Rapport Ballereau : inacceptable (droit de) véto ! - La Semaine Vétérinaire n° 1348 du 20/02/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1348 du 20/02/2009

Réforme. Laboratoires de biologie médicale

Actualité

Auteur(s) : Marine Neveux

L’éviction des vétérinaires des laboratoires d’analyses médicales soulève la problématique d’une inquiétante dépréciation de la profession.

Il ne doit plus être possible d’accepter d’autres formations comme celle de vétérinaire. » Voilà un camouflet cinglant infligé à la profession par le rapport de Michel Ballereau ! Dans ses propositions à la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, il précise notamment l’impossibilité pour les vétérinaires d’exercer les fonctions de directeur et de directeur adjoint d’un laboratoire de biologie médicale. On aurait aimé croire à une plaisanterie de carabin si cette éviction n’avait des conséquences aussi préjudiciables en termes de santé publique humaine. En effet, cela « risque de s’accompagner, à moyen terme, d’une suppression de l’accès à la formation de biologiste spécialisé (DES de biologie médicale) pour les vétérinaires », s’inquiète Viviane Moquay, présidente de l’Association française des directeurs et cadres de laboratoires vétérinaires publics d’analyses (Adilva), dans un courrier adressé à Roselyne Bachelot. Le Conseil supérieur de l’Ordre et la Direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER) ont également tenu une réunion avec le ministère de la Santé, il y a quelques semaines, pour tenter de résoudre cet écueil.

Un dénigrement grave de la profession vétérinaire

Le rapport Ballereau s’inscrit dans le cadre de la réforme de l’hôpital public, dont l’Assemblée nationale examine ces derniers jours le projet de loi “santé”. Bien entendu, aucun vétérinaire n’a été auditionné. L’article 20 autorise ainsi « le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à une réforme d’ensemble de la biologie médicale française ». La voie qui mène les vétérinaires à la guillotine pourrait donc être ouverte par ordonnance, tandis que la formation, les qualifications des biologistes et des techniciens seraient décidées par décret.

Les confrères qui travaillent dans ce domaine ne sont pourtant pas légion. Des propositions avaient même été faites pour éviter qu’ils ne soient perçus comme des concurrents par les autres professionnels. « Le Conseil national de la spécialisation vétérinaire avait proposé de mettre en place un examen de sélection et de demander l’accès à un seul poste pour un vétérinaire par interrégion et par an, sachant que s’il n’était pas pourvu, il revenait alors à un médecin ou à un pharmacien », explique Claire Feillou, directrice du Laboratoire départemental vétérinaire et des eaux du Gers.

Au-delà de la biologie médicale, c’est à une véritable dépréciation de la profession vétérinaire que le rapport Ballereau participe. Roselyne Bachelot souhaiterait-elle jeter une ultime pelletée sur le vétérinaire déjà à terre ? Force est de constater que le lobbying officinal et/ou médical a pris le dessus sur notre profession, dont les hauts postes se raréfient également au niveau des instances de santé (Agence française de sécurité sanitaire des aliments, etc.).

Un risque réel pour la santé humaine

« Faut-il regretter que les écoles vétérinaires n’aient jamais mis sur pied des cursus diplômants en biologie médicale ? La formation multidisciplinaire qui regroupe médecins, pharmaciens et vétérinaires a toujours été privilégiée, car la profession y avait toute sa place. A notre décharge, il n’existe pas d’encadrement législatif de la biologie vétérinaire, en particulier aucune exigence de diplôme, c’est un vide facile pour le ministère de la Santé qui l’exploite pour nous écarter ! », analyse Claire Feillou.

Ce dénigrement de la profession est inquiétant, car il induit un risque pour la santé humaine, tant les vétérinaires biologistes sont des acteurs pertinents dans le diagnostic et la prévention des zoonoses. L’actualité (grippe aviaire, rage, salmonellose, etc.) le confirme tous les jours. L’émergence de nouvelles maladies est également bien réelle pour un certain nombre d’experts (West Nile, etc.). Alors que le ministère est le premier à reconnaître que la santé n’est pas une marchandise ni un service comme un autre, il prendrait le risque d’exposer les concitoyens aux épizooties animales ? D’autant que les vétérinaires bénéficient d’un autre atout : celui de savoir gérer les crises à l’échelle des populations.

La Food and Agriculture Organization (FAO) a d’ailleurs dû faire appel à l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) pour réagir à l’épidémie de grippe aviaire. En outre, les vétérinaires ont un rôle à jouer vis-à-vis du bioterrorisme (botulisme, etc.).

Des propositions positives, mais des conséquences directes

« Le rapport Ballereau est par ailleurs fort intéressant, car il préconise que le biologiste participe à la prise de décision dans le choix des examens à mettre en œuvre et aide le médecin à interpréter le résultat de laboratoire, ce qui existe déjà chez les vétérinaires », poursuit Claire Feillou.

Ce rapport rejoint également le désir louable de mettre de l’ordre dans la biologie humaine. Le projet de rachat des laboratoires médicaux par des actionnaires avec des consortiums, à des fins lucratives, a sans doute motivé sa réalisation. « Il existe aussi une volonté positive de maintenir un maillage du territoire. »

Les conséquences directes pour les vétérinaires ne se feront pas uniquement sentir au niveau des laboratoires départementaux d’analyses, mais surtout dans les domaines de la recherche et de l’industrie pharmaceutique.

A une période où les vétérinaires ne se sentent pas soutenus par leur ministère de tutelle, où des confrères jusque-là recrutés par l’Etat au plus haut niveau statutaire, celui d’inspecteur de la santé publique vétérinaire, l’ont été cette année avec un statut dévalorisé de supertechniciens, ce rapport de plus ajoute la consternation à la désillusion.

Extraits du rapport Ballereau

• « La formation initiale permettant d’acquérir les compétences pour être biologiste médical doit être la formation de docteur en médecine ou de docteur en pharmacie complétée du diplôme de spécialité en biologie médicale (DES de biologie médicale). Il ne doit plus être possible d’accepter d’autres formations comme celle de vétérinaire qui, tout en étant une formation importante, n’apporte pas toutes les compétences tournées vers l’être humain utiles au métier de biologiste médical. »

• « Le Code de la santé publique prévoit que, pour exercer les fonctions de directeurs et directeurs adjoints de laboratoire, il faille être médecin, pharmacien ou vétérinaire et avoir reçu une formation spécialisée. » (…) « L’homogénéisation des diplômes et des compétences des biologistes quel que soit leur lieu d’exercice, public ou privé, répond au principe d’harmonisation pour des fonctions médicalement similaires. La médicalisation ne permet plus d’ouvrir la profession aux vétérinaires. »

• « Les conclusions des groupes de travail ont rapidement abouti à l’intérêt de reconnaître comme biologistes médicaux les médecins et les pharmaciens titulaires du diplôme d’études spécialisées, ce qui exclut toute autre formation. »

Le rapport Ballereau est disponible dans son intégralité sur le site WK-Vet.fr

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