La cohabitation entre éleveurs et prédateurs est difficile aux quatre coins du monde - La Semaine Vétérinaire n° 1330 du 10/10/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1330 du 10/10/2008

Véronique Luddeni, au centre Etosha, en Namibie

Éclairage

UNE JOURNÉE AVEC…

Auteur(s) : Valentine Chamard

Notre consœur s’est rendue dans un centre de sauvegarde des lions, dont les problématiques ne sont pas sans rappeler celles du loup en France.

Moutons ou loups ? Préserver la faune sauvage ou protéger l’élevage ? A cette épineuse problématique, Véronique Luddeni répond : « Les deux ! » Praticienne mixte dans le Mercantour, mais aussi vétérinaire du Centre Alpha de préservation des loups, notre consœur se bat pour démontrer qu’une coexistence en bonne intelligence de deux mondes que tout oppose est possible.

Vaches ou lions ? « Les deux ! », répondent les fondateurs du Kavita lion lodge, centre unique de préservation des lions, à la lisière de la réserve d’Etosha, en Namibie… Partout dans le monde, les défenseurs de la faune sauvage prédatrice et les populations locales qui vivent de l’élevage s’opposent. Et partout dans le monde, des centres de sauvegarde et de médiation sont mis en place. Moutons, loups, centre Alpha. Vaches, zébus, lions, Kavita lion lodge : même combat ! Forte de ce constat, notre consœur globe trotteuse a initié un partenariat entre les deux structures dans le but de mutualiser les expériences de chacun pour en tirer le meilleur. « Car au-delà des distances qui nous séparent, la problématique reste identique. D’autres expériences, dans d’autres mondes, sur d’autres continents, apportent différents regards, différentes solutions. Certaines sont remarquables d’efficacité et ne peuvent qu’offrir une perspective neuve sur la gestion de cet équilibre si fragile qui doit pourtant s’établir pour le bien de tous : prédateurs, troupeaux, éleveurs et touristes. L’enjeu est partout le même : faire coexister deux mondes », explique Véronique Luddeni.

Un massacre de la faune sauvage à première vue inextricable

Retour en arrière. Véronique Luddeni est aujourd’hui accueillie au Kavita lion lodge par ses fondateurs, Tammy et Uwe Hoth. Issus d’une famille d’éleveurs depuis des générations, ils lui expliquent avoir pris conscience des problèmes générés par le parc d’Etosha pour ses voisins, dont les cheptels subissaient d’importantes attaques des grands prédateurs qui parvenaient à franchir les clôtures… Un groupement d’éleveurs a été créé pour stopper ces pertes, par tous les moyens, souvent radicaux. Des dizaines de grands félins ont été abattus chaque année, tant et si bien que, même au sein du parc d’Etosha, il ne restait plus qu’une centaine d’individus. Des safaris meurtriers pour de riches touristes ont même été organisés et, grâce à des filières parallèles, les trophées de chasse d’espèces totalement protégées ont été exportés, moyennant une substantielle rémunération… Le résultat de cette chasse aux sorcières a non seulement été une décimation des grands félins, mais également une dégradation des clôtures d’enceinte du parc, entraînant une migration de plus en plus importante des prédateurs vers les zones de pâturage des troupeaux… donc une diminution de ces derniers… donc la colère grandissante des éleveurs… donc une augmentation de la chasse… Un cercle vicieux, une inextricable situation de massacre de la faune sauvage et endémique qui n’a pas été sans rappeler à notre consœur celle du loup dans les Alpes du Sud.

Un centre unique de préservation des lions en Namibie

Face à ce jeu de massacre, Tammy et Uwe Hoth ont réagi. Ils ont arrêté l’élevage pour transformer leur ferme en un lieu de tourisme dédié à la préservation des espèces. Mais la sauvegarde des lions ne peut être assurée par la seule éducation des touristes. Ainsi, la création déjà effective d’une école permettra de sensibiliser les générations futures, en particulier les enfants d’éleveurs, à l’intérêt de protéger cette faune tant honnie. Tammy et Uwe Hoth préservent les félins, mais aident aussi les éleveurs à mieux se prémunir des agressions via des mesures simples.

