Les cas de fibropapillomatose se multiplient chez les tortues vertes au Gabon - La Semaine Vétérinaire n° 1329 du 03/10/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1329 du 03/10/2008

Tortues marines

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Stéphanie Bourgeois

Ces tumeurs, généralement bénignes, sont handicapantes pour la nage, l’alimentation et la respiration.

La fibropapillomatose est actuellement le principal problème de santé chez les tortues marines, partout dans le monde. Depuis 1980, la maladie prend des allures épizootiques dans certaines populations de tortues vertes (Chelonia mydas), notamment en Floride. Cette affection se caractérise par de multiples masses cutanées, qui atteignent 30 cm de diamètre, localisées dans les régions inguinales et axillaires, sur la queue, le cou, la conjonctive oculaire et les organes internes. Les tumeurs sont dues à une prolifération de cellules épidermiques (papillome), dermiques (fibrome) ou les deux. Le plus souvent bénignes, elles peuvent se révéler handicapantes pour la nage, l’alimentation ou la respiration. Quand elles surviennent au niveau des organes internes et de l’œil, notamment, elles sont souvent associées à un mauvais état général (apathie, anémie, hypoprotéinémie, etc.).

Le golfe de Guinée, reconnu récemment comme l’un des premiers sites d’importance mondiale pour les tortues marines, reçoit une attention croissante de la part de la communauté scientifique. Des analyses histopathologiques ont confirmé la présence de la fibropapillomatose dans la région en 2001. La prévalence est estimée à 17 % parmi les tortues vertes de la baie de Corisco, au nord du Gabon. Des cas d’échouages sont intervenus sur les côtes gabonaises en octobre 2006 à Mayumba (au sud du pays), en mars 2007 sur la plage de Libreville, en janvier 2008 à la Pointe Denis (estuaire de Libreville).

Le traitement chirurgical est associé à un soutien nutritionnel et à une fluidothérapie

La régression des fibropapillomes est possible si la tortue est maintenue en bon état général. Le traitement consiste généralement en l’ablation chirurgicale des tumeurs, associée à une fluidothérapie et à un gavage.

La tortue verte échouée vivante à Libreville, en mars 2007, a été prise en charge par une équipe de vétérinaires. Elle présentait de multiples tumeurs nécrotiques et ulcérées sur la nageoire antérieure gauche (10,5 x 14 cm), l’œil gauche (6 x 9 cm) et la nageoire postérieure gauche (4 x 2 et 2 x 2 cm), ainsi qu’une anémie (hématocrite 9 %) et une hypoprotéinémie (protéines totales inférieures à 2 mg/dl) sévères. Elle a été placée dans une piscine gonflable en plastique, remplie d’eau de mer. Le traitement a consisté en l’administration d’antibiotiques par voie intramusculaire (enrofloxacine), la pose d’une perfusion intracœlomique (solution de Ringer lactate et glucose à 5 %), l’utilisation d’une pommade oculaire et un nourrissage forcé. L’ablation chirurgicale des deux principales tumeurs a été effectuée sous anesthésie locale (lidocaïne). Elle s’est arrêtée à la limite de la peau pour éviter les saignements.

Le mauvais pronostic fourni par les analyses sanguines et l’absence de mouvements de la tortue lors d’un test de relâcher en mer ont conduit à son euthanasie. L’autopsie a révélé de petites masses compatibles avec des lésions de fibropapillomatose dans les poumons, des organes très blancs dus à l’anémie sévère et des muscles partiellement autolysés.

Un hôpital dédié aux tortues marines existe depuis 1986 en Floride

La Floride possède un hôpital spécialisé dans la prise en charge des tortues marines depuis 1986. Financé par des donations et la vente de produits dérivés, il dispose d’une piscine d’eau salée de 450 m3 destinée à la convalescence et à la rééducation, ainsi que vingt-trois petits bassins pour les tortues qui nécessitent des soins quotidiens. La moitié des “pensionnaires” sont soignés pour une fibropapillomatose. Le protocole est bien rôdé et débute par la réalisation de radiographies et/ou d’une endoscopie pour rechercher des tumeurs internes, dont le mauvais pronostic conduit à l’euthanasie de l’animal. Dans le cas contraire, un bilan sanguin et une remise en état de la tortue précèdent l’ablation chirurgicale des tumeurs sous anesthésie générale, à l’aide d’un laser CO2. Le gavage est effectué à l’aide d’une sonde gastrique. Les tortues sont surveillées pendant un an avant d’être finalement relâchées.

Le relâcher de l’animal échoué en mars 2007, même à proximité d’une aire de nourrissage, était inenvisageable au bout de quatre jours de traitement. Actuellement, le Gabon n’abrite aucune organisation disposant des installations, du personnel et des moyens financiers nécessaires pour prendre en charge efficacement les tortues marines blessées ou malades.

L’agent responsable de la fibropapillomatose n’est pas identifié et les scientifiques s’accordent à parler d’une origine multifactorielle. Des herpèsvirus et des papillomavirus sont souvent associés aux tumeurs, ainsi que des facteurs physiologiques (état général, stress, immunosuppression) et environnementaux (polluants, température, biotoxines).

Les tortues marines sont des espèces indicatrices de la santé de l’écosystème marin. L’apparition de la fibropapillomatose chez les tortues vertes du golfe de Guinée est un signal d’alarme quant à la qualité des eaux. La prévalence est probablement appelée à augmenter, alors que l’environnement marin continue à souffrir de l’accroissement du trafic, de la surpêche, de la pollution et de l’exploitation pétrolière offshore.

BIBLIOGRAPHIE

  • • S. Deem : « Green turtle with fibropapillomatosis », rapport non publié.
  • • Site Internet du Turtle Hospital (Hidden Harbor Marine Environmental Project, Inc.) : www.turtlehospital.org
  • • A. Formia, S. Deem, A. Billes et coll. : « Fibropapillomatosis confirmed in chelonia mydas in the gulf of Guinea, West Africa », Marine Turtle Newsletter, 2007, n° 116, pp. 20-22.
  • • A.A. Aguirre, P. Lutz. : « Sea turtles as sentinels of marine ecosystem health : is fibropapillomatosis an indicator ? », EcoHealth, 2004, vol. 1, n° 3, pp. 275-283.
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