« L’obligation faite aux maîtres de se former, pour savoir enfin ce qu’est un chien, est positive » - La Semaine Vétérinaire n° 1327 du 19/09/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1327 du 19/09/2008

Thierry Bedossa, président de l’Afecaf

À la une

Auteur(s) : M. N.

La Semaine Vétérinaire : Que pensez-vous des décisions prises cette année dans le cadre de la dernière loi sur la prévention des morsures canines ?

Thierry Bedossa, président de l’Association francophone des éducateurs et comportementalistes en animaux familiers (Afecaf) et praticien à Neuilly (Hauts-de-Seine) : Ces décisions sont dures, pour les chiens comme pour leurs propriétaires. Les pouvoirs publics ont d’abord décidé de maintenir la répartition administrative en catégories des races canines. Cette politique de catégorisation, qui revient à dénigrer des individus coupables d’un délit de “sale gueule”, n’est pas efficace. J’en veux pour preuve les décisions récentes de certains pays qui sont revenus sur ce principe, car cela ne permettait pas de combattre efficacement la dangerosité réelle ou supposée des chiens. Il est indéniable que certaines races ont fait l’objet pendant des siècles, voire des millénaires, d’une sélection fondée sur l’agressivité et l’aptitude à combattre. Pourtant, tous les scientifiques spécialistes du développement et tous ceux qui abordent le comportement des chiens sur le terrain savent aujourd’hui qu’avec un bon programme d’éducation, d’éveil sensoriel, de socialisation et de familiarisation à l’homme et aux particularités de son environnement domestique, un chiot, quelle que soit sa race, et si la politique de sélection a permis l’élimination des sujets trop peureux ou agressifs, peut devenir un animal de compagnie dénué de dangerosité pour la collectivité, si tant est qu’il évolue dans un milieu de vie favorable.

La dernière loi commet également l’erreur de pénaliser de la même façon les propriétaires de chiens agressifs responsables, qui feront tout leur possible pour remédier à la dangerosité de leur animal, et les irresponsables, voire les criminels, qui dressent leur chien à l’attaque !

En outre, si la loi est appliquée avec zèle par les maires, nous risquons de devoir procéder à l’évaluation de plusieurs centaines de milliers d’animaux ! En étant pessimiste, il est alors à craindre de voir l’abandon puis l’euthanasie de plusieurs dizaines de milliers de chiens, ou même davantage, qui n’auront pas trouvé les structures pour les accueillir. Si cela devait arriver, je pense que notre profession devrait se mobiliser pour que les pouvoirs publics apportent enfin une aide financière aux associations de protection animale qui gèrent des refuges.

Cette loi comporte toutefois des points positifs, notamment l’obligation faite aux propriétaires de se former pour savoir enfin ce qu’est un chien, quels sont ses besoins et comment l’éduquer. De façon tout à fait paradoxale, la loi met donc également en place les outils d’une bonne compréhension par les propriétaires des principes de bien-traitance envers l’espèce canine ! Je pense en outre que tous les acteurs de la filière canine portent une lourde responsabilité : celle de n’avoir pas compris à temps qu’en France, pays ami des chiens par excellence, l’image du meilleur ami de l’homme a basculé. Le chien est aujourd’hui perçu par une partie non négligeable de l’opinion comme un facteur de nuisance, voire de dangerosité au sein de la collectivité. Il est normal et légitime que les hommes politiques et les pouvoirs publics répondent à cette préoccupation.

S. V. : Que préconisez-vous à vos confrères praticiens dans le cadre de la gestion des chiens mordeurs ?

T. B. : Je leur recommande d’abord de s’inscrire massivement sur les listes départementales de vétérinaires volontaires pour réaliser les évaluations. Les pouvoirs publics et les politiques ont reconnu notre expertise, il est plus que nécessaire que nous honorions la confiance qu’ils mettent en nous.

Ensuite, il faut regarder les faits simplement : tous les confrères savent quels sont les chiens potentiellement dangereux au cabinet ou à la clinique dans leur clientèle. J’estime donc que l’évaluation comportementale est avant tout l’affaire des praticiens et relève de leur responsabilité envers leurs clients. J’aurais évidemment préféré que cette loi ne soit pas promulguée en l’état, mais nous n’en sommes pas responsables. Il faut maintenant nous impliquer pour protéger les chiens de nos clientèles, sensibiliser les propriétaires qui possèdent des chiens potentiellement dangereux et les aider afin de remédier à cette dangerosité. En outre, sur un plan prospectif, nous devons impérativement nous soucier de l’éducation de tous les chiots de notre clientèle, car c’est une arme imparable et redoutablement efficace pour prévenir la dangerosité. Cette loi est paradoxalement une formidable opportunité de développement pour nos structures. En nous impliquant pour nos clients et leurs chiens, en valorisant ce lien si particulier qui unit l’homme à l’animal de compagnie, nous possédons le meilleur outil de fidélisation et de promotion de notre activité. C’est d’ailleurs ce que tous les spécialistes du marketing et du practice management ne tarderont pas à nous expliquer !

S. V. : Comment voyez-vous la gestion interprofessionnelle du comportement et quelles mesures devraient être lancées ou prises pour aider ces démarches ?

T. B. : Comme je l’ai dit, nous ne sommes pas les seuls acteurs du comportement. La collaboration entre tous doit avoir lieu de la manière la plus naturelle possible. En tant que praticiens, nous n’avons évidemment pas le temps de passer de nombreuses heures avec chacun de nos clients propriétaires d’un chien potentiellement dangereux. La tâche que la tutelle publique nous a confiée est celle d’une expertise sur la dangerosité potentielle du chien. Celui-ci doit donc être évalué dans des contextes variés, et pas seulement dans nos cliniques ou nos cabinets.

Je vous le dis franchement, je ne crois pas une minute en l’efficacité des grilles d’évaluation proposées, elles n’ont d’ailleurs jamais été validées sur un plan international. Il faudra par ailleurs être capables de proposer des solutions à nos clients propriétaires d’un chien potentiellement dangereux. Un certain nombre d’entre eux pourront sans doute être rattrapés par une rééducation efficace et une nécessaire prise de conscience des maîtres. D’autres devront être placés dans un lieu “sécurisé”, ainsi que le prévoit la loi. Nous devons tout faire pour éviter des décisions d’euthanasie qui seraient prononcées de façon arbitraire et précipitée par les maires. La collaboration avec tous les acteurs du comportement s’imposera de façon naturelle, elle est d’ailleurs prévue dans la loi et souhaitée par les pouvoirs publics. Ainsi, à l’instar des formations désormais proposées aux confrères soucieux de se porter volontaires, un certificat d’études pour les sapiteurs au comportement canin et accompagnement des maîtres(1) a été mis en place pour être proposé à tous les acteurs du comportement qui voudront aider les vétérinaires à réaliser les évaluations comportementales, former les propriétaires et contribuer à la rééducation des chiens potentiellement dangereux.

  • (1) Voir sur le site WK-Vet.fr, rubrique “Semaine Vétérinaire”, puis “Compléments d’article”.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr