L’ostéosynthèse d’alignement est adaptée au chiot - La Semaine Vétérinaire n° 1329 du 03/10/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1329 du 03/10/2008

Cas clinique d’orthopédie

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Charles Juillet*, Bertrand Pucheu**

Fonctions :
*praticiens à la clinique Saint-Maur, à La Madeleine (Nord)
**praticiens à la clinique Saint-Maur, à La Madeleine (Nord)

Cette technique assure la restauration de l’alignement articulaire et de la longueur du membre en préservant les tissus mous et la vascularisation périphérique.

Un chiot de race yorkshire terrier, âgé de huit semaines, est présenté en consultation pour une boiterie de soutien du membre postérieur droit apparue brutalement à la suite d’une chute. Hormis un œdème douloureux en région tibiale, l’examen clinique se révèle normal. En raison de l’absence d’anomalie lors des examens préanesthésiques (électrocardiogramme, clichés thoraciques et bilan sanguin), des radiographies du tibia droit sont réalisées sous tranquillisation (médétomidine à 0,01 mg/kg et butorphanol à 0,2 mg/kg, par voie intraveineuse). Elles montrent une fracture mono-esquilleuse, oblique longue, du tiers distal de la diaphyse tibiale (voir photos 1 et 2). Le déplacement modéré des fragments osseux est à l’origine d’un défaut d’alignement des surfaces articulaires tibiales proximale et distale.

L’âge, l’aspect radiographique de la fracture et la taille du membre de l’animal poussent à opter pour un fixateur externe placé à foyer fermé. Ce traitement vise le réalignement des surfaces articulaires tibiales et le rétablissement de la longueur du segment osseux.

Le chiot reçoit une prémédication à base de morphine (0,1 mg/kg par voie intramusculaire) et de glycopyrrolate (0,01 mg/kg par voie intramusculaire). L’induction est réalisée par une injection intraveineuse lente de propofol (4 mg/kg, selon effet). De la céfalexine (15 mg/kg en intramusculaire) et un AINS (carprofène à la dose de 4 mg/kg par voie sous-cutanée) sont administrés. Après l’intubation endotrachéale, l’anesthésie est entretenue par un mélange gazeux d’oxygène et d’isoflurane. Le matériel de surveillance peropératoire comprend un électrocardiogramme continu, une sonde thermique œsophagienne et un oxymètre de pouls. Le chiot est placé sur un tapis chauffant et la glycémie est mesurée au cours de l’intervention chirurgicale et au réveil de l’animal.

La fracture tibiale est réduite avec un fixateur externe placé à foyer fermé

Le membre est tondu largement et préparé selon les règles de l’asepsie chirurgicale. Le chiot est placé en décubitus dorsal, le membre postérieur droit maintenu à la verticale en extension par un système de potence (voir photo 3). Après une palpation percutanée des malléoles, du foyer de fracture et de la crête tibiale, quatre broches de 1,2 mm (deux proximales et deux distales au foyer de fracture) sont introduites perpendiculairement au fût osseux dans le plan médio-latéral en évitant les cartilages de croissance. Deux barres de soutien de 2 mm, placées 5 cm médialement et latéralement au tibia, assurent la cohésion des broches via des coapteurs à flasques. L’animal reste anesthésié tandis que des clichés radiographiques de face et de profil du montage permettent le contrôle de la réduction de la fracture et le repositionnement des coapteurs si nécessaire (voir photos 4 et 5).

Les broches sont pontées avec du ciment, qui permet d’alléger le montage

Après l’obtention d’une réduction satisfaisante, le montage définitif, plus léger, est réalisé. Un ciment en polyméthylmetacrylate, placé de chaque côté entre le membre et les coapteurs, ponte les quatre broches (voir photo 6). Une fois le ciment solidifié, les coapteurs et les barres de soutien sont retirés et les broches sont coupées à la longueur adéquate. Le montage ainsi obtenu associe une réduction satisfaisante, une semi-rigidité et une légèreté propices à une récupération fonctionnelle rapide (voir photo 7). Dès son réveil, l’animal reçoit un repas léger. La reprise d’appui sur le membre est immédiate et le chiot est rendu à ses propriétaires le soir même.

Quinze jours après l’intervention, le chien ne présente aucune boiterie et le contrôle radiographique révèle la formation d’un cal de bonne qualité qui ponte le foyer de fracture (voir photos 8 et 9 en page 46). Pour éviter tout risque de fracture itérative, le montage n’est retiré qu’une semaine plus tard, soit trois semaines après sa mise en place (voir photos 10 et 11 en page 46).

Les particularités de l’os du jeune entraînent des contraintes thérapeutiques

Les corticales de l’os immature sont fines, peu denses et peu minéralisées. Cette particularité, associée à l’épaisseur importante du périoste chez le jeune, assure une bonne élasticité aux fûts osseux. Ainsi, l’os supporte mieux les traumatismes et les fractures ouvertes ou comminutives sont rares. Les fractures en bois vert (greenstick), bien qu’exclusivement rencontrées chez le jeune, sont peu fréquentes – trois cas seulement dans une étude chez dix-sept chiots(1) – et probablement limitées aux traumatismes à basse énergie.

