Les troubles locomoteurs d’origine nutritionnelle sont fréquents en élevage industriel - La Semaine Vétérinaire n° 1332 du 24/10/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1332 du 24/10/2008

Pathologie des volailles

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Karim Adjou

La disparition des effets d’une carence ou d’un excès en un élément de la ration est lente à se manifester. En outre, les lésions de l’appareil locomoteur sont parfois irréversibles et nécessitent la réforme des oiseaux.

Plusieurs facteurs interviennent dans la survenue de troubles locomoteurs chez les volailles dans les systèmes d’élevage intensif. D’une part, la densité des populations d’oiseaux qui les caractérise augmente la pollution microbienne dans l’environnement et empêche les volatiles de se déplacer correctement. Cela favorise donc l’inactivité et provoque des troubles structuraux du tissu osseux. D’autre part, les lignées de volailles sélectionnées à l’heure actuelle ont atteint des niveaux de performance particulièrement élevés. Pour exprimer au maximum leur potentiel génétique, les oiseaux doivent recevoir une alimentation la plus équilibrée possible. L’aliment formulé doit couvrir tous leurs besoins en nutriments au moindre coût. Ces éléments sont importants, car les maladies nutritionnelles des volailles peuvent avoir des conséquences significatives sur les performances techniques et économiques de l’élevage.

La disparition des effets d’une carence ou d’un excès en un constituant de la ration est lente à se manifester, la plupart du temps, et les lésions qui touchent l’appareil locomoteur sont parfois irréversibles et nécessitent la réforme des oiseaux.

Les oligo-éléments jouent un rôle crucial dans la croissance osseuse. Une carence alimentaire induit des anomalies du squelette chez le poulet, comme la chondrodystrophie lors de carence en zinc ou en manganèse ou l’ostéoporose lors de carence en cuivre (voir tableau).

Le zinc (Zn) agit, via ses effets sur le métabolisme des protéines et des acides nucléiques, comme un cofacteur des phosphatases alcalines ou des collagénases. Le cuivre (Cu) se comporte comme un cofacteur de la lysyl-oxydase, une enzyme qui contrôle la synthèse des fibres de collagène et de l’élastine. Quant au manganèse (Mn), il agit comme un cofacteur de la glycosyl-transferase, impliquée dans la formation des glyco-aminoglycanes, qui contiennent du sulfate de chondroïtine, ainsi que dans la synthèse des protéoglycanes du cartilage de conjugaison de l’épiphyse aviaire.

Huit troubles locomoteurs d’origine nutritionnelle ou métabolique touchent essentiellement le tissu osseux (voir schéma).

1 LA NÉCROSE DE LA TÊTE FÉMORALE (FEMORAL HEAD NECROSIS).

Elle est due à la dégénérescence de la tête et du col du fémur. La maladie affecte surtout les dindonneaux âgés de 4 à 17 semaines et les poulets. Elle est la conséquence d’une carence en molybdène (Mo) et en acides aminés soufrés. La prévalence de cette affection dans les élevages augmente quand le taux d’humidité est supérieur à 70 % et lors de forte densité de la population.

Les animaux présentent généralement un retard de croissance, des boiteries et des fractures. Une dégénérescence de la tête du fémur, avec une séparation au niveau de l’épiphyse, et une dislocation acétabulaire sont observées. L’irritation qui en découle pousse l’oiseau à se blesser et à se piquer lui-même pour soulager la douleur interne. Des croûtes et des éruptions rugueuses jaunâtres sur la hanche sont également notées.

En l’absence de traitement, l’équilibre alimentaire entre les taux protéiques et énergétiques de la ration est essentiel. L’apport en acides aminés et en molybdène a une influence significative sur l’incidence de la maladie.

2 LA DYSCHONDROPLASIE TIBIALE (TIBIAL DYSCHONDROPLASIA)

La dyschondroplasie tibiale se caractérise par une masse cartilagineuse anormale (non minéralisée et non vascularisée) dans la tête proximale du tibiotarse. Quand la quantité de cartilage est importante, l’épiphyse proximale du tibia se courbe et favorise la fracture de l’os.

L’origine est multifactorielle (génétique, toxique, nutritionnelle, etc.). Un déséquilibre entre le calcium (Ca) et le phosphore (P) dans la ration est un facteur prédisposant. Cette affection se rencontre surtout chez les volailles de chair à croissance rapide. Les poulets, le plus souvent âgés de 20 à 35 jours, présentent des difficultés locomotrices. Toutefois, la sévérité des signes cliniques est moins importante lorsque le taux de croissance est ralenti. Certaines études montrent que l’exposition des jeunes poulets à des mycotoxines par le biais d’aliments contaminés accroît la prévalence et la gravité de la maladie. Les poulets atteints de dyschondroplasie sont déclassés à l’abattoir. En l’absence de traitement, l’équilibre alimentaire (le rapport Ca/P) doit toujours être vérifié et corrigé.

3 LA CHONDRODYSTROPHIE (CHONDRODYSTROPHY)

La chondrodystrophie est peu répandue dans les élevages modernes. Il s’agit d’un trouble osseux qui atteint plus particulièrement le cartilage de conjugaison, dont l’épaisseur diminue. La croissance des os longs est donc réduite, mais la minéralisation reste normale. Cette affection est due à une multicarence en oligo-éléments et en vitamines (manganèse, acide folique, biotine, niacine, choline et zinc). Certains auteurs incriminent aussi les mycoplasmes comme les agents responsables de ce trouble.

La chondrodystrophie est difficile à diagnostiquer, car le taux de mortalité est faible. Les animaux présentent des défauts d’aplomb et des déformations du tibio-tarse et du tarso-métatarse (angulation, os courbés, rotation) unilatérales ou bilatérales (voir photo ci-dessous). Cela explique la présence fréquente de lésions inflammatoires. La croissance des volatiles est par conséquent ralentie.

