Le vétérinaire peut offrir un service complet en dentisterie équine - La Semaine Vétérinaire n° 1337 du 28/11/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1337 du 28/11/2008

Soins des dents chez le cheval

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Lorenza Richard

Selon notre confrère Pierre Chuit, « un bon pas-d’âne, une râpe électrique, quelques daviers, de quoi faire une bonne tranquillisation, et le praticien reprend petit à petit du terrain sur le limeur de dents ».

Nous avons laissé la place aux limeurs de dents, plaçant nos intérêts ailleurs, alors que le niveau de la dentisterie, il y a une soixantaine d’années, était absolument remarquable », rappelle Pierre Chuit. Aujourd’hui, l’offre de services des vétérinaires en dentisterie équine se doit d’être complète, pour regagner le terrain perdu auprès des propriétaires de chevaux.

Attention aux pas-d’âne bon marché

La prémédication lors d’une intervention sur la bouche du cheval est de rigueur et le vétérinaire doit l’imposer. Dans ce cadre, l’utilisation d’un antagoniste permet d’éviter un état somnolent après l’intervention et ses effets pervers, et de contrecarrer les arguments des propriétaires sur ce sujet.

Il convient de se méfier des pas-d’âne bon marché, car leur finition n’est pas suffisante. La crémaillère doit posséder au moins quatre crans pour réaliser une ouverture en douceur (voir photo 1). Il est préférable de prévoir plusieurs plaques dentaires, à choisir selon l’animal. Pour les chevaux de quatre ans, la plaque dentaire peut être évidée pour qu’elle n’appuie pas sur les coins de lait. Il est également possible d’utiliser un gros tuyau dur, de 6 à 8 cm de diamètre, pour travailler sur les incisives (voir photo 2).

A la chute des prémolaires de lait (entre l’âge de deux et quatre ans), des restes de racines de coiffes peuvent se ficher dans la gencive ou blesser la joue, entraînant des douleurs qui vont empêcher la mastication. La dent devra être extraite avec un davier approprié pour les coiffes, et les aspérités des dents voisines seront arrondies avec une râpe (voir photo 3).

Arrondir les prémolaires, inférieures et supérieures, pour éviter les lésions

Les surdents, provoquées par un défaut de mastication, se forment le plus souvent sur la face vestibulaire (externe) des prémolaires et des molaires supérieures, et la face linguale (interne) des inférieures. Le plus souvent, la dernière molaire inférieure, faute de dent antagoniste, s’use mal. Des usures anormales des incisives existent aussi lors de tics ou de défaut d’antagonisme. Dans ce cadre, plusieurs râpes peuvent être employées (Swiss Float, ou Power Float, plus fine et mieux appropriée pour les deuxièmes et troisièmes molaires supérieures, difficiles d’accès). Les meules axiales (Dremel, ou Leclair, mieux protégées) sont aussi utilisables, mais demandent davantage d’apprentissage pour les molaires, dont il ne faut niveler que les excroissances, en préservant la couronne. En outre, la scie Dremel, avec un disque à couper en fibre de verre ou en diamant, est pratique pour réaligner les incisives (voir photo 4).

La dent-de-loup, une petite dent vestige de la première molaire supérieure, apparaît de façon unilatérale ou bilatérale vers l’âge de cinq ou six mois selon certains auteurs, bien plus tard pour d’autres (voir photo 5). En général accolée à la deuxième prémolaire supérieure, elle peut aussi s’en écarter de quelques centimètres et est souvent implantée de travers. Parfois, elle ne perce pas et forme alors une protubérance sous la gencive. Il convient d’y penser lors de blessure à la commissure des lèvres, quand le mors est en place. Au lieu de prescrire une pommade, mieux vaut caresser avant la face antérieure de la deuxième prémolaire supérieure à la recherche de cette dent-de-loup. Dans ce cas, l’évulser est la bonne décision, afin qu’elle ne blesse plus la commissure des lèvres. Les mêmes symptômes sont observés lorsque la deuxième prémolaire supérieure présente une procidence sur sa face antérieure blessante, faute d’antagonisme avec la première prémolaire inférieure (80 % des cas, voir photo 6). Il faut alors arrondir cette dent pour ne plus sentir ni pointe ni aspérité, tout en veillant à ne pas diminuer la table masticatoire. Une procidence de la deuxième prémolaire inférieure peut également exister, mais beaucoup plus rarement. Pierre Chuit recommande d’arrondir systématiquement ces prémolaires, inférieures et supérieures, pour éviter tout problème. Encore plus rarement, une dent de cochon peut saillir, en avant ou accolée à la première prémolaire inférieure, et causer les mêmes lésions que la dent-de-loup.

