Les solutions de préservation sont inégalement exploitées selon les régions du globe - La Semaine Vétérinaire n° 1337 du 28/11/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1337 du 28/11/2008

Ressources zoogénétiques

À la une

Auteur(s) : Nathalie Devos

Conservation in vivo, in vitro, clonage ou création de nouvelles lignées constituent des options.

Outre l’importance de conserver une vaste panoplie génétique d’animaux adaptés à des climats chauds dans le contexte du réchauffement climatique, la résistance ou la tolérance de certaines races d’élevage à diverses maladies est également particulièrement intéressante. Des études montrent d’ores et déjà que certaines sont moins sensibles que d’autres, comme le bétail trypanotolérant (race bovine n’dama) d’Afrique occidentale et centrale, ou encore le mouton red maasai d’Afrique orientale, qui se révèle résistant à l’infection par des vers gastro-intestinaux, soulignent les auteurs du rapport de la FAO sur l’évaluation globale de l’état des ressources zoogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture.

Mais la recherche génétique sur la résistance ou la tolérance aux maladies des animaux d’élevage est limitée en termes d’affections, d’espèces et de races étudiées, regrettent les rapporteurs. « Si des races disparaissent avant l’identification de leurs qualités en matière de résistance, les ressources génétiques qui pourraient grandement contribuer à améliorer la santé animale et la productivité ne seront évidemment plus disponibles. »

Les menaces qui pèsent sur les ressources génétiques justifient donc la mise en œuvre de mesures de conservation.

Les programmes de conservation sont encore globalement trop peu nombreux

Plusieurs approches existent, dont des méthodes in vivo (conservation des espèces dans des zoos, des parcs animaliers, des régions protégées et mesures de soutien aux éleveurs qui les maintiennent dans leur environnement de production normal), mais aussi des méthodes de conservation in vitro du matériel génétique (semences, embryons, oocytes ou ADN) dans l’azote liquide.

Mais, selon la FAO, plusieurs pays (48 % des 169 Etats qui ont participé à son enquête) ne rapportent aucun programme de conservation in vivo. Une proportion encore plus grande (63 %) déclare n’avoir aucun programme in vitro (voir graphique en page 30). La situation est variable selon les régions. Les mesures de conservation sont beaucoup plus fréquentes en Europe et dans le Caucase et en Amérique du Nord qu’ailleurs.

Il existe, bien entendu, d’autres initiatives de conservation de races menées par divers organismes (voir encadré en page 30). Ainsi, dans le cadre du projet Biodiva(1) (2004-2007) et en partenariat avec des institutions de recherche vietnamiennes, le ministère des Affaires étrangères français et le Fonds français pour l’environnement mondial, le Cirad et l’Inra(2) ont mené plusieurs actions afin d’inventorier, de caractériser et de sauvegarder des ressources génétiques animales menacées au Vietnam, pays reconnu d’intérêt mondial pour la richesse de sa biodiversité. En effet, pour des raisons géographiques et historiques, l’isolement des zones de montagne de ce pays pendant plusieurs décennies a permis de préserver des espèces animales, réservoirs de gènes d’intérêt économique ou patrimonial. Le projet s’est dans un premier temps intéressé à des espèces sauvages. Ainsi, une double approche conservatoire a été mise en œuvre pour les populations résiduelles de grands bovidés sauvages. En laboratoire, le clonage somatique (avec des cellules non reproductrices) pour la conservation de deux espèces en voie d’extinction, le saola (Pseudoryx nghetinhensis) et le gaur (Bos gaurus), a été mis en œuvre. D’un autre côté, des essais, menés par l’Inra, ont montré que les embryons produits par clonage reproductif in vivo du saola se développent normalement jusqu’à vingt jours après leur implantation dans un utérus bovin. Un autre axe de travail de Biodiva a concerné le développement de la filière d’élevage du cerf sika. Ce dernier revêt une importance à la fois économique et traditionnelle majeure en raison de l’exploitation du velours de ses bois pour la pharmacopée traditionnelle asiatique. L’espèce n’existe plus aujourd’hui qu’en captivité et les risques de dérives génétiques dues à la consanguinité et aux croisements interspécifiques sont élevés.

