L’apiculture est en manque de vétérinaires et d’expertise qualifiée - La Semaine Vétérinaire n° 1350 du 06/03/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1350 du 06/03/2009

Filière apicole. Séance de l’Académie vétérinaire

Actualité

Auteur(s) : Michel Bertrou

Les vétérinaires face au “problème abeille” en France » était l’intitulé d’une séance organisée par l’Académie vétérinaire, le 5 février. Cette dernière avait déjà tenu, en mars 2008, une réunion sur le même sujet et cette seconde session visait à apporter une vision complémentaire. Pour ne pas dire divergente. Si les apiculteurs se plaignent depuis plusieurs années de mortalités accrues d’abeilles et de dépopulations des colonies, il existe encore des désaccords entre les scientifiques quant à l’objectivation du phénomène et de ses causes. Ces deux séances ont permis de prendre la mesure de la controverse et mis en avant l’urgente nécessité d’une implication accrue des vétérinaires dans cette filière.

Lors de la précédente séance, les interventions de Jean-Paul Faucon et Marie-Pierre Chauzat, de l’unité de pathologie de l’abeille de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) de Sophia-Antipolis, avaient minimisé le rôle des intoxications chimiques par rapport aux autres affections connues des abeilles, comme la varroase. Les trois intervenants du 5 février dernier ont, quant à eux, tiré la sonnette d’alarme vis-à-vis des traitements pesticides (Gaucho®, Regent Ts®, Cruiser®, etc.), et notamment l’usage des semences enrobées.

Jean-Marie Barbançon, praticien devenu apiculteur professionnel, a apporté le témoignage de sa pratique quotidienne. Selon lui, si les problèmes infectieux ou toxiques menacent les abeilles depuis longtemps, l’apparition des pyréthrinoïdes (à partir de 1970) puis les insecticides systémiques (dont les matières actives circulent dans tout le végétal) ont engendré des problématiques nouvelles. Avec l’utilisation massive de l’imidaclopride (Gaucho®) dans les années 90, les apiculteurs ont observé des dépopulations des colonies estivales au déclenchement de la miellée de tournesol. Ils ont aussi constaté l’apparition de comportements de butinage aberrants sur les fleurs. Les taux de mortalité hivernale, généralement inférieurs à 10 %, ont augmenté de manière significative (jusqu’à 30 %), mais selon une répartition hétérogène. Ils ont ainsi été notés dans les zones de grandes cultures et les régions (Centre, Ouest) où la pénétration du Gaucho® était la plus grande. A la concomitance des troubles avec leur répartition géographique, leur date d’apparition et le type de miellée, s’ajoute le fait qu’un certain nombre d’études, y compris de l’Afssa, ont retrouvé de l’imidaclopride dans le miel et dans le pollen. Les conséquences immédiates sur les différentes classes d’âge de la colonie, reines incluses, se doublent alors d’effets à plus long terme par la contamination du nid, ces produits étant rémanents. Jean-Marie Barbançon a limité son exposé aux années Gaucho® (interdit à partir de 1999). Le problème s’est toutefois renouvelé avec le Régents Ts® (fipronil, interdit en 2004) et, aujourd’hui, le Cruiser® (autorisation prorogée jusqu’en mai 2009).

Les divergences scientifiques soulignent des carences méthodologiques et analytiques

Plusieurs expériences(1) en tunnel de contamination des abeilles à la deltaméthrine et au fipronil, présentées par notre confrère Marc-Edouard Colin, de SupAgro Montpellier, corroborent les observations en plein champ. Elles montrent que les butineuses perdent leurs repères (géographiques et temporels) et peuvent ainsi ne jamais revenir à la ruche. L’étude de contamination à l’imidaclopride de l’Afssa (publiée en 2004)(2) n’a cependant pas conduit au même résultat. Ces divergences scientifiques soulignent des carences méthodologiques et analytiques. Le problème de la transparence des données et de la rapidité de l’expertise a aussi été soulevé.

En attendant, la controverse contribue à marginaliser les apiculteurs qui se plaignent et n’améliore pas beaucoup la situation des abeilles. « Faut-il des actions en justice pour prouver que des milliers d’abeilles meurent d’intoxication ? », s’est indignée notre consœur Monique L’Hostis, professeur à l’école de Nantes. Elle dénonce le manque de pathologistes sur le terrain et explique que, face à la carence de vétérinaires en apiculture, elle a créé, avec son confrère René Chermette, un diplôme interécoles (ENVA-ENVN) en “apiculture, pathologie apicole” en vue de former des praticiens spécialisés qui soient aussi des apidologues qualifiés.

  • (1) Cox et Wilson (perméthrine), 1984 ; Vandame et coll. (deltaméthrine), 1995 ; Colin et coll. (fipronil), 2004.

  • (2) www.apivet.eu/la-bataille-de-limidaclop.html

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