Un éleveur peut être condamné même si le vice présenté par l’animal n’est pas rédhibitoire - La Semaine Vétérinaire n° 1347 du 13/02/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1347 du 13/02/2009

Justice

Gestion

LÉGISLATION

Auteur(s) : Céline Peccavy

Fonctions : Avocate au bureau de Toulouse.

Commentaire d’un jugement rendu le 12 janvier dernier dans le cadre des poursuites engagées par le propriétaire d’un chiot atteint de troubles cutanés handicapants peu après sa cession.

Les faits

Le 17 octobre 2006, contre une somme de 2 000 €, monsieur Eleveur vend à monsieur Acheteur un chien mâle de race rottweiler né en juin 2006, pour un usage « de compagnie » d’après l’attestation de vente. En mars 2007, le chien est présenté en consultation en raison de problèmes dermatologiques. Dans un premier temps, le vétérinaire estime que l’aspect lésionnel est plutôt en faveur d’un problème d’acné juvénile, syndrome fréquent et banal chez le jeune chien. En effet, l’étendue et la répercussion clinique des nombreux comédons et furoncles localisés en région cervico-faciale sont alors limitées et n’entravent pas l’utilisation de l’animal.

Monsieur Acheteur, qui s’est adressé à un grand élevage pour être certain d’avoir un chien de qualité, continue donc à sortir son animal en expositions, dans la mesure où les troubles ne sont pas encore handicapants pour ce dernier.

En novembre 2007, malgré les traitements réalisés, non seulement les lésions persistent, mais elles s’étendent aussi progressivement à l’ensemble du corps de l’animal, avec une large diffusion dorsale. L’hypothèse d’un problème plus profond que l’acné juvénile est donc envisagée. Une biopsie est alors réalisée sur trois prélèvements de peau. Elle met en évidence une suspicion de naevi organoïdes. Le praticien propose un traitement par antibiothérapie locale et application d’émollients.

Malheureusement, à la suite de la biopsie, l’animal présente des difficultés de cicatrisation au niveau des plaies chirurgicales. En outre, le traitement local réalisé n’apporte aucun résultat. Le chien souffre de pododermatites interdigitées et d’otites récidivantes qui nécessitent un traitement journalier. Ces lésions provoquent de nombreuses douleurs handicapantes, puisqu’elles apparaissent les unes après les autres. De plus, lorsqu’elles se situent sous les coussinets ou au niveau du scrotum, le chien est incapable de se déplacer. Par ailleurs, la multiplicité des lésions et le problème de cicatrisation ne permettent pas d’envisager une intervention chirurgicale.

En mars 2008, une seconde biopsie est effectuée par un spécialiste auquel le vétérinaire traitant de l’animal a adressé monsieur Acheteur. Elle met en évidence des lésions de dermatite lichénoïde psoriasiforme. Les traitements antibiotiques entrepris ne fonctionnent pas.

Les demandes financières de l’acheteur

Monsieur Acheteur réclame :

- le remboursement de 80 % du prix de vente, un taux justifié par le fait que le chien est condamné à l’euthanasie à court terme pour abréger ses souffrances ;

- le remboursement des frais vétérinaires qui ont été engagés jusqu’à l’introduction de la procédure judiciaire, pour un montant de 1 085 € ;

- l’indemnisation du préjudice moral à hauteur de 750 € ;

- la condamnation de l’adversaire à verser la somme de 300 € pour résistance abusive.

Le choix du code

Les lésions de dermatite lichénoïde psoriasiforme ne font pas partie de la liste des vices rédhibitoires établie par l’article R.213-2 du Code rural. Deux solutions s’offrent donc à l’acheteur, dont l’une est beaucoup plus risquée. La première option consiste à saisir le tribunal sur le fondement des vices cachés (articles 1641 et suivants du Code civil) en jouant sur le fait que les juridictions ne suivent pas toutes la position de la Cour de cassation. En effet, depuis un arrêt de cette dernière en date du 6 mars 2001, il conviendrait d’appliquer les dispositions du Code rural même si le vice présenté par l’animal de compagnie ne fait pas partie de la liste des vices rédhibitoires. Néanmoins, certains juges continuent à appliquer le Code rural pour les vices rédhibitoires et le Code civil pour les autres vices.

La deuxième option est de saisir le tribunal sur le fondement du Code de la consommation, plus précisément la garantie de conformité qui figure aux articles L.211-1 et suivants. Cette possibilité est ouverte dans la mesure où l’affaire met en présence un vendeur professionnel face à un acheteur particulier.

Choisir la première solution aurait été particulièrement risqué puisque cela équivalait à s’en remettre au hasard. L’acheteur choisit donc de fonder ses demandes sur le Code de la consommation.

La juridiction saisie

• Compétence d’attribution : le vice présenté par le chien n’étant pas un vice rédhibitoire et la somme des demandes de notre acheteur étant inférieure à 4 000 €, il convient de saisir la juridiction de proximité.

• Compétence territoriale : le chien ayant été remis à l’acheteur sur l’élevage même, la seule juridiction compétente est donc celle dont dépend l’éleveur, en l’occurrence la juridiction de proximité d’Auch (Gers).

Les arguments avancés par l’acheteur

Pour que l’action de l’acheteur puisse aboutir, encore faut-il qu’il parvienne à démontrer l’existence d’un défaut réel de conformité, et cela dès la délivrance du chien.

• Argumentation pour le défaut de conformité. Le chien a été vendu pour une destination de compagnie. Peut-on considérer que les lésions présentées par l’animal l’empêchent de remplir son rôle ? C’est ce que soutient l’acheteur en prenant appui sur les certificats de son vétérinaire qui conclut que :

« le fait que l’animal doit être traité tous les jours, longuement, le rend de moins en moins compréhensif et a provoqué un changement de caractère qui fait que son utilisation en tant que chien de compagnie est de plus en plus difficile, puisqu’il devient de plus en plus méfiant à l’égard de ses propriétaires » ;

« malheureusement, l’évolution de la maladie se fait vers son aggravation qui entraînera, à terme, l’euthanasie de l’animal puisque sa manipulation et le traitement topique se révèlent de plus en plus difficiles à réaliser lors des phases douloureuses ».

• Argumentation pour la date d’apparition du défaut de conformité. Le Code de la consommation est particulièrement favorable à l’acheteur, puisqu’ilpose (article L.211-7) une présomption d’existence du vice au moment de la délivrance lorsque ce vice apparaît dans les six mois qui suivent. Il appartient alors au vendeur de démontrer le contraire.

En l’espèce, les premiers signes dermatologiques ont été constatés par un vétérinaire moins de six mois après la vente. En outre, un certificat vétérinaire établi le 31 décembre 2007 fait état de l’origine congénitale des troubles. Par ailleurs, un spécialiste en dermatologie vétérinaire conclut, après la seconde biopsie, que « la dermatite lichénoïde psoriasiforme est liée à un trouble de la kératinisation, c’est-à-dire à une altération du fonctionnement des kératinocytes et des glandes sébacées. L’âge d’apparition de ces désordres cutanés chez le chien confirme le caractère congénital de cette dermatose ».

Les arguments en défense de l’éleveur

L’éleveur ne conteste pas les lésions, mais leur date d’apparition. Il avance la participation du chien à quatre expositions de beauté, la dernière datant du 8 juillet 2007, ce qui n’aurait pu être le cas s’il avait présenté des problèmes de peau.

Selon lui, le contrôle vétérinaire réalisé à l’entrée des expositions fait obstacle à la participation d’un chien qui présenterait de tels troubles cutanés. Si l’animal a pu participer aux manifestations, notamment à celle du 8 juillet 2007, c’est parce qu’il ne présentait alors aucun problème.

Jugement rendu par le tribunal

« Il est constant que le chien souffre de problèmes cutanés qui se sont aggravés au fil des années. Le premier diagnostic est du 4 janvier 2007 et a entraîné le début d’une médication en dermatologie, soit moins de six mois après la cession de l’animal. Les consultations postérieures des 25 janvier et 28 février 2007 confirmaient l’existence tenace d’un problème de peau, et maintenaient une médication en dermatologie. Dès lors, les défauts de conformité sont présumés exister au moment de la délivrance… ». Le vendeur « n’apporte pas la preuve contraire ».

« Certes, le chien, dont le pelage n’était pas encore atteint, a pu se présenter, au début de l’année 2007, à des concours canins, sans éveiller un soupçon de maladie auprès des examinateurs ; mais ces tests de présentation n’ont aucune valeur probante quant à la présence ou l’absence d’une maladie évolutive Il est logique de considérer qu’un défaut qui détériore la santé du chien pouvant, d’une part influencer son caractère, et d’autre part conduire à son euthanasie, est un défaut de conformité au sens du Code la consommation, parce qu’il altère les qualités substantielles recherchées par un acheteur particulier qui n’aspire qu’à posséder un bon chien de compagnie, en bonne santé, qu’il puisse caresser pour autant qu’il lui reste des poils, et que cela ne fasse pas souffrir l’animal. Ce même acheteur particulier qui s’adresse à un élevage de qualité et qui paye un prix élevé, est en droit d’espérer un chien sans défaut. Il est établi que le vendeur n’a pas délivré un bien conforme au contrat, puisque le défaut de conformité est majeur. »

L’éleveur est condamné :

- au remboursement de 60 % du prix de vente, soit 1 200 € ;

- au remboursement des frais vétérinaires pour 1 085 € ;

- à la réparation du préjudice moral à hauteur de 350 € ;

- à la condamnation pour résistance abusive à hauteur de 200 €.

Ce jugement démontre, une nouvelle fois, que l’éleveur ne doit pas se sentir à l’abri d’une condamnation quand le vice présenté n’appartient pas à la liste des vices rédhibitoires.

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