Les vautours du sous-continent indien sont menacés par un traitement destiné au bétail - La Semaine Vétérinaire n° 1347 du 13/02/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1347 du 13/02/2009

Intoxication

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Stéphanie Bourgeois

L’utilisation large du diclofénac entraîne une chute drastique des effectifs de trois espèces.

Le sous-continent indien abrite neuf espèces de vautours. Trois d’entre elles, du genre Gyps, sont affectées par le diclofénac depuis les années 90 : le vautour chaugoun (G. bengalensis), le vautour indien (G. indicus) et le vautour à long bec (G. tenuirostris). Endémiques du sud de l’Asie, elles sont classées en danger critique par l’Union mondiale pour la nature. Deux autres espèces, le vautour percnoptère (Neophron percnopterus) et le vautour royal (Sarcogyps calvus), ont subi plus récemment les ravages du diclofénac. Le suivi des populations a permis d’estimer le déclin à 34 % par an pour le vautour chaugoun et à 27 % pour le vautour indien et celui à long bec depuis 1992. Ces taux ont atteint 81 % entre 2002 et 2003. Alors que ces trois espèces comptaient des dizaines de millions d’individus il y a dix ans, il n’en reste plus que quelques centaines dans le ciel indien.

La haute toxicité du diclofénac est vérifiée expérimentalement chez ces rapaces

Après l’élimination de causes écologiques (alimentation, zones de nidification indisponibles) ou toxicologiques (pesticides) et à la suite d’une série d’investigations virologiques et bactériologiques, un empoisonnement par la consommation de carcasses de bétail traité au diclofénac a été mis en évidence en 2004. Cet anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), dont le coût est faible, est largement utilisé comme analgésique, anti-inflammatoire et antipyrétique chez le bétail. Les AINS ont généralement des effets secondaires connus sur les reins des mammifères et des oiseaux. La haute toxicité du diclofénac a pu être vérifiée de façon expérimentale chez les vautours indiens.

Les carcasses des animaux morts peu de temps après un traitement au diclofénac contiennent une grande quantité de résidus. Les vautours ingèrent ainsi une forte dose de produit, ce qui provoque un dysfonctionnement rénal, une hyperuricémie et, au final, un dépôt de cristaux d’acide urique sur le cœur, le foie, les reins, connu sous le nom de goutte viscérale. En raison de la distance importante parcourue par les vautours pour se nourrir et de leur regroupement en grand nombre autour d’une seule carcasse, un seul bovin contaminé cause de vastes dégâts.

Le déclin des charognards a pour corollaire la prolifération des rats et des chiens enragés

L’interdiction de la fabrication et de la vente du diclofénac a été prononcée en Inde en 2006, deux ans après son incrimination. Pourtant, l’utilisation du produit, qui paradoxalement n’est pas prohibée par la loi, reste répandue, via l’approvisionnement des éleveurs en produits vétérinaires importés ou en médicaments humains.

Afin de renforcer les populations de vautours, trois stations de reproduction en captivité ont été mises en place. Malgré l’optimisme engendré par la naissance de deux poussins, les premiers relâchers nécessiteront encore plusieurs années d’efforts. Quant à la prévention, elle passe par une sensibilisation des fermiers. Bien que conscients de la disparition des vautours, dans un pays où ils représentent le principal système de destruction des carcasses, ils ne semblent pas encore prêts à opter pour d’autres anti-inflammatoires, moins toxiques pour les rapaces mais plus chers. La prolifération des rats et des chiens errants porteurs de la rage, encore très présente en Inde, soulève cependant un vrai problème de santé publique, au-delà de la problématique écologique.

Les vautours africains pourraient être les prochaines victimes

L’usage vétérinaire du diclofénac est interdit en Europe et en Amérique du Nord, mais il est inquiétant de constater qu’il est maintenant en vente dans certains pays d’Afrique. Cela pourrait prochainement faire peser une grave menace sur de nombreuses autres espèces de vautours.

Le cas de ces rapaces met en lumière les effets potentiellement toxiques des produits pharmaceutiques humains et vétérinaires sur la faune sauvage environnante. Quelques empoisonnements d’oiseaux charognards par des insecticides organochlorés administrés en topique au bétail ou par des barbituriques ont été rapportés auparavant, tandis que les antihelminthiques rejetés dans les bouses détruisent certainement de nombreux invertébrés. Il s’agit néanmoins du premier cas de dommage écologique majeur, et il est à craindre que d’autres, similaires, surviennent. La toxicité des médicaments pour l’animal traité, mais aussi pour les autres espèces, notamment celles liées par un réseau trophique, mériterait de plus nombreuses études avant leur utilisation à grande échelle.

BIBLIOGRAPHIE

  • • Debora MacKenzie : « Indian vultures circling towards extinction », NewScientist.com, 30/4/2008.
  • • John Roch : « Has mysterious killer of India’s vultures been found ? », National Geographic News, 4/5/2004.
  • • www.bnhs.org (Bombay Natural History Society).
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