La myopathie atypique touche principalement les chevaux au pré depuis au moins une semaine - La Semaine Vétérinaire n° 1330 du 10/10/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1330 du 10/10/2008

Affection saisonnière

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Gwenola Touzot-Jourde

Même si l’agent étiologique de la myopathie atypique reste inconnu, la connaissance du mécanisme physiopathologique de la maladie progresse.

La myopathie atypique, saisonnière, affecte des chevaux au champ dans plusieurs pays d’Europe depuis quelques années. De nombreuses données ont été recueillies pour tenter de caractériser les traits épidémiologiques, d’identifier les causes et de cerner les aspects cliniques de cette maladie souvent fatale. L’ensemble des connaissances ont été regroupées et résumées par une équipe de la faculté de Liège, particulièrement impliquée dans l’identification des facteurs de risque et dans la recherche de l’agent causal.

Les cas apparaissent majoritairement durant l’automne, chez de jeunes chevaux au pré

En 2007, l’équipe liégeoise a publié les résultats d’une large étude regroupant les cas cliniques vus dans les écoles vétérinaires de Liège et de Gand, et a identifié plusieurs caractéristiques et facteurs favorisants :

- la maladie touche les chevaux au pré depuis au moins une semaine, dans des champs où la moitié des animaux sont présents depuis plus de trois mois ;

- elle survient à l’automne essentiellement, ainsi qu’au printemps, par temps frais, peu ensoleillé, sans gelée, avec une pluviosité ou une humidité importante ;

- dans des champs surpâturés avec de larges zones piétinées, en terre ou recouvertes de matière organique (crottins, feuilles mortes), terrain en pente, semés d’arbres et/ou de buissons, zones humides qui comprennent ou sont à proximité d’un cours d’eau ;

- elle touche plus particulièrement les jeunes chevaux en bon état, mais pas les poulains à la mamelle et plus rarement les vieux chevaux ou ceux qui présentent de l’embonpoint (suspicions cliniques chez les ânes).

Deux pistes étiologiques sont avancées : toxines de champignon ou clostridies

Le tableau aigu de la maladie oriente rapidement les chercheurs vers la suspicion d’une intoxication. Plusieurs produits toxiques et toxines sont écartés : la nomensine, antibiotique utilisé comme additif alimentaire chez les bovins et les volailles ; des substances polluantes comme les nitrites, les nitrates ou les herbicides ; des phytotoxines connues pour provoquer des signes de rabdomyolyse, car les plantes incriminées sont identifiées de façon sporadique dans les prés qui accueillent des chevaux malades.

Une infection virale est aussi suspectée, sans être mise en évidence. La saisonnalité, associée à des conditions climatiques précises, dirige les soupçons vers une mycotoxine. Plusieurs moisissures sont retrouvées dans les pâtures incriminées. L’implication d’une toxine clostridiale est aussi évoquée, sans être démontrée.

Pour les deux hypothèses, les investigations sont à approfondir afin de confirmer les suspicions. Une déficience en vitamine E ou en sélénium n’est pas retenue, à la suite d’une réponse variable à une supplémentation chez les chevaux affectés. Ces antioxydants pourraient toutefois jouer un rôle protecteur dans le processus pathophysiologique de la maladie.

Une possible déficience enzymatique dans le métabolisme oxydatif des lipides

La dégénérescence musculaire observée lors de myopathie atypique affecte de façon plus sélective les fibres musculaires de type I, à contraction lente, principalement présentes dans les muscles posturaux et respiratoires. Une accumulation lipidique est mise en évidence dans ces fibres, sans qu’il y ait un stockage anormal en glycogène. Ces observations suggèrent la présence d’une altération du métabolisme oxydatif sans atteinte de la voie glycolytique. Cette trouvaille est étayée par la description récente d’une déficience enzymatique multiple des déshydrogénases acétyl-CoA chez les cas confirmés de myopathie atypique.

Les déshydrogénases agissent en plusieurs points critiques du métabolisme des acides gras. Elles catalysent les réactions d’oxydation-réduction avec une coenzyme dérivée de la riboflavine (vitamine B2), ce qui suggère que la maladie pourrait résulter d’une déficience ou d’un blocage de celle-ci. Cette déficience enzymatique entraîne un mauvais fonctionnement de la phosphorylation oxydative des lipides, voie énergétique la plus efficace des mitochondries, provoquant une rabdomyolyse aiguë des muscles riches en fibres de type I. L’identification de l’anomalie métabolique constituerait un grand pas en contribuant à l’amélioration du traitement médical et en guidant la recherche vers des toxines qui produisent cette anomalie métabolique.