Le traitement des affections dentaires est souvent chirurgical

Les affections par anomalie d’occlusion congénitales, comme le bec-de-perroquet (excès de longueur du maxillaire par rapport à la mandibule) et la mâchoire de bouledogue (inverse du bec-de-perroquet), empêchent l’usure correcte des incisives, qui doivent être râpées, sciées ou extraites. Il convient en outre de prendre en compte l’aspect héréditaire de ces problèmes (voir photo 7).

La carie, une affection dentaire qui aboutit à la destruction des tissus durs de la dent sous l’effet de micro-organismes, apparaît comme une tache noirâtre. Elle est souvent en partie cachée par du tartre sur les incisives et est encore plus difficile à distinguer sur les molaires (voir photo 8). Non traitée, elle engendre une pulpite (inflammation du tissu pulpaire) dont les symptômes sont une halitose et une haleine fétide. Elle peut elle-même dégénérer en fistule dentaire. Le ligament alvéolo-dentaire est rongé par l’inflammation et la mobilité de la dent, laquelle peut en outre être douloureuse, est combattue par une formation excessive de cément (comme chez les vieux chevaux) qui cache souvent une affection destructrice des racines. L’évolution peut être un écoulement purulent chronique au niveau du collet, témoin d’une ostéomyélite, alors que le cheval continue de bien manger ! La fistulisation s’extériorise par un sinus (le pus coule d’un naseau, c’est l’empyème sinusien), dans la bouche ou par la face inférieure de la mandibule. Les soins consistent en l’extraction de la dent cariée ou, de manière plus sophistiquée, dans le traitement endodontique de la pulpe.

Parmi les affections dentaires, il existe aussi les fractures (primaires, consécutives à un traumatisme, ou secondaires, à la suite d’une carie fistulisée), les luxations traumatiques des incisives (la dent est évulsée avec parfois une partie de la mandibule), le kyste dentifère (situé vers la base de l’oreille, il contient un ou plusieurs tissus dentaires et se fistulise vers l’âge de deux à trois ans) ou encore les tumeurs (voir tableau). Le traitement est l’évulsion des dents ou l’intervention chirurgicale dans tous les cas (voir photos 9 et 11).

Une gencive tuméfiée et rouge peut être le fait du tartre

Le tartre, fréquent chez le cheval, est souvent anodin, mais il peut provoquer une gingivite qui peut évoluer en parodontite avec destruction du ligament alvéolo-dentaire. C’est souvent au stade de la pyorrhée (accumulation de pus dans la poche parodontale) qu’elle est diagnostiquée, car le cheval manifeste de la douleur, lors de la mastication.

Quant au lampas, une transformation de la muqueuse du palais en corne juste derrière les incisives, il est sans conséquence pour l’animal (voir photo 10). Cette affection touche les jeunes sujets, en raison d’un problème vasculaire lors de l’éruption des dents définitives, ou les vieux chevaux qui ont développé des tics.

En général, il est conseillé de proposer un à deux contrôles bucco-dentaires par an, surtout pour les chevaux âgés que leurs propriétaires ont tendance à oublier.

  • Voir aussi le thème “dentisterie” du n° 160 de Pratique vétérinaire équine (à paraître au dernier trimestre 2008).

  • Source : Pierre Chuit.

CONFÉRENCIER

Pierre Chuit, praticien en clientèle équine itinérante en Suisse.

Article rédigé d’après la conférence « Dentisterie équine », présentée lors de la 23e journée technique du GTV Bourgogne à Pouilly-en-Auxois, le 16 octobre 2008.

Cadence des soins et des examens

- un premier contrôle dès les premiers jours de vie ;

- un examen vers l’âge de trois à quatre mois pour déceler les défauts d’occlusion ;

- un examen avant le débourrage (site de l’embouchure et confort de la bouche) ;

- un contrôle annuel au minimum pour une bonne surveillance de la bouche, voire deux fois par an pour certains chevaux.

L. R.

Croissance des dents

- jeune, la dent permanente n’est qu’une couronne de 7 à 8 cm, dont les racines sont à peine ébauchées ;

- les racines apparaissent plus tard, pour atteindre 2 à 3 cm ;

- la dent sort de son alvéole pour compenser l’usure de la couronne ;

- pour renforcer la dent branlante, une cémentation radicale s’organise.

L. R.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr