Neurologie du labrador
Formation continue
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : Philippe Zeltzman
30 à 35 % des labradors seraient porteurs du gène et 5 % seraient atteints de cette affection désormais reconnue comme génétique.
Le monde du labrador est en émoi. Une affection mystérieuse, pourtant soupçonnée depuis des années, est désormais confirmée, reconnue et déclarée génétique. Afin de mieux comprendre cette maladie émergente, nous avons interrogé Susan Taylor. Spécialisée en médecine interne à l’école vétérinaire du Saskatchewan, au Canada, elle est à la pointe de la recherche sur cette affection.
Susan Taylor : Cette affection se produit essentiellement chez le labrador, même si elle peut toucher le curly coated retriever et le chesapeake bay retriever. Un chien qui semble en parfaite santé peut se mettre à tituber, voire s’effondrer pendant ou après un effort violent. Nous estimons que 5 % des labradors sont affectés.
S. T. : C’est une maladie émergente, mais qui a été décrite il y a plusieurs décennies, sous le nom de coup de chaleur, crise d’hypoglycémie, intolérance à l’effort ou à la chaleur, etc.
S. T. : Il s’agit d’une maladie génétique due à une mutation sur le chromosome 9 du gène codant pour la dynamine 1.
S. T. : Tout fonctionne parfaitement bien au repos et lors d’exercice modéré. Dans l’ensemble, cela peut même être le cas si un exercice intense n’est pas associé à une excitation forte ou à du stress. La combinaison de ces éléments requiert de grandes quantités de dynamine 1. Cette protéine ne s’exprime que dans le système nerveux central, où elle joue un rôle clé dans la formation des vésicules synaptiques qui contiennent les neurotransmetteurs. La dynamine 1 n’est pas indispensable lors de stimulation neurologique faible. Mais lorsqu’un exercice intense a lieu ou que le chien est surexcité, une grande quantité de neurotransmetteurs est soudain nécessaire pour maintenir la transmission synaptique dans le système nerveux central.
Parce que la neurotransmission est rapidement déficiente dans le cerveau et la moelle épinière, la démarche, le tonus musculaire et les réflexes deviennent anormaux.
S. T. : Le mode de transmission est autosomique récessif. Un chien affecté a donc reçu une copie de chaque parent. Un test sanguin permet de préciser si un animal a deux copies de la mutation (chien affecté), une seule copie (chien porteur), ou aucune.
5 % des labradors sont affectés, mais 30 à 35 % sont porteurs, ce qui est inquiétant.
S. T. : Les chiens atteints de myopathie sont souvent en mauvaise condition physique. Lors d’une “crise”, les muscles se rigidifient, gonflent et deviennent douloureux. L’analyse sanguine indique une élévation de la créatine phosphokinase, l’histopathologie une nécrose musculaire et l’analyse urinaire une myoglobinurie. Celle-ci peut entraîner une insuffisance rénale et la mort.
Lors de collapse induit par l’exercice, une ataxie ou une faiblesse musculaire sont constatées, mais les muscles sont flasques et indolores. La créatine phosphokinase est presque normale. Aucune myoglobinurie n’est observée et les biopsies musculaires se révèlent normales. En outre, le chien récupère rapidement.
S. T. : La plupart des chiens présentent une démarche anormale au bout de cinq à dix minutes d’activité intense, surtout si elle s’accompagne d’une forte excitation. En revanche, le collapse n’a pas lieu systématiquement lors de chaque exercice.
Certaines activités sont davantage susceptibles de provoquer un collapse : rapporter un objet de multiples fois, s’entraîner pour un field trial, chasser sur la terre ferme (par exemple le faisan), ou encore jouer avec un autre chien. L’excitation, une température ambiante élevée et la présence d’oiseaux semblent accroître le risque.
S. T. : La mutation peut être présente quel que soit l’usage de l’animal. En revanche, le collapse a plus de risques de survenir chez un chien athlétique, même s’il a aussi été décrit chez des chiens “de compagnie”.
S. T. : Tout commence par une démarche anormale. Les membres postérieurs deviennent faibles et incapables de supporter le poids du chien. Certains animaux traînent les postérieurs, d’autres présentent une ataxie et une augmentation du polygone de sustentation. Parfois, la boiterie progresse jusqu’aux antérieurs.
Durant une crise, et jusqu’à ce que le chien récupère, le réflexe patellaire est totalement absent. Si un praticien a la chance de pouvoir réaliser ce test, il s’agit d’un élément particulièrement important. Au repos, en revanche, le même chien a des réflexes parfaitement normaux.
S. T. : Dans la mesure du possible, le propriétaire devrait éviter les activités spécifiques qui ont déjà entraîné un collapse chez son chien. Cela signifie, par exemple, de limiter une activité intense (comme rapporter un objet) à deux ou trois minutes au lieu de dix, de se cantonner aux périodes fraîches de la journée, d’éviter les situations stressantes lors d’un entraînement.
Au pire, cela peut signer la fin de la carrière sportive d’un chien.
S. T. : Ils doivent arrêter l’activité de leur chien immédiatement. Les symptômes ont tendance à empirer pendant quelques minutes, même après cet arrêt. C’est pourquoi il est vital de stopper le chien au premier soupçon. Dans de rares cas, l’animal peut en mourir, peut-être parce que les muscles respiratoires sont affectés.
Si la température corporelle est élevée, les mesures habituelles de refroidissement sont à mettre en place par le propriétaire : appliquer de l’eau froide, faire boire le chien, l’exposer à de l’air frais.
L’animal récupère en général après cinq à trente minutes.
S. T. : La plupart du temps, le chien sera cliniquement normal lors de son arrivée à la clinique. Même s’il existe de nombreuses affections neuromusculaires, métaboliques et cardiaques, peu d’entre elles entraînent un épisode de collapse chez un chien en parfaite santé, qui disparaît en si peu de temps.
Un examen général, cardiaque et neurologique complet doit être entrepris. L’analyse sanguine permet d’éliminer l’hypoglycémie, l’anémie, les déséquilibres électrolytiques et l’hypocortisolemie. Et, bien entendu, un test génétique de dépistage confirmera le diagnostic. S’il est négatif, il est judicieux de passer à d’autres tests pour parvenir à un diagnostic. S’il est positif, cela informe le propriétaire qu’il doit gérer l’activité de son chien à l’avenir.
S. T. : Si le chien est en plein épisode de collapse, la fluidothérapie et les mesures classiques d’abaissement de la température corporelle sont mises en place. En général, le pronostic est bon, puisque la plupart de chiens sortent de leur épisode de collapse sans séquelles.
Dans certains cas, le traitement à long terme avec du phénobarbital en deux prises quotidiennes semble avoir été un succès, mais cela reste anecdotique.
S. T. : Son activité ne devrait pas être affectée. En revanche, il faut être prudent lors de la reproduction. Son partenaire ne doit pas être porteur du gène. Dans ce cas, aucun des chiots ne sera affecté cliniquement. La moitié sera exempte et les autres porteront la mutation.
Les chiots peuvent être à leur tour testés, afin que seuls les animaux exempts soient candidats à la reproduction.
Idéalement, les chiens porteurs devraient être stérilisés, ce qui permettrait d’éliminer progressivement la mutation de la population des labradors.
Pour de plus amples renseignements sur les tests : www.antagene.com
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