L’os spongieux est particulièrement présent au niveau diaphysaire et majoritaire au niveau métaphysaire. Cette caractéristique est importante à prendre en compte dans le choix de la rigidité et des capacités d’ancrage des implants orthopédiques. De même, lors de la pose de vis, il est recommandé de ne pas tarauder l’os.

Le périoste et l’hématome fracturaire doivent être préservés au maximum

Chez le jeune, le périoste est épais et assure l’essentiel de la vascularisation de l’os, la vascularisation médullaire étant mineure. Lors de traumatisme, un cal périosté important se forme rapidement et permet une cicatrisation rapide de l’os en deux à huit semaines selon le type fracturaire, l’âge de l’animal et le choix du montage orthopédique. Chez un chiot âgé de deux mois, la cicatrisation est généralement obtenue en quinze jours à un mois. Le cal périosté se forme selon le schéma suivant : hématome fracturaire => colonisation par les fibroblastes => tissu fibreux => fibrocartilage => ossification du cal et formation d’os primaire => remodelage du cal. Ses capacités de comblement d’un défect osseux sont importantes et sa formation ne nécessite qu’une stabilité relative. Au contraire, l’emploi d’un montage semi-élastique stimule la formation de ce cal.

Quel que soit le choix thérapeutique, l’environnement vasculaire de l’os doit être privilégié, en évitant d’écraser le périoste et de léser les tissus mous péri-osseux (muscles et fascias). Le remodelage secondaire du cal obéit à la loi de Wolff : résorption des parties inutiles du cal, renforcement des zones mécaniquement actives. La réduction anatomique, même lors de fractures comminutives, n’est donc pas nécessaire. En revanche, l’alignement, la longueur du fût (par comparaison au membre controlatéral sain) et l’axe articulaire sont rigoureusement respectés.

Un traumatisme des cartilages de conjugaison peut compromettre la croissance du chiot

Les cartilages de conjugaison qui constituent les plaques de croissance osseuse doivent être préservés pour éviter leur ossification précoce. Ainsi, le pontage de ces cartilages par un implant chirurgical ou leur traumatisme direct sont évités dans la mesure du possible. Au préalable, il est donc impératif d’évaluer le potentiel de croissance de l’animal afin d’anticiper les conséquences potentielles d’un traumatisme du cartilage articulaire. En outre, l’action des cartilages de croissance peut permettre la correction d’un défaut angulaire relatif persistant, entre 5 et 20° selon l’âge de l’animal, après la réduction.

Chez le jeune, la croissance du tibia se fait par une plaque distale qui assure 60 % de la croissance en longueur et qui achève son ossification entre cinq et huit mois (selon le gabarit de la race). Proximalement, une première plaque assure la croissance de la tubérosité tibiale, tandis qu’une seconde réalise 40 % de la croissance en longueur du tibia. Ces deux plaques proximales sont totalement ossifiées entre six et onze mois.

L’ostéosynthèse biologique d’alignement est peu délabrante

Les progrès dans la compréhension de la physiologie de la cicatrisation osseuse ont mis en avant l’importance de l’environnement vasculaire du foyer de fracture.

L’ostéosynthèse biologique d’alignement assure la restauration de l’alignement articulaire et de la longueur du membre en préservant les tissus mous et la vascularisation osseuse via un abord minimal de l’os, la réduction se faisant à foyer fermé, si possible. Dans certains cas, et particulièrement chez le jeune animal ou lors de fractures complexes, il s’agit d’une alternative efficace à l’ostéosynthèse anatomique, qui privilégie une réduction parfaite des fragments osseux et nécessite un abord chirurgical souvent plus délabrant. En pratique, la réduction à foyer fermé se révèle parfois difficile en l’absence de fluoroscopie, d’où l’apparition du concept d’open but do not touch, ou OBDNT : lorsque la réduction à foyer fermé est inenvisageable, une dissection minimale, à distance du foyer de fracture, est réalisée pour aligner correctement les deux segments osseux.

Les montages, plus légers, permettent une cicatrisation plus rapide

Les montages choisis sont moins rigides que pour l’ostéosynthèse anatomique, de façon à privilégier une synergie mécanique entre le matériel chirurgical et la cicatrisation “naturelle” de l’organisme. Les avantages sont nombreux : préservation du potentiel ostéogénique de l’hématome fracturaire et de l’apport vasculaire des tissus mous péri-osseux, réduction du temps chirurgical et des complications septiques. La cicatrisation osseuse s’effectue par seconde intention, via la formation d’un cal volumineux qui englobe les éventuelles esquilles.

En réduisant la quantité de matériel implanté au niveau du foyer de fracture, l’ostéosynthèse biologique limite l’ostéonécrose ischémique secondaire au forage osseux, ainsi que l’ostéopénie consécutive aux modifications de l’environnement mécanique de l’os, fréquente quand le montage, trop rigide, supporte seul toutes les contraintes mécaniques. Favoriser les micromouvements axiaux par un montage plus “souple” stimule également la cicatrisation par seconde intention.

L’ostéosynthèse biologique ne peut néanmoins être appliquée sans risque à tous les types de fractures, notamment péri-articulaires, pour lesquelles la réduction anatomique stable est indiquée.

En dernier lieu, le caractère turbulent des jeunes animaux et la possibilité pour les propriétaires de limiter l’exercice sont à prendre en considération avant de proposer un montage “allégé”.

Plusieurs choix de montage s’offrent pour le chiot de petite taille

L’utilisation d’une contention externe est décrite pour les fractures du jeune, distales au genou ou au coude. Cette solution peu onéreuse, facilement réalisable, à foyer fermé, nécessite une anesthésie générale de courte durée. Cependant, la réduction à foyer fermé se révèle difficile et n’est contrôlée radiographiquement qu’après la réalisation du pansement. En outre, le bandage est souvent lourd et volumineux pour un chiot de petite taille, ce qui limite le mouvement articulaire et peut favoriser l’apparition d’une maladie fracturaire. Pour cette raison, il doit être changé chaque semaine pour vérifier la cicatrisation et l’amplitude articulaire.

Afin d’optimiser la cicatrisation, la mise en place d’un clou centromédullaire doit idéalement être faite à foyer fermé, ce qui est souvent délicat. Un abord a minima du foyer peut aider la réduction, mais implique vite un délabrement important chez un chiot de petite taille. Par ailleurs, l’absence de stabilité en rotation, associée à l’utilisation d’un clou centromédullaire, limite son emploi à des fractures avec une bonne stabilité en rotation après la réduction. En dernier lieu, l’utilisation d’un tel clou implique le traumatisme des cartilages de conjugaison, à éviter impérativement chez de très jeunes animaux.

Les nombreuses plaques d’ostéosynthèse disponibles permettent le traitement des fractures du jeune en privilégiant un abord mini-invasif. Les plaques de type LC-DCP ou LCP, notamment, sont particulièrement intéressantes dans le cadre de l’ostéosynthèse biologique. Quel que soit le type de plaques choisi, l’os n’est pas taraudé. Cependant, leur mise en place chez un chiot de petite taille implique un délabrement important du foyer de fracture.

Le fixateur externe posé à foyer fermé est privilégié lors d’ostéosynthèse biologique

L’emploi d’un fixateur externe répond à tous les critères de l’ostéosynthèse biologique chez le jeune : souplesse du montage, pose à foyer fermé, respect des cartilages de conjugaison, de l’hématome fracturaire et du périoste. La cicatrisation osseuse est plus rapide qu’avec un clou ou une plaque. Par ailleurs, sa réalisation est relativement aisée techniquement, rapide et nécessite un matériel chirurgical simple et peu onéreux. Comme dans le cas du yorkshire terrier décrit, lors d’une réduction à foyer fermé, le montage peut être rapidement réajusté par un déplacement des barres et des flasques jusqu’à l’obtention d’une réduction satisfaisante, contrôlée par des radiographies successives. L’utilisation de broches filetées (positive threaded pins) augmente la stabilité du montage et limite les complications parfois observées lors d’emploi d’un fixateur externe (infection du point d’entrée cutané de la broche, perte précoce de l’ancrage dans l’os, etc.) grâce à une amélioration de l’interface entre la broche et l’os. La visibilité du montage par le propriétaire garantit une meilleure observance de la convalescence. Chez un chiot de deux mois, le retrait du matériel est parfois envisageable dès quinze jours, car le cal osseux se consolide rapidement entre onze et soixante jours. Le montage de type B-1 au moyen de broches de Kirschner de 1,2 mm permet une rigidité suffisante pour contenir la réduction, tout en assurant la souplesse propice à la formation du cal périosté. L’emploi de polyméthylmetacrylate à la place des traditionnels coapteurs à flasques permet un allégement du montage appréciable chez un chiot d’un poids inférieur à 1 kg.

Chez le jeune, le choix du montage orthopédique doit donc satisfaire aux impératifs imposés par le type de fracture, tout en assurant un environnement propice à la cicatrisation et à la croissance osseuse : préservation indispensable du périoste et des cartilages de conjugaison, souplesse et légèreté des implants, possibilité de croissance osseuse et de reprise fonctionnelle rapide.

  • (1) S. Sarrau, F. Meige, A. Autefage : « Treatment of femoral and tibial fractures in puppies by elastic plate osteosynthesis », Vet. Comp. Orthop. Traumatol., 2007, n° 20, pp. 51-58.

  • La bibliographie complète de cet article est disponible sur le site wk-vet.fr, rubrique “Semaine vétérinaire” puis “Compléments d’article”.

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