« Une réflexion sans tabous pour dégager une stratégie ambitieuse » - La Semaine Vétérinaire n° 1338 du 05/12/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1338 du 05/12/2008

Patrick Dehaumont, directeur de l’Agence nationale du médicament vétérinaire

À la une

Auteur(s) : Eric Vandaële

Patrick Dehaumont est à l’initiative de la réunion sur les perspectives d’amélioration de la réglementation.

La Semaine Vétérinaire : Lors de cette réunion, les agences nationales chargées de l’évaluation scientifique sont apparues bien préoccupées. En quoi la réglementation est-elle aujourd’hui un frein à une évaluation correcte des médicaments ?

Patrick Dehaumont : Les débats reposent sur un principe reconnu de tous : la réglementation sur le médicament vétérinaire a pour objectif premier la protection de la santé humaine, de la santé animale, du bien-être animal et de l’environnement. Et, lorsque nous analysons l’arsenal thérapeutique disponible, cet objectif a bien été atteint au cours des deux dernières décennies.

Toutefois, deux constats unanimes émergent. D’une part, le dispositif réglementaire s’est complexifié, en copiant parfois trop ce qui se fait en matière de médicament à usage humain. D’autre part, les coûts de l’innovation ou du maintien sur le marché sont devenus prohibitifs, en particulier pour certaines espèces ou niches thérapeutiques, tellement nombreuses dans le secteur vétérinaire.

L’objet de cette réunion était donc de dessiner des pistes d’amélioration de la réglementation. Nous avons ainsi suscité une réflexion provocatrice et sans tabous afin de dégager des orientations stratégiques et ambitieuses pour le futur. Les orateurs (agences chargées de l’évaluation scientifique, scientifiques, représentants des industriels et des vétérinaires) ont été sollicités afin de présenter leur position sans concession et sans langue de bois !

Il ne s’agissait pas d’entrer dans des débats techniques détaillés, mais plutôt d’identifier les bases de la vision du secteur pour la prochaine décennie, qui serviront de fondement pour les évolutions techniques et scientifiques. A titre d’exemple, le concept “1-1-1” (un dossier, une évaluation, une autorisation) a été plébiscité, charge ensuite aux différentes parties de réfléchir à sa déclinaison pratique.

Toutefois, il ne s’agit pas de déréguler, mais de mieux réguler. L’objectif est désormais, par une approche beaucoup plus ambitieuse, de dégager un consensus pour achever le marché unique du médicament vétérinaire dans l’esprit de l’Acte unique européen et du concept better regulation du traité de Lisbonne (2000).

S. V. : Les changements profonds de la réglementation, évoqués lors de cette réunion, pourront-ils avoir un impact sur la disponibilité de l’arsenal thérapeutique des vétérinaires ? Le praticien peut-il être gagnant ?

P. D. : L’objectif est de faciliter l’accès à des médicaments de qualité, sûrs et efficaces partout en Europe, grâce à une mutualisation de tout ce qui existe au sein des différents Etats membres. La France, avec ses deux mille huit cents autorisations de mise sur le marché (AMM) – ce qui représente le quart du marché européen – dispose de l’arsenal thérapeutique le plus riche. Elle bénéficiera de cette mutualisation de façon probablement moins marquée, dans un premier temps, que les petits pays qui ne disposent que de quelques centaines de produits. Pour autant, la diminution des coûts qui pourrait être obtenue par une meilleure harmonisation et une optimisation de l’utilisation des ressources des agences devrait favoriser la recherche et le développement de produits nouveaux.

La réglementation européenne actuelle, issue de la refonte de 2004, a déjà eu une influence positive sur de nombreux points directement visibles par le praticien, comme la liste des soixante et onze substances essentielles pour les équidés, l’élargissement de la cascade à l’importation de médicaments vétérinaires autorisés dans un autre Etat – certes, les demandes d’importation sont peu nombreuses et toutes ne sont pas acceptées –, une meilleure prise en compte des espèces et des indications mineures, etc.

S. V. : Une déconnexion totale de la pharmacie humaine et vétérinaire est réclamée. En quoi cette connexion est-elle aujourd’hui un frein ? N’y a-t-il pas alors un risque plus grand que le médicament vétérinaire devienne un produit zoosanitaire non pharmaceutique sans prescription préalable d’un vétérinaire ?

P. D. : Il n’est pas question que le médicament vétérinaire devienne un intrant banal. Il s’agit d’un outil de santé essentiel. Il doit le rester ! En revanche, la difficulté réside dans le lien quasi systématique avec le médicament humain. Les analyses bénéfice-risque, mais aussi coût-bénéfice, présentent des spécificités. Sur certains points, cette connexion ne pose pas de problèmes, bien au contraire, cela permet d’avoir des interprétations communes. Les débats ont souligné que les deux secteurs devaient réfléchir séparément, puis harmoniser ce qui peut l’être.

S. V. : Quelles sont, selon vous, les deux ou trois mesures d’urgence qu’il faudrait prendre pour le médicament vétérinaire au niveau européen avant que le système ne s’écroule ?

P. D. : Le système doit certes être amélioré, mais il n’est pas en train de s’écrouler ! Car, bien que complexe, il est très robuste.

Je fais en revanche un constat. La charge de travail des autorités compétentes européennes est en croissance exponentielle et de nombreuses redondances existent entre les Etats : nombre de procédures en hausse, extension des missions, le tout associé à une réduction des délais. Or les moyens ne peuvent pas évoluer en conséquence, sauf à augmenter fortement les taxes perçues auprès des industriels lors du dépôt des dossiers. Cela ne pourrait alors conduire qu’à la disparition des produits considérés comme insuffisamment rentables et risquerait d’impacter négativement la disponibilité.

Pour améliorer l’efficacité et la transparence du dispositif, les autorités sont donc contraintes d’évoluer, afin d’élever encore et toujours leur niveau de compétences bien entendu, mais surtout de mieux partager leurs ressources et leur travail.

Tout cela repose sur la confiance entre autorités nationales. Personne ne peut comprendre que certains dossiers soient évalués par les vingt-sept collèges d’experts nationaux, puis par le comité scientifique européen. Le gaspillage de ressources est évident dans ce cas. Le plus urgent est donc de faire naître cette confiance et ce partage de ressources en initiant des échanges d’experts, une évaluation transparente et un contrôle des agences selon des référentiels communs… L’analyse de risques doit aussi être à la base des priorités d’évaluation des agences.

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