Les médicaments seraient source de danger pour l’environnement - La Semaine Vétérinaire n° 1331 du 17/10/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1331 du 17/10/2008

Ecologie. Rapport alarmant de l’Académie de pharmacie

Actualité

Auteur(s) : Nicolas Fontenelle

Les résidus des produits humains et vétérinaires se retrouvent dans l’eau et polluent les sols.

Des poissons hermaphrodites ou féminisés, à la fertilité réduite par la présence d’œstrogènes dans l’eau ; des grenouilles difformes, baignant dans des mares chargées en rétinoïdes ; des vautours à col blanc en voie de disparition depuis qu’ils se nourrissent de carcasses d’animaux contenant des résidus de diclofénac, etc. Focalisé sur les dangers des émissions de gaz à effets de serre, sur l’utilisation de pesticides ou sur le traitement des déchets, l’homme méconnaît les conséquences de sa consommation de médicaments sur l’environnement. Pourtant, « certains d’entre eux sont présents à des concentrations parfois identiques à celles de certains polluants jugés plus classiques, assure l’Académie de pharmacie(1). Il est donc devenu capital de se préoccuper des rejets de résidus de médicaments dans la nature, d’en évaluer les impacts et les risques, d’autant qu’en raison de leur émission continue, ils sont à considérer comme des produits “pseudo-persistants”.

La planète est devenue une vraie pharmacie à ciel ouvert

Le phénomène n’est pas nouveau. La première mise en évidence de la présence de médicaments dans l’eau remonte à 1976. Mais, grâce aux progrès des méthodes d’analyse, il est désormais possible de détecter des quantités de plus en plus faibles de molécules. « La présence de traces de substances médicamenteuses et de leurs dérivés ou métabolites est largement établie à l’échelle mondiale, en particulier dans les eaux superficielles et souterraines, dans les eaux résiduaires, dans les boues des stations d’épuration utilisées en épandages agricoles et dans les sols », relève l’académie.

Des antibiotiques aux antiseptiques, des antidépresseurs aux anticancéreux en passant par les hormones ou les produits de contraste, la plupart des médicaments consommés, par l’homme ou par les animaux, laissent des traces. Si les urines et les fèces sont des sources de contamination importantes, les médicaments vétérinaires « représentent un risque encore plus direct, car ils sont éliminés directement sur les sols ou dans l’eau par les animaux d’élevage, estime l’académie, et peu d’attention est accordée aux conséquences sur les chaînes alimentaires et l’environnement ».

Le principal risque est lié à l’antibiorésistance

La présence de résidus de médicaments dans la nature a de quoi préoccuper les autorités françaises. Les Européens sont les premiers consommateurs de médicaments humains et vétérinaires. La France est notamment en tête pour les antibiotiques et les hormones à usage vétérinaire et en deuxième position pour les antiparasitaires.

Un rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), daté de 2006, fournit la répartition des ventes de quelques médicaments vétérinaires contenant des antibiotiques dans l’Hexagone. Sur les 1 262 t d’antibiotiques vendus, 50 % environ sont des tétracyclines, et à peu près 30 % des sulfamides, des Β-lactamines et des macrolides. Les porcs représentent quelque 51 % de l’utilisation de tous les antibiotiques, suivis par les bovins (18 %), les volailles (11 %), les lapins (10 %), les ovins et les caprins (3 %), les chiens (2,5 %), les chats (1,5 %), les chevaux (1,4 %). Les poissons ne représentent que 0,44 % du total. Pour l’Académie de pharmacie, cette utilisation massive d’antibiotiques fait courir un vrai risque de développement d’antibiorésistance. « La présence d’antibiotiques dans le tube digestif des animaux sélectionne une flore antibiorésistante qui peut être diffusée dans les sols, les eaux ou les sédiments pouvant modifier ainsi leur fonctionnalité, les équilibres écologiques et les risques infectieux pour les diverses espèces, écrit-elle. Cette transmission se fait aussi à l’homme par l’alimentation, réduisant ses possibilités de traitement. La vigilance doit être d’autant plus grande qu’il est démontré que les gènes de cette antibiorésistance peuvent passer du milieu aqueux au milieu terrestre et de ces milieux à l’homme. » L’académie recommande notamment de mieux contrôler les rejets, en établissant des stratégies de prévention dans les élevages et dans les établissements de soins, de surveiller les rejets des industries chimiques et pharmaceutiques et, surtout, de développer des programmes de recherche fondamentale sur les risques pour l’homme.

Boues d’épandages : le grand danger

L’Académie de pharmacie part du principe que le rendement moyen actuel d’élimination des médicaments est d’environ 60 %. Il reste donc 40 % de ces contaminants dans les effluents des stations d’épuration dont probablement, calcule-t-elle, 25 % seraient inchangés ou sous une forme plus ou moins métabolisée malgré les traitements. « A supposer que 50 % des boues fassent l’objet d’un épandage agricole, cela voudrait dire que 7,5 % de tous les médicaments rejetés dans les eaux se retrouveraient dans le milieu terrestre ! C’est une hypothèse grossière, mais il faudra bien faire une évaluation de ce type beaucoup plus précise, basée sur les analyses des boues, pour évaluer les risques pour les écosystèmes terrestres et pour l’homme et les animaux par l’intermédiaire des transferts dans les sols et les plantes comestibles. »

N. F.

L’eau du robinet aussi contaminée

Il est généralement admis que l’eau du robinet est exempte de tout polluant, en raison des traitements de potabilisation. C’est faux. Même si la plupart des analyses réalisées en Europe n’ont pas montré de traces de médicaments dans l’eau de boisson, une récente étude française (A. Togola et H. Budzinski, 2008) identifie la présence d’amitryptiline (1,4 ng/l), de carbamazépine (43,2 ng/l), de diclofénac (2,5 ng/l), d’ibuprofène (0,6 ng/l), de kétoprofène (3 ng/l), de naproxène (0,2 ng/l) ou encore de paracétamol (210,1 ng/l).

N. F.
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