La lidocaïne est utile à l’arsenal thérapeutique lors d’affection digestive - La Semaine Vétérinaire n° 1350 du 06/03/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1350 du 06/03/2009

Analgésie

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Isabelle Desjardins

Récemment, les effets d’une administration parentérale de la molécule ont été évalués pour le traitement des douleurs aiguës chez le cheval, particulièrement d’origine digestive.

La lidocaïne s’emploie sous forme de perfusion continue, précédée par l’administration d’un bolus intraveineux de 1,3 mg/kg durant dix à vingt minutes afin d’en accélérer l’effet. Puis la lidocaïne est perfusée grâce à une pompe à la dose de 50 µg/kg/min ou mélangée à la perfusion de maintenance.

Lors du traitement médical de coliques sévères, la molécule est administrée en infusion continue et constitue une alternative à l’emploi du butorphanol, ou peut y être associée en tant qu’agent analgésique supplémentaire.

Pendant le traitement chirurgical de coliques, en plus de son pouvoir analgésique somatique, la lidocaïne en perfusion intraveineuse continue permet de diminuer la concentration alvéolaire minimale en anesthésiques volatils et ainsi de minimiser la dépression cardio-vasculaire associée à l’anesthésie gazeuse.

En phase postopératoire d’une intervention abdominale, l’évaluation de la douleur est souvent plus difficile que l’estimation de sa sévérité avant la chirurgie. Une analgésie efficace est importante, car la récupération clinique des chevaux semble s’accélérer lorsque la douleur postopératoire est bien contrôlée. Une combinaison de flunixine méglumine (deux fois par jour par voie intraveineuse) et de lidocaïne (et/ou butorphanol) en infusion intraveineuse continue constitue un exemple parmi d’autres de protocole d’analgésie efficace dans ces situations.

Une amélioration de la motilité gastro-intestinale est notée

Une amélioration de la motilité gastro-intestinale a pu être observée chez des chevaux qui ont reçu une perfusion de lidocaïne en phase postopératoire de coliques. L’administration peropératoire de cette molécule lors de coliques permet même de réduire l’incidence des iléus postopératoires (de 19 % à 9 % selon une étude antérieure).

Dans une étude multicentrique récente(1), les effets d’une perfusion continue de lidocaïne chez des chevaux souffrant d’iléus postopératoire ou d’entérite accompagnée de reflux gastrique ont été comparés à ceux d’une perfusion de chlorure de sodium isotonique seul, pendant vingt-quatre heures. En trente heures, le reflux gastrique a cessé chez 65 % des chevaux qui ont reçu la lidocaïne, au lieu de 27 % chez ceux qui ont reçu le NaCl isotonique. De plus, le volume moyen de reflux par heure est significativement moindre dans le groupe “lidocaïne” comparé au groupe “contrôle”. La durée d’hospitalisation est aussi plus courte. En revanche, aucun impact statistique sur le taux de survie n’est mis en évidence.

Une atténuation des lésions de la muqueuse jéjunale

Le mécanisme d’action de l’effet prokinétique de la lidocaïne n’est pas totalement élucidé. L’application in vitro de lidocaïne à des segments musculaires intestinaux isolés engendre une contraction musculaire seulement au niveau de la partie proximale du duodénum (pas de l’antre pylorique ni du jéjunum). La molécule administrée à des chevaux sains est sans effet sur la durée des complexes myoélectriques intestinaux, ce qui suggère que son efficacité clinique n’est pas reliée à un effet prokinétique propre. Chez d’autres espèces, l’inflammation intestinale lors de manipulation viscérale chirurgicale semble induire une inflammation intestinale et un iléus au cours des douze à vingt-quatre heures. Chez le cheval, une inflammation neutrophilique du jéjunum a été identifiée dix-huit heures après une ischémie intestinale expérimentale. La lidocaïne inhibe l’adhésion des neutrophiles, la phagocytose, la production de radicaux libres. Ce serait donc davantage les propriétés anti-inflammatoires de la molécule qui seraient responsables des effets sur l’iléus.

