Les épaississements des coussinets ne sont pas toujours des maladies génétiques - La Semaine Vétérinaire n° 1334 du 07/11/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1334 du 07/11/2008

Dermatologie canine

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Emannuel Bensignor

Fonctions : diplomate de l'European College of Veterinary Dermatology (ECVD), consultant en dermatologie (Paris, Rennes-Cesson, Nantes).

Outre certaines génodermatoses, d’autres affections peuvent provoquer cette présentation clinique.

Un shar-pei mâle, âgé de trois ans, est présenté à la consultation de dermatologie pour des lésions podales douloureuses. Il est gêné lorsqu’il marche sur des surfaces dures ou caillouteuses. Aucun prurit n’est rapporté. Le chien est correctement vacciné et vermifugé. Il dispose d’une alimentation haut de gamme. Aucune anomalie dermatologique n’a été observée avant cet épisode. Le traitement antipuces est à jour. Les lésions ont débuté trois mois auparavant, initialement sur les membres antérieurs, mais les postérieurs ont rapidement été touchés. Le propriétaire décrit des fissures douloureuses et un gonflement des doigts. Les traitements mis en place avant que l’animal ne soit référé consistent en des parages aux ciseaux des lésions après des balnéations locales. Cela n’a permis aucune amélioration, et semble même invalidant pour le chien.

Une dermatite auto-immune superficielle est la principale hypothèse diagnostique

L’examen général ne révèle aucune anomalie. L’examen dermatologique montre des lésions exclusivement localisées aux extrémités podales. Il s’agit d’épaississements marqués des coussinets qui forment des cornes et des projections exubérantes saillantes par endroits (voir photo 1). Sur la face ventrale, de grandes squames-croûtes mélicériques sont aussi notées en périphérie des coussinets (voir photo 2). Le tissu interdigité apparaît érythémateux. La palpation des coussinets est douloureuse. La principale hypothèse diagnostique est une dermatite auto-immune superficielle de type pemphigus foliacé. Moins probablement, une leishmaniose, une dermatite à ankylostomes, une hyperkératose digitée génétique et un mycosis fongoïde sont suspectés.

L’analyse histologique révèle une pustulose acantholytique stérile

Des raclages ne montrent pas de parasite. Des examens cytologiques sont réalisés en prélevant les exsudats présents sous les squames-croûtes mélicériques. Ils révèlent des polynucléaires neutrophiles accolés à des cellules basophiles de grande taille, arrondies, ou “kératinocytes acantholytiques” (voir photo 3). Des biopsies confirment l’hypothèse d’une pustulose acantholytique stérile, compatible avec un pemphigus foliacé. L’analyse sérologique pour la leishmaniose se révèle négative. L’animal reçoit de la céfalexine (Rilexine® à la dose de 30 mg/kg/j) dans l’attente des résultats des biopsies, mais sans amélioration. Une corticothérapie orale (prednisolone, Mégasolone®, à raison de 20 mg matin et soir pendant un mois) est mise en place. Par voie locale, après un nettoyage délicat des lésions, une application quotidienne d’un spray contenant un dermocorticoïde de forte classe d’activité (Cortavance®) est conseillée. Un suivi téléphonique rapporte une disparition presque complète des lésions à l’issue d’un mois. Les doses de corticoïdes sont progressivement espacées. Après six mois, l’état du chien est contrôlé avec l’application du spray à base d’acéponate d’hydrocortisone trois fois par semaine, sans traitement par voie systémique associé.

Pour les lésions localisées, les dermocorticoïdes peuvent suffire

Le pemphigus foliacé est une dermatose rare chez les carnivores domestiques (0,5 à 1 % des consultations dermatologiques). Il s’agit toutefois de la plus fréquente des dermatoses auto-immunes chez le chien, après le lupus cutané facial. Classiquement, les signes cliniques sont évocateurs : pustules folliculaires et non folliculaires, de grande taille, multiloculaires, à socle érythémateux. Cependant, la présentation clinique peut être plus subtile. Des cas exclusivement localisés aux coussinets sont rarement décrits. Tous les cas rapportés étaient proches, avec des épaississements marqués des coussinets, des projections cornées, la présence de pustules (souvent “sèches” et mélicériques) en bordure des coussinets, à l’origine de boiteries. Le diagnostic est facilité par l’observation microscopique des exsudats cutanés, obtenus dans ou sous une pustule lorsqu’elles sont présentes et, dans le cas contraire, en pressant fortement le coussinet atteint jusqu’à faire sourdre une goutte de pus. L’analyse cytologique montre l’absence de germe, associée à la présence de polynucléaires neutrophiles non dégénérés et à des cellules acantholytiques, images évocatrices d’une pustulose stérile. L’examen histopathologique de biopsies cutanées reste indispensable pour corroborer le diagnostic. Le traitement fait appel aux corticoïdes. Pour ces lésions localisées, il est toutefois utile d’envisager le recours aux dermocorticoïdes, qui peuvent suffire à engendrer une rémission et ne s’accompagnent habituellement pas des effets secondaires usuels de la corticothérapie, surtout si le praticien sélectionne une molécule puissante, mais peu toxique, comme ici l’acéponate d’hydrocortisone.

Ce cas illustre que tout épaississement des coussinets du chien, même chez un adulte jeune, ne doit pas systématiquement conduire à un diagnostic d’hyperkératose génétique. La conjonction des données cliniques, cytologiques et histopathologiques est indispensable au diagnostic.

  • La bibliographie de cet article est disponible sur WK-Vet.fr, rubrique “Semaine Vétérinaire”, puis “Complément d'article”.

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