison du statut actuel de l’évaluation, aggravant ainsi la confusion dans un domaine dont elle n’est déjà pas exempte au vu des seuls textes applicables. Parmi ces nombreuses circulaires, une retient particulièrement l’attention(3). Adressée par les ministères de l’Intérieur et de l’Agriculture aux préfets le 22 octobre 2007, l’une de ses mentions a fait croire à la création d’un nouveau corps de métier, les sapiteurs à l’évaluation comportementale : « Lorsqu’il lui apparaît que l’évaluation pour laquelle il a été choisi nécessite l’avis d’autres personnes, le vétérinaire évaluateur a la faculté de recourir à tout sapiteur de son choix. En tout état de cause, il reste seul responsable du déroulement et des conclusions de l’évaluation. »

Un sapiteur, dans le domaine de l’expertise, est un technicien spécialisé dans une discipline différente de celle de l’expert et qui ne saurait réaliser l’expertise en ses lieu et place. Par exemple, lorsqu’un expert vétérinaire est en charge de déterminer un préjudice, il peut, pour la seule partie comptable de sa mission, faire appel à un expert-comptable. Même si la portée de cette circulaire se limite à ses destinataires (qui ne relèvent que de l’administration) et ne concerne pas les praticiens, il est intéressant d’examiner dans quel cadre légal un vétérinaire évaluateur pourrait faire appel à un sapiteur, à la lumière des dispositions du Code rural. En premier lieu, selon l’article L.211-14-1, l’évaluation comportementale ne peut être réalisée que par un vétérinaire. Par ailleurs, d’après l’arrêté du 10 septembre 2007, tout praticien inscrit à l’Ordre, qui se considère compétent pour évaluer, est susceptible de s’inscrire sur la liste départementale et s’engage à réaliser les évaluations qui lui seront soumises. Enfin, l’article R.242-33 apporte d’utiles précisions sur les devoirs généraux du vétérinaire(2).

La combinaison de ces différents textes de portée générale, qui peuvent être invoqués par tout justiciable, conduit à plusieurs conclusions et recommandations.

Le vétérinaire évaluateur, en s’inscrivant sur les listes, s’est engagé à effectuer personnellement les évaluations demandées. Il s’est déclaré compétent et, à ce titre, a acquis l’information scientifique nécessaire à son exercice professionnel, ce qui doit logiquement le dispenser, pour réaliser son évaluation, de faire appel à une autre personne. Il ne saurait couvrir de son titre une personne non habilitée à un exercice professionnel vétérinaire.

En l’absence actuelle de jurisprudence judiciaire, l’évaluation, relevant du seul exercice vétérinaire, ne saurait être pratiquée par un non-vétérinaire, même partiellement, cette action apparaissant susceptible d’engager lourdement la responsabilité du praticien.

Le recours à une autre personne, quels que soient ses titres, ne peut être que la conséquence d’une insuffisance de formation ou d’information à laquelle la profession a su remédier depuis plusieurs mois, par les sessions organisées depuis bientôt un an dans l’ensemble du pays et qui ont déjà été suivies par plusieurs centaines de vétérinaires. Ces formations confèrent en tout état de cause à ceux qui les ont suivies les compétences pour apprécier le danger potentiel que représente un animal au jour de l’examen et compte tenu des modalités de sa garde, sans pour autant établir un diagnostic nosographique.

A l’issue de l’examen, le vétérinaire délivre un rapport d’analyse de risque destiné à permettre à celui qui est en charge de la gestion de ce risque, le maire, de remplir la mission que le législateur lui a confiée.

  • (1) Les rôles du chien, du propriétaire ou détenteur et du maire ont été détaillés dans La Semaine Vétérinaire n° 1349 du 27/2/2009 en pages 12-13.

  • (2) Plus de précisions sur le site WK-Vet.fr, rubrique “Semaine Vétérinaire”, puis “Compléments d’articles”.

  • (3) Circulaire NOR INTD 0700105 C du 22/10/2007. Voir le sondage en page 10 du n° 1349 du 27/2/2009.

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