Toutes les “dermatites de léchage” ne sont pas nécessairement d'origine comportementale - La Semaine Vétérinaire n° 1339 du 12/12/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1339 du 12/12/2008

Dermatologie

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Emmanuel Bensignor

Fonctions : consultant en dermatologie (Paris, Rennes, Nantes), DESV de dermatologie vétérinaire, diplomate de l'European College of Veterinary Dermatology.

Trouble comportemental, allergie ou calcinose peuvent expliquer un léchage localisé des extrémités.

Un mâle croisé leonberg, âgé de trois ans, est référé pour une dermatose prurigineuse localisée sur un membre. Le prurit, sévère et ancien (plusieurs mois), impose le port d'une collerette. Le chien est correctement vacciné et vermifugé. Il est nourri avec une alimentation industrielle sèche de bonne qualité. Il est régulièrement et correctement traité contre les puces. Les propriétaires rapportent un prurit modéré dans d'autres localisations, mais ils décrivent surtout un léchage permanent de la face dorsale du carpe. Divers traitements ont été mis en œuvre antérieurement (spray désinfectant, diverses pommades ou crèmes à base de corticoïdes et d'antibiotiques, corticothérapie orale) sans résultat. Plus récemment, de la sélégiline, puis de la clomipramine, ont été administrées pendant plusieurs semaines, mais les maîtres n'ont constaté aucune amélioration notable. Le chien semble juste plus abattu.

La principale hypothèse diagnostique est une calcinose cutanée localisée

L'examen clinique montre que l'état général de l'animal est bon. Il présente un prurit démentiel localisé sur le carpe, dès le retrait de sa collerette. L'examen dermatologique révèle quelques lésions érythémateuses disséminées, mais surtout des lésions sévères sur le membre antérieur droit. Il s'agit d'alopécie, d'excoriations et de plaques érythémateuses, recouvertes, ça et là, de croûtes noirâtres (voir photo). La principale hypothèse diagnostique au vu de l'aspect macroscopique des lésions est celle d'une calcinose cutanée localisée. Un examen cytologique par cytoponction met en évidence une population cellulaire hétérogène (polynucléaires neutrophiles et éosinophiles, macrophages), associée à la présence d'amas de matériel très basophile. L'examen histopathologique d'une biopsie cutanée confirme l'hypothèse de calcinose circonscrite chez cet animal. Par sécurité, une mesure du rapport cortisol urinaire/créatinine urinaire (RCCU) est réalisée, et se révèle négative. Du diméthylsulfoxyde (DMSO Rollon®, laboratoire Valoma) est appliqué sur la lésion une fois par jour. Un antihistaminique (Histacalmine®) est associé par voie orale pendant un mois. Aucun autre traitement n'est instauré. Un mois après, une nette amélioration de la lésion et du prurit est rapportée.

Lors d'insuffisance rénale, les dépôts calciques se font préférentiellement dans les coussinets

La calcinose cutanée correspond au dépôt anormal de sels de calcium dans la peau. Quatre types sont rapportés : calcinoses dystrophiques (liées à une anomalie générale, le plus souvent un syndrome de Cushing), métastatiques (liées à un trouble du métabolisme phosphocalcique, généralement secondaire à une insuffisance rénale), idiopathiques (circonscrites ou généralisées) et iatrogènes (hypercalcémie locale).

Les symptômes regroupent essentiellement des papules et des plaques érythémateuses qui peuvent prendre une couleur blanchâtre ou jaunâtre évocatrice. Parfois, la calcinose peut se manifester par des nodules. Secondairement, les lésions peuvent devenir alopéciques et une hyperpigmentation périphérique est parfois observée. Les lésions les plus anciennes deviennent généralement croûteuses lorsque les dépôts de calcium sont éliminés par voie transcutanée. Le prurit est souvent marqué. En cas d'insuffisance rénale, les dépôts calciques se font préférentiellement dans les coussinets, qui apparaissent épaissis et craquelés.

Le diagnostic clinique est généralement évident. En cas de doute, une ponction et/ou la section d'une lésion permettent la mise en évidence du matériel calcique, de consistance sableuse ou crayeuse typique. L'examen histopathologique confirme la suspicion clinique en révélant les dépôts calciques.

Des examens complémentaires sont indispensables lors de calcinose

Il est important de déterminer la cause de la calcinose. Dans ce cadre, des examens hémato-biochimiques sont généralement indiqués (dosage de la calcémie et de la phosphorémie, test de stimulation à l'ACTH). Pour ce cas, la réalisation de ces dosages a été refusée par le propriétaire. Il ne peut être exclu que le dépôt de sels calciques ait été consécutif à un syndrome de Cushing iatrogène. Il est également possible que cette lésion corresponde à une forme atypique de calcinose circonscrite. L'origine de cette dermatose rare, qui touche préférentiellement les chiens jeunes de races de grande taille, est inconnue. Mais le rôle joué par les frottements pourrait être important. La calcinose circonscrite stricto sensu est à différencier des calcinoses localisées dystrophiques consécutives à une inflammation cutanée chronique.

Le diméthylsulfoxyde ou sulfinylbisméthane (DMSO) est le traitement de choix des lésions de calcinose cutanée. Il est toutefois désormais difficile de s'en procurer en France. Il s'agit d'un solvant aprotique polaire qui sert de substitution à certains solvants.

Ce cas clinique illustre la complexité de la dermatologie et l'importance de réaliser un examen sémiologique précis. Les dermatites de léchage nécessitent un examen dermatologique (et comportemental !) complet, en gardant à l'esprit que la plupart des prurits localisés sur les extrémités des membres sont d'origine allergique. Toutefois, comme pour ce croisé leonberg, d'autres hypothèses plus rares méritent également d'être envisagées.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1 – D.W. Scott, W.H. Miller et C.E. Griffin : Muller and Kirk's small animal dermatology, 6e édition, W.B. Saunders, Philadelphia, 2001.
  • 2 – E. Bensignor et P.A. Germain : Dermatologie du chien et du chat, éditions Med Com, Paris, 2006.
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