Des cas subcliniques chez les chevaux qui pâturent avec les sujets malades

Les signes cliniques sont aigus et aboutissent rapidement à la mort du cheval (voir tableau). Les cas subcliniques s’identifient en général par une augmentation des créatinines kinases et peuvent évoluer vers une présentation aiguë ou non. Des facteurs aggravants, qui constituent en général un stress pour l’animal, sont identifiés : le froid, l’exercice, le transport, l’anesthésie. Le diagnostic repose sur l’anamnèse, les signes cliniques et paracliniques. Le diagnostic différentiel inclut les autres myopathies, l’endotoxémie, les coliques, des maladies neurologiques (tétanos, botulisme, paralysie à tique, rage, méningites, maladie de l’herbe, maladies de la moelle épinière), des intoxications (gonophores, strychnine, carbamates, organophosphorés, etc.). Le diagnostic de certitude, le plus souvent post-mortem, s’obtient lors de l’examen histologique des muscles de posture ou des muscles intercostaux. L’anomalie microscopique pathogmonique observée correspond à une accumulation intracellulaire de lipides dans les fibres de type I qui subissent une nécrose et une dégénérescence de Zenker.

Le traitement repose sur une fluidothérapie adaptée et la gestion du cheval en décubitus

Le traitement est essentiellement symptomatique. Il repose sur une fluidothérapie intraveineuse pour éviter la survenue d’une nécrose tubulaire aiguë en raison de la myoglobinurie, une supplémentation en calcium (borogluconate de calcium à 20 %, à la dose de 100 à 300 ml ou équivalent) et en dextrose (dextrose à 5 % administré par voie intraveineuse à raison de 2 ml/kg/h ou glucose per os à la dose de 0,5 g/ kg) pour corriger l’hypocalcémie et soutenir le métabolisme glucidique. De l’insuline (15 à 30 UI par voie sous-cutanée) et de l’héparine (40 à 250 UI/kg par voie sous-cutanée deux fois par jour) peuvent être ajoutées pour tenter de mieux contrôler l’hyperglycémie et l’hyperlipidémie. Un apport en chrome (5 mg per os une fois par jour) est censé augmenter la sensibilité à l’insuline.

En raison des hypothèses étiologiques, un traitement contre les clostridies (métronidazole à la dose de 15 mg/kg toutes les huit heures per os, antisérum botulique C et D éventuellement) et une supplémentation en vitamine B2 sont envisageables. Un apport d’antioxydants n’est pas à négliger (vitamine E et C, sélénium). Le dantrolène, proposé pour limiter la rabdomyolyse rencontrée dans d’autres myopathies, est aussi utilisé.

Une fois le cheval couché, il faut le changer de côté régulièrement, le maintenir en décubitus sternal et vidanger sa vessie s’il ne le fait pas lui-même. En cas de douleur, il convient de la traiter, mais les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont à administrer avec précaution en raison de leur potentiel néphrotoxique. Une supplémentation nasale en oxygène est recommandée chez les chevaux qui présentent des difficultés respiratoires.

Le pronostic est sombre. Lorsque la mort se produit, elle intervient la plupart du temps pendant les trois premiers jours. En Belgique, la mortalité a varié de 65 à 85 % des chevaux atteints selon les épidémies. Les facteurs pronostiques favorables comprennent une respiration normale avec le maintien d’une pression partielle artérielle en oxygène et l’absence d’un décubitus permanent. La valeur des créatinines kinases n’apparaît pas correctement corrélée à la gravité de l’affection. Les chevaux belges survivants ont présenté une convalescence sans surprise et une fonte musculaire minimale.

Des précautions doivent être prises lors de la déclaration de la maladie

Les précautions à prendre lors de la déclaration de la maladie chez un cheval consistent à retirer tous ses congénères du champ, à mesurer leurs créatinines kinases durant plusieurs jours et à observer quotidiennement l’apparition de signes cliniques.

Les facteurs favorisants identifiés lors de l’investigation épidémiologique belge conduisent à conseiller plusieurs mesures préventives :

- vermifuger et vacciner régulièrement ;

- apporter une supplémentation en concentrés et en sel lorsque les prairies sont pauvres ou en cas de surpâturage ;

- éviter l’étalement des crottins dû au passage du champ à la herse ;

- mettre les chevaux dans des champs riches en herbe pendant les saisons à risque (automne et printemps) ;

- utiliser l’été seulement les pâtures humides et arborées (beaucoup de feuilles mortes) dans lesquelles des cas de myopathie atypique se sont déclarés ;

- abreuver les chevaux avec de l’eau de ville plutôt que de l’eau de pluie ou tirée d’un puits.

Des informations destinées aux vétérinaires et aux propriétaires sont disponibles sur le site(1) du Groupe d’alerte de la myopathie atypique (Gama), qui recueille les informations sur les cas dans le cadre des investigations épidémiologiques.

BIBLIOGRAPHIE

  • • G. Van Galen, D. Sertyn, H. Amory, D.M. Votion : « Atypical myopathy : new insights into the pathophysiology, prevention and management of the condition », Equine Vet. Educ., 2008, vol. 20, n° 5, pp. 234-238.
  • • D.M. Votion, A. Linden, C. Saegerman et coll. : « History and clinical features of atypical myopathy in horses in Belgium (2000-2005) », J. Vet. Intern. Med., 2007, vol. 21, pp. 1380-1391.
  • • D.M. Votion, H. Amory, V. Demoulin et coll. : « Myopathie atypique (myoglobinurie atypique) », IVIS Reviews in Veterinary Medicine, 2004 (www.IVIS.org, document R0101.1104).
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr