Souvent ignoré, le fourchet est une affection répandue en production bovine - La Semaine Vétérinaire n° 1345 du 30/01/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1345 du 30/01/2009

Affections podales des bovins

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Karim Adjou

Une prédisposition des postérieurs accompagne des signes cliniques d’importance variable qui sont aggravés par la topographie du bâtiment.

Le fourchet, ou dermatite interdigitée, est une infection aiguë ou chronique, superficielle et contagieuse de l’épiderme sur la peau interdigitale, qui s’étend ensuite aux talons, sans extension aux tissus profonds. Cette affection du pied est encore appelée par les Anglo-Saxons interdigital dermatitis ou dermatitis interdigitalis.

Le fourchet est très répandu, même s’il est souvent ignoré, à la fois dans les élevages laitiers et allaitants. Les femelles hautes productrices semblent plus réceptives. Le retentissement et les pertes économiques engendrées sont faibles. Cependant, le nombre de bovins atteints au sein d’une exploitation est élevé et la maladie prédispose à d’autres affections podales.

De mauvaises conditions d’hygiène aggravent les lésions

Cette maladie infectieuse résulte de l’action synergique de deux germes anaérobies. Dichelobacter nodosus érode progressivement l’épiderme déjà fragilisé par les irritations de la peau interdigitale. C’est une bactérie parasite obligatoire de l’épiderme podal qui ne survit que quelques jours dans les pâtures. Fusobacterium necrophorum est un hôte normal du tube digestif. Il s’infiltre dans les tissus sous-cutanés, se multiplie, excrète de la leucocidine qui le protège. Sa survie est de deux à cinq jours à l’air libre, mais de onze mois en anaérobiose dans un milieu humide et froid.

Intimement lié à une humidité importante et à de mauvaises conditions d’hygiène, le fourchet s’aggrave lors de déséquilibres alimentaires, en particulier autour de la mise bas (mauvaise balance énergétique, carence en vitamine A, en zinc et en cuivre). Les caractéristiques des bâtiments sont aussi un facteur aggravant s’ils contribuent à augmenter la charge sur les onglons postérieurs (logettes courtes, marche devant l’auge, pente importante de l’aire d’attente, etc.).

Une corne noirâtre de mauvaise qualité est un signe pathognomonique

Normalement, la dermatite interdigitée évolue en deux phases : la première correspond aux étapes de l’infection par les deux germes. La seconde est une phase de complications liées aux risques propres à l’élevage.

Même si le signe d’appel du fourchet est une boiterie légère et/ou des piétinements, la plupart du temps, il n’y a pas de symptômes évidents. Les quatre membres peuvent être affectés, mais les postérieurs sont le plus souvent concernés, en particulier dans les stades avancés de la maladie. L’inflammation exsudative initiale de la peau interdigitée prend vite un aspect grisâtre, suintant, avec une odeur aigrelette caractéristique. Cependant, la lésion demeure superficielle et le pododerme n’est pas atteint. Une hyperhémie peut être détectée en zone interdigitée dorsale ou palmaire.

Lorsque l’inflammation devient chronique, elle progresse vers la corne du talon de la partie axiale vers la partie abaxiale qui semble alors grignotée avec des fissures en V, plus ou moins profondes. La corne produite est de mauvaise qualité et noirâtre : il s’agit de la lésion d’érosion du talon caractéristique de la dermatite interdigitée. L’inflammation de l’épiderme perturbe la production de corne en talon, tout en activant la croissance de la corne dans le reste de l’onglon. Il en résulte des lésions secondaires d’excès de corne, davantage sur les onglons postéro-externes par l’effet de la surcharge qu’ils supportent.

Les lésions des formes chroniques ressemblent aux complications

Une forme sévère de fourchet, plus agressive, peut interférer avec la formation de la corne du bulbe du talon. Des fissures, des hémorragies et de la nécrose sont susceptibles d’atteindre rapidement la corne. Le tissu sous-cutané peut alors subir des surinfections, avec suppuration et exsudation.

Dans les cas chroniques de fourchet, l’hyperkératose est le signe clinique dominant, associée à une érosion de la corne du talon, parfois évolutive et persistante, et parfois à un excès de corne de la sole. Une inflammation chronique de la peau interdigitée peut être observée et aboutir à la formation d’une masse fibreuse entre les onglons, de la grosseur d’un pouce, appelée “limace” ou “tyloma”. Lorsque la bande coronaire est atteinte, des fissures verticales de la muraille peuvent apparaître. Il est difficile de différencier les lésions des formes chroniques de la maladie et celles de certaines complications (seimes, tylomas).

La boiterie apparaît tardivement ou lors de complications

Sur le plan clinique, au stade initial de la maladie, les boiteries sont absentes ou souvent inconstantes et légères. Les symptômes sont manifestes lors de la phase II du fourchet. La boiterie la plus nette apparaît au stade de la cerise, avec un appui conservé, mais avec des aplombs modifiés pour soulager la douleur venant des onglons postéro-externes : on parle de “jarrets serrés”, pieds panards, ou “en danseuse classique”. Ensuite, la boiterie s’aggrave : au stade de l’ulcère de la sole, le pied est très douloureux, enflé de manière asymétrique. Cependant, les boiteries sont aussi observées lors d’autres maladies infectieuses des pieds des bovins (voir tableau 1).

Le diagnostic du fourchet est fondé sur l’observation de lésions caractéristiques superficielles de l’épiderme interdigital (voir photos et tableau 2).

Des guérisons spontanées sont possibles. L’évolution de la maladie n’est généralement pas dramatique. Les complications qui résultent des modifications de croissance de la corne sont les plus préoccupantes lorsque le stade chronique est mal géré.

La thérapeutique est locale et doit s’associer à la prévention

Le traitement de la dermatite interdigitée en phase I et en début de phase II repose sur le parage fonctionnel et curatif et par le passage au pédiluve. Par la suite, sa réussite dépend de la nature et de la sévérité des complications.

Le parage permet de rétablir l’équilibre des charges sur chaque onglon et entre les onglons internes et externes. Toute la corne noire et décollée est à enlever, en ne laissant aucun rebord abrupt de corne, et un parage curatif des lésions de complications est réalisé. La pose d’une talonnette sera envisagée selon le cas. Face à un “tyloma” ou à une “limace”, il convient d’élargir le creux axial afin de supprimer sa compression. Son exérèse est peu fréquente. Lors d’ulcère, l’application d’un topique à base de sulfate de cuivre suffit en général à la guérison.

Comme le parage, le passage des bovins dans un pédiluve est à la fois curatif et préventif. Toutefois les produits principaux utilisés jusqu’alors, le formol (irritant pour les voies respiratoires et potentiellement cancérigène) et le sulfate de cuivre (polluant), pourraient être interdits. La difficulté est désormais de trouver des solutions de remplacement pour le traitement du fourchet. La prévention, elle, se situe à deux niveaux. Des séances systématiques de parage (une ou deux fois par an) et des passages réguliers en pédiluve (par exemple un ou deux quotidiennement, six jours consécutifs par mois, en hiver) sont un premier moyen de prévention. L’autre possibilité repose sur la lutte contre les facteurs de risque par l’amélioration du niveau d’hygiène du bâtiment et la diminution de tout ce qui concourt à aggraver la surcharge des membres postérieurs, et une ration alimentaire équilibrée.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1324 du 29/8/2008 en pages 36-37.

EN SAVOIR PLUS

• Marc Delacroix : « La dermatite interdigitale (le fourchet) », Maladies des bovins, 2008, Editions France Agricole, pp. 270-273.

• Nora Grasmuck : « Diagnostic différentiel des maladies podales des bovins », thèse vétérinaire, ENV d’Alfort, 2005.

• Otto Radostits : Herd health, W.B. Saunders, Philadelphia, 2001.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr