« La procédure de l’évaluation est avant tout une démarche de clinicien » - La Semaine Vétérinaire n° 1327 du 19/09/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1327 du 19/09/2008

Christian Diaz, président de l’AFVE

À la une

Auteur(s) : M. N.

La Semaine Vétérinaire : La loi sur les chiens dangereux a ravivé les tensions, ces derniers mois, entre des professions qui se développent et travaillent de plus en plus ensemble sur le terrain. L’évaluation comportementale et la formation des maîtres sont deux points d’échauffement. Que pensez-vous de l’évaluation comportementale vétérinaire des chiens mordeurs ? Cette mesure est-elle justifiée ?

Christian Diaz, président de l’Association francophone des vétérinaires praticiens de l’expertise : L’objectif est de prévenir la récidive par la mise en œuvre de mesures adaptées. En effet, beaucoup de chiens qui mordent n’en sont pas à leur coup d’essai. Cette mesure apparaît donc justifiée, mais elle se heurte à des incohérences.

C’est au propriétaire et à tout professionnel qui en a connaissance de déclarer une morsure au maire. Or je crains qu’il n’y ait que peu de déclarations en regard du nombre réel de morsures. Les propriétaires, informés des conséquences, ne déclareront pas les morsures dans le cadre du cercle de famille. Les médecins non plus, qui ne disposent pas de l’information juridique à ce jour. Quant aux vétérinaires, ils ne pourront déclarer que les animaux qui leur seront présentés pour une mise sous surveillance sanitaire, c’est-à-dire moins de 10 % des chiens mordeurs. De plus, cette déclaration doit être effectuée dans un délai qui permette au maire de demander l’évaluation et de faire réaliser celle-ci dans les quinze jours qui suivent la morsure, faute de quoi nous ne sommes plus dans le cadre légal de l’article 211-14-2 du Code rural. Je précise, car cela ne semble pas évident pour tout le monde, que la demande du maire est un préalable à l’évaluation, conformément aux dispositions de l’article L211-14-1.

S. V. : Quels sont les dangers pour les praticiens inscrits sur les listes départementales ?

C. D. : L’évaluation est une pratique à risque, mais le respect des procédures doit permettre de ne pas en faire une pratique dangereuse. Le premier risque a trait à la validité de la procédure d’évaluation : demande du maire, choix du vétérinaire (qui n’est pas le vétérinaire traitant) par le détenteur, rapport transmis au maire, etc. Le deuxième risque concerne le respect des règles techniques de l’évaluation telles qu’elles sont enseignées dans les formations mises en place par la profession vétérinaire. Nous ne sommes pas dans un classique contrat de soins, mais le respect absolu de son obligation de moyens, même renforcés, doit permettre au praticien de se protéger.

Il est un autre risque, que certains veulent faire prendre de façon irresponsable au praticien en lui proposant de déléguer sa mission. L’exercice de notre art est personnel et l’évaluation comportementale relève du domaine du seul vétérinaire, même s’il lui est possible de solliciter, ponctuellement, l’assistance d’un autre technicien spécialisé, qui ne saurait cependant faire l’expertise en ses lieux et place.

S. V. : Comment être crédible quand on dit que tout praticien peut faire une expertise sur un chien mordeur, alors qu’il existe des experts titrés Zoopsy et des praticiens qui suivent la formation continue au sein du Groupe d’étude en comportement des animaux familiers (Gecaf) ?

C. D. : Tout simplement parce que l’évaluation comportementale n’est pas une consultation de comportement. La mission consiste à évaluer le danger potentiel que représente un chien compte tenu des modalités de sa garde, pas de poser un diagnostic nosographique, ni de mettre en place un traitement. Cette consultation peut, en revanche, être l’une des mesures prescrites par le maire… une obligation de soins, en quelque sorte. La procédure de l’évaluation est avant tout une démarche de clinicien.

En outre, tous les vétérinaires sont experts de droit pour ce qui concerne l’animal. Les seuls experts titrés à ma connaissance sont les titulaires du diplôme de vétérinaire comportementaliste délivré par les écoles vétérinaires.

Le confrère qui s’inscrit sur la liste départementale affirme cette compétence, qui ne peut être que renforcée par la formation de base à l’évaluation dispensée par les membres du Gecaf, de Zoopsy et de l’Association francophone des vétérinaires praticiens de l’expertise (AFVE). Pour avoir “corrigé” un certain nombre de rapports depuis quelques mois, je peux vous affirmer que les “généralistes” qui respectent cette démarche clinique font d’excellents comptes rendus, parfaitement clairs et utilisables par les mandants.

S. V. : Comment envisagez-vous la collaboration avec d’autres professionnels, comme les éducateurs et les comportementalistes canins ?

C. D. : Je crois que nous sommes faits pour collaborer. Je précise que si seuls les vétérinaires diplômés peuvent afficher le titre de vétérinaire comportementaliste, n’importe qui peut se proclamer comportementaliste canin. Il s’agit là d’une grande nébuleuse où le pire côtoie le meilleur, beaucoup étant persuadés d’être les meilleurs… Sur Toulouse, j’ai la chance de pouvoir travailler avec quelques éducateurs qui sont conscients des limites de leur rôle, me sont d’un grand secours dans la mise en œuvre des thérapies comportementales et, bien entendu, dans le dépistage et la prévention des troubles. Ils ont – pour ceux qui en avaient – revu leurs croyances, en particulier celles qui ont trait à la chimiothérapie. Pour eux, nous ne sommes pas des drogueurs de chiens, mais des psychiatres pour animaux…

S. V. : Quel regard portez-vous sur la profession d’éducateur aujourd’hui en France ?

C. D. : Comme je l’ai dit, c’est une grande nébuleuse, avec le pire, mais aussi le meilleur, qui n’est pas forcément – comme ailleurs – celui qui parle le plus souvent ou le plus fort. Je pense que les ressources sont différentes selon les spécificités locales. En tout état de cause, un éducateur qui veut éduquer ou dresser, en connaissant ses qualités mais aussi ses limites, ne peut être qu’un partenaire du vétérinaire, et non un adversaire. Je précise que le praticien doit également être conscient des limites de son rôle et qu’il est difficile de collaborer sereinement avec quelqu’un à qui vous cherchez à vous substituer.

S. V. : Il semble que deux écoles sur le comportement s’affrontent au sein de la profession vétérinaire. Quelles sont les différences d’approche entre elles et pourquoi chacune ne peut admettre les fondements de l’autre ?

C. D. : Vous voulez sans doute parler du “behaviourisme anglo-saxon” et du “cognitivisme latin”, mais c’est vraiment trop réducteur. Personnellement, je pense que nous avons affaire, dans tous les cas, au même animal ou système en souffrance, même si les approches sont différentes.

Le vrai danger n’est pas l’existence de plusieurs écoles, mais la volonté d’imposer une pensée unique.

Les praticiens sont, je le pense, suffisamment formés à la réflexion et à la synthèse pour être capables, s’ils s’intéressent au comportement, d’utiliser les éléments positifs des différents courants.

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