Les lésions d’ischémie-reperfusion qui accompagnent éventuellement les coliques intestinales contribuent fortement à altérer la viabilité des segments intestinaux après l’opération. Chez le cheval, il est montré que lors d’ischémie, les neutrophiles s’accumulent dans l’intestin, plus encore pendant la phase de reperfusion. Les neutrophiles qui envahissent la muqueuse libèrent des radicaux libres et autres substances toxiques pour les entérocytes. La xanthine oxydase génère des radicaux libres lors de la restauration du flux sanguin, entraînant une péroxydation des lipides et la production de molécules à pouvoir chimiotactique pour les neutrophiles (leucotriène B4, par exemple). Des effets bénéfiques de l’infusion de licocaïne sont rapportés chez plusieurs espèces atteintes de lésions d’ichémie-reperfusion (cardiaques, neurologiques, etc.) induites expérimentalement. La molécule administrée par voie parentérale quinze minutes avant la phase de reperfusion permet d’atténuer significativement les lésions de la muqueuse jéjunale chez le cheval, par comparaison avec un groupe témoin ayant reçu du chlorure de sodium seul.

Une molécule utile lors de lésion digestive aiguë

De même que pour l’iléus, l’inhibition de l’activation des neutrophiles par la lidocaïne joue certainement un rôle important dans l’amélioration des lésions d’ischémie-reperfusion. Chez l’homme, la lidocaïne semble réduire l’expression des molécules d’adhésion qui favorisent la migration des neutrophiles à travers l’épithélium intestinal. Chez le rat, lors d’endotoxémie expérimentale, la lidocaïne réduit l’adhérence des leucocytes à l’endothélium vasculaire et, par conséquent, les fuites protéiques capillaires à travers les microlésions vasculaires. Les effets anti-inflammatoires de la molécule sur l’adhérence neutrophilique amélioreraient la perméabilité capillaire et donc organique, altérée lors de chirurgie de coliques. En outre, la lidocaïne pourrait réduire la surcharge intracellulaire de sodium consécutive à l’ischémie. En effet, pendant l’ischémie se produit une accumulation de H+ intracellulaire en raison du métabolisme anaérobie, et l’excès est exporté à l’extérieur de la cellule en échange d’un ion sodium par les canaux échangeurs sodium-protons. Le blocage des canaux sodiques par la lidocaïne en serait le mécanisme. Pour le moment, cet effet est démontré chez d’autres espèces et pour des situations pathologiques différentes (ischémie cérébrale et myocardique).

La lidocaïne est donc une molécule prometteuse chez le cheval, particulièrement lors d’affection digestive aiguë. Comme elle est métabolisée par le foie, son élimination peut être ralentie chez les chevaux à dysfonctionnement hépatique. Quelques effets secondaires sont parfois rapportés, surtout si les injections intraveineuses sont trop rapides. Aux doses recommandées, les signes de toxicité se limitent au système nerveux (anxiété, sudation excessive, fasciculations musculaires, ataxie ou troubles de la vision), sans modification des paramètres cardio-vasculaires. Ils disparaissent rapidement à l’arrêt de l’administration (trente minutes environ) en raison de la courte demi-vie du principe actif.

  • (1) V.L. Cook, A.T. Blikslager : « Use of systematically administered lidocaïne in horses with gastrointestinal tract disease », Javma, 2008, n° 8, pp. 1 144-1 148.

Effets de la lidocaïne

• L’effet anesthésique local de la lidocaïne s’exerce par la liaison de la molécule aux canaux sodiques sensibles au voltage. L’influx de sodium à l’intérieur de la cellule est alors empêché et le potentiel d’action ne peut se propager.

• Les effets analgésiques de la lidocaïne ne semblent pas liés au même mécanisme. Un effet anti-inflammatoire exercé sur les neutrophiles (à une concentration moindre que celle nécessaire pour le blocage des canaux sodiques) est fortement suspecté.

I. D.

À LIRE DANS Pratique vétérinaire équine

• Les coliques du cheval, PVE numéro spécial, vol. 31, collectif, 1999.

• Debra C. Sellon : « La gestion de la douleur chez le cheval en colique », PVE n° 158, 2008.

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