Des races préservées dans des unités expérimentales et d’autres créées

En France, l’Inra se mobilise depuis les années 70 pour enrayer l’appauvrissement génétique du cheptel français. La société d’ethnozootechnie est créée en 1971 et, cinq ans plus tard, l’Inra lance le premier programme de sauvegarde d’une race à effectif réduit, la bretonne pie-noir. Dans la région Centre, les chercheurs ont notamment contribué, par la suite, au sauvetage de la géline de Touraine, l’une des quelque cent cinquante races de poules menacées en France. Auprès de “collectionneurs”, ils ont retrouvé des animaux génétiquement proches de l’animal tel qu’il était dans les années 20 et ont reconstitué un cheptel souche qu’ils renouvellent chaque année depuis 1997. Son succès, comme en témoigne la demande croissante du marché, est jugé exemplaire par le Bureau des ressources génétiques (BRG, né en 1983). Il est d’autant plus remarquable que près de la moitié des lignées chez les oiseaux domestiques en France sont en voie d’extinction. D’où l’espoir placé dans la cryobanque aviaire, mise en place à Tours en 2004 sous l’égide de la Cryobanque nationale d’animaux domestiques et du Centre de ressources biologiques de Touraine. Pour concilier économie et environnement, l’Inra a parfois créé des races. A l’instar de la brebis Inra 401, qui cumule la prolificité de la brebis romanov (importée de Russie en 1963) et du mérinos australien (Booroola), ainsi que les aptitudes bouchères du berrichon du Cher (cette nouvelle race se montre particulièrement bien adaptée au plein air intégral), ou encore la souche de lapin, nommée orylag, dotée d’une fourrure douce et d’une chair réputée. Ces exemples sont, bien entendu, loin d’être exhaustifs.

L’Inra contribue à la caractérisation des ressources génétiques d’animaux d’élevage en sélectionnant et en maintenant dans ses unités expérimentales des lignées aux spécificités originales. Certaines d’entre elles sont mises à la disposition de la Cryobanque nationale dont l’Inra est partenaire.

  • (1) Ce programme a pour objectifs principaux la caractérisation génétique des populations animales d’intérêt économique et patrimonial et la réalisation de projets pilotes de conservation et de valorisation de la biodiversité de plusieurs espèces domestiques.

  • (2) L’Inra contribue à la conservation et à la caractérisation des ressources génétiques d’animaux d’élevage en sélectionnant et en maintenant dans ses unités expérimentales des lignées aux spécificités originales.

  • (3) Institut de recherche pour l’ingénierie de l’agriculture et de l’environnement, Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, Centre national de la recherche scientifique, Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, Institut national de la recherche agronomique, Institut de recherche pour le développement, Muséum national d’histoire naturelle et Bureau de recherches géologiques et minières.

Une nouvelle fondation

La Fondation scientifique pour la biodiversité, premier outil opérationnel du Grenelle de l’environnement, a été lancée le 26 février dernier par les ministres de l’Environnement et de la Recherche. Elle a pour objet de favoriser le développement, le soutien et l’animation des activités de recherche sur la biodiversité et leur valorisation. Ses fondateurs sont les huit organismes publics les plus impliqués dans la recherche sur la biodiversité : Cemagref, Cirad, CNRS, Ifremer, Inra, IRD, MNHN et BRGM(3). L’ambition des ministères et des organismes à l’origine de la fondation est de constituer une plate-forme d’échanges pour toutes les parties prenantes de la biodiversité en France (entreprises, associations et ONG notamment), et de valoriser la recherche dans les domaines biologique, socio-économique et juridique. Cette structure regroupera les activités actuellement réalisées par l’Institut français de la biodiversité et le Bureau des ressources génétiques, développant encore leurs synergies, et apportant aux Collections nationales de ressources génétiques la consolidation juridique indispensable à leur fonctionnement durable.

N. D.

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Des références bibliographiques et de sites Internet sont disponible sur WK-Vet.fr, rubrique “Semaine Vétérinaire” puis “Compléments d'articles”.

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