La responsabilité de l’entretien des clôtures est un point crucial

Etosha est une réserve naturelle, grande comme la moitié de la Suisse, dont le périmètre est intégralement clôturé pour éviter les exfiltrations et les infiltrations d’animaux sauvages depuis et vers les gigantesques propriétés qui le bordent. Les propriétaires considèrent que l’entretien de ces barrières dépend uniquement de l’Etat. Or, si elles ferment un parc effectivement national, leur périmètre extérieur n’est accessible que par des voies privées. Un entretien quotidien des clôtures par chaque propriétaire pourrait certainement éliminer presque toutes les “fuites” de prédateurs en dehors du parc… mais pas complètement, car certains animaux passent sous les clôtures. Un câble électrique enterré, financé par l’ensemble des riverains, résoudrait ce second problème. « Tout l’intérêt de telles mesures consiste en la responsabilisation de chacun pour le bien de tous. Il en découlerait un meilleur bien-être des cheptels combiné à une reconnaissance publique des efforts consentis », estime notre consœur.

Elevage et faune sauvage : aider l’un pour protéger l’autre

Pour réussir à faire coexister deux mondes si éloignés que sont l’élevage et la sauvegarde de la faune sauvage, il faut ainsi aider les uns pour protéger les autres. Cette situation n’est pas l’apanage de l’Afrique. De nombreux éleveurs, y compris en France (en Vésubie et au-delà sur tout l’arc alpin et les Pyrénées) vivent mal la perte de leur bétail par l’attaque de prédateurs, en l’occurrence du “loup”.

Récemment, le maire de Saint-Martin Vésubie, dans les Alpes-Maritimes, a initié un projet novateur à visée pédagogique qui concerne la réintroduction des loups dans leur biotope naturel alpin. Ce centre Alpha est le trait d’union entre bergers et loups : il présente la problématique d’une coexistence difficile et propose quelques réponses simples, en tenant compte des points de vue de chacun(1). Les solutions préconisées sont un chien “patou” pour cent à deux cents moutons, la présence d’un assistant berger sur le site de pâture, la “programmation” de l’agnelage l’hiver (lorsque les troupeaux sont en bergerie). Des aides d’Etat sont d’ores et déjà mises en place pour faciliter l’embauche des bergers en estive. Les troupeaux seront ainsi mieux gardés et les attaques de chiens errants seront également minimisées. Un dédommagement en cas de perte due à une attaque de loups est en outre déjà en place, mais perverti par une petite minorité d’éleveurs qui ont trouvé là un moyen détourné d’obtenir de l’argent en simulant des attaques de loups.

D’autres expériences apportent un regard différent

Le but est de valoriser le retour des loups et d’en tirer partie socialement, plutôt que de pérenniser leur abattage. « Mon rôle est de m’investir dans cette mission d’éducation qui vise à une meilleure compréhension de l’interaction positive entre les mondes sauvages et domestiques. En tant que vétérinaire, je ne peux me prononcer ni pour l’un pour l’autre. Je respecte le travail difficile des bergers, mais ils ne veulent pas entendre parler du loup… Alors, que faire ? Parler pour éduquer, et aider. » Depuis quinze ans, grâce à l’action commune de nombreux acteurs, dont les vétérinaires, le message passe. « Pour vivre avec, il faut apprendre à connaître l’autre. Mais nous devons sortir des réflexions manichéennes stériles. Pour ou contre le loup, pour ou contre l’élevage. Et si tout simplement nous actions pour la vie et le respect de l’autre ? » Rendez-vous est d’ores et déjà pris au Cheetah Conservation Fund, d’Otjiwarongo, en Namibie, dont la réussite est exemplaire.

  • (1) Voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1296 du 4/1/2008.

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