L’hypothyroïdie est trop souvent diagnostiquée - La Semaine Vétérinaire n° 1340 du 19/12/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1340 du 19/12/2008

Endocrinologie du chien

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Bénédicte Gay-Bataille

Fonctions : consultante en dermatologie vétérinaire. Article rédigé à partir de la journée “hypothyroïdie canine”, organisée par le Gedac le 18 septembre 2008 à Paris, où sont intervenus Sylvie Daminet (université de Gand), Patrick Vexiau (Hôpital Saint-Louis), Laurent Cauzinille (CHV Frégis), Dominique Héripret (CHV Frégis), Christine Médaille (Vébiotel), Delphine Rault (praticienne à Cagnes-sur-Mer) et Dan Rosenberg (ENVA).

Chaque vétérinaire français ne rencontrerait en moyenne qu’un nouveau cas tous les deux ans et suivrait trois animaux malades pendant cette période(1).

L’hypothyroïdie canine est l’une des maladies surdiagnostiquées en médecine des petits animaux. Beaucoup d’idées reçues, l’existence de nombreuses confusions quant à la symptomatologie et une méconnaissance des causes possibles d’hypothyroxinémie fonctionnelle en ont fait une dysendocrinie abusivement diagnostiquée. Les connaissances sur cette endocrinopathie ont évolué et le diagnostic à partir des observations cliniques est aujourd’hui mieux défini. Si les outils de l’exploration fonctionnelle n’ont pas changé, leur maîtrise est en revanche plus sûre.

Il existe de nombreuses autres dermatoses alopéciantes

Une alopécie tronculaire symétrique ne signifie pas d’emblée une hypothyroïdie. Ce symptôme est un motif de consultation préalable dans 40 % des cas d’hypothyroïdie avérés, mais il ne doit pas être systématiquement synonyme de cette affection endocrinienne. Il s’agit d’un signe rencontré dans diverses affections dermatologiques, notamment d’autres dysendocrinies, comme l’alopécie récidivante des flancs (ARF) ou des génodermatoses, par exemple l’alopécie des robes diluées (ARD) et l’alopécie en patron ou pattern baldness alopecia (voir photos 1, 2, 3 et 4). Ainsi, l’alopécie dite “en queue de rat”, trop souvent considérée comme un symptôme majeur d’hypothyroïdie, n’est pas spécifique (voir photos 5 et 6).

Tout animal atteint d’une affection qui entraîne un défaut de son cycle pilaire caractérisé par un arrêt de la croissance des poils a un pelage clairsemé. Les poils tombent essentiellement au niveau des zones de frottement.

L’alopécie n’est pas le seul symptôme de l’hypothyroïdie

L’hypothyroïdie est avant tout une maladie. Les signes les plus fréquents sont généraux (léthargie, faiblesse, prise de poids, intolérance à l’exercice et au froid) et dermatologiques (alopécie et syndrome kérato-séborrhéique).

La difficulté diagnostique de l’hypothyroïdie est liée en grande partie à l’apparition lente des symptômes, parfois au cours d’une année, notamment s’ils sont généraux. L’obésité est un signe (dans 40 % des cas) qui apparaît de façon insidieuse, mais n’est pas spécifique !

D’autres symptômes sont moins fréquents, comme des infections secondaires et des neuropathies. La littérature rapporte de nombreux cas d’affections neurologiques associés à une hypothyroïdie. Sur ce point également, les excès diagnostiques sont répandus. Depuis la mise au point de tests plus sensibles, ces cas ne se réduisent probablement qu’à un faible nombre. Si les myopathies sont courantes lors d’hypothyroïdie chez l’homme, il n’en est pas de même chez le chien. Des polyneuropathies (centrales ou périphériques) peuvent être en relation avec une hypothyroïdie, mais elles sont rares. En cas de doute, une consultation de neurologie permet de confirmer ou d’infirmer le lien entre les symptômes et l’hypothyroxinémie biologique. D’autres signes cliniques existent, mais sont peu fréquents. L’hypothyroïdie peut ainsi affecter la fonction cardiovasculaire. Il n’existe toutefois probablement aucune relation de cause à effet avec la cardiomyopathie dilatée chez le chien.

Des anomalies oculaires, comme des dépôts lipidiques cornéens, sont rapportées chez des animaux hypothyroïdiens et sont probablement dues à une hyperlipidémie. Des cas d’athérosclérose sont en outre rencontrés en association avec une hyperlipémie sévère, et pourraient être en lien, exceptionnellement, avec une hypothyroïdie.

Troubles de la reproduction, notamment chez la femelle, infertilité, lactation de pseudogestation sont souvent décrits, mais le rapport avec l’hypothyroïdie n’est pas encore prouvé.

Des changements de comportement en relation avec une hypothyroïdie sont suspectés, mais restent discutables. Depuis vingt ans, des cas d’agressions qui seraient associés à une hypothyroïdie sont ainsi rapportés, de façon anecdotique, dans des articles sur le comportement ou les troubles comportementaux chez le chien. Il n’existe actuellement aucune preuve de lien causal.

Des affections cutanées sont prises, à tort, pour des complications d’hypothyroïdie

Des pyodermites récidivantes chez un animal ont trop souvent été attribuées à une hypothyroïdie sous-jacente. Certes, l’altération du système immunitaire induite par un abaissement du taux d’hormones thyroïdiennes actives peut engendrer la répétition d’épisodes infectieux, comme des pyodermites, des dermatites à Malassezia ou encore des otites externes chroniques (lorsqu’elles ne sont pas un symptôme isolé). Mais cela semble rare. En outre, une nouvelle fois, aucune étude n’a montré l’existence d’un lien direct. D’autres causes majeures à l’origine de ces infections sont donc à rechercher en priorité (dermatoses parasitaires, allergiques, etc.). Il convient également de se méfier lors d’hypermucinose chez un shar-peï. Cette anomalie est physiologique chez certaines races et ne constitue pas un diagnostic d’hypothyroïdie. En revanche, un myxœdème responsable d’un “faciès tragique” chez un labrador peut en être un signe clinique.

Une hypercholestérolémie ne permet pas le diagnostic

L’hypercholestérolémie, certes rencontrée dans 60 à 80 % des cas d’hypothyroïdie, n’est pas l’apanage de cette dysendocrinie. Elle résulterait d’une augmentation de l’absorption intestinale. Elle est observée dans d’autres maladies comme l’hypercorticisme, le diabète sucré et certaines affections hépatiques.

Une anémie non régénérative (observée dans 30 % des cas) n’est pas non plus spécifique, mais augmente la suspicion clinique d’hypothyroïdie.

L’hypothyroxinémie n’est pas l’hypothyroïdie

Un certain nombre de situations physiologiques ou pathologiques (mais non thyroïdiennes) conduisent à des concentrations en hormones thyroïdiennes circulantes inférieures aux valeurs usuelles. Il s’agit des hypothyroxinémies fonctionnelles. Leur existence risque de conduire à surdiagnostiquer l’hypothyroïdie.

Les hypothyroxinémies physiologiques sont connues. Elles apparaissent lors de vieillissement, mais surtout chez certaines races (voir encadré). Les hypothyroxinémies réactionnelles, ou euthyroid sick syndrome, sont secondaires à un processus morbide, comme un syndrome de Cushing, diverses cardiopathies, l’épilepsie, mais aussi diverses affections, par exemple des pyodermites profondes. Il est donc préférable d’explorer la fonction thyroïdienne après le traitement (et la guérison) d’une pyodermite. De nombreuses molécules peuvent abaisser significativement la thyroxinémie, notamment les sulfamides potentialisés, le phénobarbital, la clomipramine, les glucocorticoïdes et les anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Ainsi, après une suspicion clinique, toute démarche qui vise à diagnostiquer une éventuelle hypothyroïdie doit pouvoir, au préalable, exclure une autre maladie ou attendre la fin d’un traitement. Il est important de garder à l’esprit que « l’hypothyroxinémie n’est pas l’hypothyroïdie ». La thyroxine est un marqueur, qui interviendrait dans de nombreuses situations pathologiques, dont l’hypothyroïdie. Une démarche de confirmation de la maladie est essentiellement nécessaire lors de suspicion clinique argumentée, faisant fi des idées reçues.

  • (1) Selon les études rétrospectives revues par notre confrère Dominique Héripret.

Quelques idées reçues

• « L’hypothyroïdie est une maladie courante » : faux ! L’hypothyroïdie est statistiquement peu fréquente, mais un animal malade le reste toute sa vie. En moyenne, d’après les études rétrospectives revues par Dominique Héripret, chaque vétérinaire français aurait un nouveau cas tous les deux ans, et suivrait trois animaux malades pendant cette période.

• « Les races golden retriever, teckel, setter irlandais, dogue allemand, dobermann, lévriers greyhoud et whippet, chow-chow et shar-peï sont prédisposées » : vrai probablement pour les quatre premières races, mais faux pour les deux dernières. Par ailleurs, est-il possible de parler de prédisposition chez le dobermann ? Un grand nombre des cas décrits comme hypothyroïdiens dans la littérature étaient probablement atteints d’une génodermatose récemment reconnue, l’alopécie des robes diluées… En outre, les lévriers greyhound et whippet ont physiologiquement une thyroxinémie basse (inférieure à 50 %), source d’abus diagnostiques.

B. G.-B.
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