Une nouvelle fois, en l’absence de traitement, il convient de vérifier et de corriger l’équilibre alimentaire. Il importe aussi de mettre en place des moyens d’évaluation de la biodisponibilité intestinale du zinc lors de l’utilisation de certains aliments.

4 LE SYNDROME DES PATTES TORDUES.

Ce syndrome ressemble à la chondrodystrophie, mais sans raccourcissement des os ni lésions visibles au niveau du cartilage de conjugaison. Les os sont courbés et spiralés, l’articulation du talon est déformée et le métatarse est dévié latéralement. Ce syndrome, d’origine multifactorielle (génétique, environnementale et nutritionnelle), survient fréquemment après un problème de dyschondroplasie. L’utilisation de certains composés dans l’aliment comme le sorgho, le lupin ou le tourteau de soja chez certaines lignées de volailles augmente la fréquence des déformations des pattes chez le poulet de chair et le dindonneau, surtout au moment du pic de croissance (3 à 4 et 7 à 8 semaines respectivement).

5 LES DOIGTS CROCHUS

Cette affection est facile à diagnostiquer, car les oiseaux présentent des doigts tordus et se déplacent difficilement (voir photo ci-contre). Dans les cas graves, d’autres symptômes, par exemple un retard de croissance, de la diarrhée, voire une chute de la ponte chez les poules pondeuses, peuvent aussi être notés. L’origine semble être une carence en riboflavine, mais certains auteurs évoquent des prédispositions génétiques. Les sols lisses paraissent favoriser le développement de ce type d’affection. Un traitement est possible chez un animal, mais reste difficile dans le cadre d’un élevage. La lutte contre les doigts crochus est fondée sur la vérification et la correction de la ration alimentaire en vitamine B2.

6 LE RACHITISME, L’OSTÉOMALACIE ET L’OSTÉOPOROSE

Le rachitisme touche les jeunes animaux, alors que l’ostéomalacie s’observe souvent chez les adultes. Les deux affections ont les mêmes causes. Ces anomalies sont essentiellement constatées dans les pays peu ensoleillés et sont souvent dues à une carence ou à un déséquilibre en phosphore et en vitamine D et/ou en calcium. Toute atteinte intestinale, hépatique ou rénale peut entraîner un rachitisme. Ce dernier s’observe chez les jeunes qui présentent une déformation du bréchet et une hypertrophie du cartilage (chapelet costal). Cela déprécie la carcasse. L’ostéomalacie se traduit cliniquement par un arrêt de la ponte et des fractures, en raison de la fragilité des os.

L’ostéoporose est rencontrée chez les jeunes dont les réserves en calcium sont faibles. Les symptômes se manifestent par une démarche chancelante et une hypertrophie des extrémités des os longs. Chez les adultes, cette atteinte est souvent due à un faible apport en calcium en période de ponte, qui peut aboutir à une chute de ponte et parfois à son arrêt. La coquille des œufs pondus est en général fragile, voire absente. Parfois, les animaux meurent à la suite d’une paralysie. La prévention passe par une ration équilibrée en calcium, phosphore et vitamine D3 et en ajoutant des antioxydants dans l’aliment (ce qui permet une meilleure conservation de la vitamine D3). Un traitement est possible. Il consiste à tripler la dose de vitamine D3 et de calcium pendant deux à trois semaines.

L’ostéoporose peut être observée chez la poule pondeuse à son pic de ponte et se traduit par une incapacité de locomotion, communément appelée « fatigue de la pondeuse en cage ».

7 LA DERMATITE PLANTAIRE (FOOT-PAD DERMATITIS)

Elle se caractérise par des inflammations au niveau de la face ventrale des coussinets plantaires du poulet de chair et du dindon. Ces lésions sont dues à la présence de substances irritantes ou corrosives dans la litière. Elles débutent par une atteinte nécrotique des cellules épithéliales, suivies d’une inflammation et d’une ulcération.

Divers facteurs nutritionnels favorisent une litière humide et croûteuse, qui présente un pouvoir irritant. L’utilisation d’un aliment riche en sel, en orge ou en protéines dans la ration des animaux accroît la consommation d’eau, ce qui augmente l’humidité de la litière. En outre, les graisses de mauvaise qualité sont mal digérées par les volatiles et sont en partie rejetées dans les fientes et déposées sur la litière. Une teneur en eau de 45 % ou moins est recommandée pour éviter les problèmes de dermatites plantaires.

8 LA GOUTTE

Elle provient d’un excès d’acide urique dans le sang : l’hyperuricémie. Elle se manifeste par des arthrites, des dépôts de cristaux d’urate dans des zones sous-cutanées et une atteinte rénale. Plusieurs facteurs peuvent expliquer l’hyperuricémie : un excès de production du métabolisme des protides, un défaut d’élimination urinaire ou l’association de ces deux causes. Les troubles rencontrés sont en général des boiteries, des relevés difficiles et des zones de tuméfaction au niveau des articulations (en général les doigts) qui finissent par se déformer. La lutte contre cette maladie repose sur la prévention des causes multiples.

POUR EN SAVOIR PLUS

• B.H. Thorp : « Diseases of musculosqueletal system », Poultry Diseases (6e édition), pp. 470-489, 2008, Ed. M. Pattison, P.F. McMullan, J.M. Bradbury, D.J. Alexander, Elsevier.

• A. Tremblay, G. Bernier : « Maladies d’origine nutritionnelle et métabolique », Manuel de pathologie aviaire, 1992, pp. 343-381, Ed. J. Brugère-Picoux et A. Silim.

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