L’intubation oro-gastrique et l’œsophagostomie sont deux techniques simples à réaliser - La Semaine Vétérinaire n° 1327 du 19/09/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1327 du 19/09/2008

Alimentation entérale assistée chez les chéloniens

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Lionel Schilliger

Fonctions : praticien à Paris

L’anorexie constitue un symptôme fréquemment observé chez les tortues malades. Elle contribue souvent à aggraver leur état général.

Chaque praticien peut être confronté à la nécessité d’administrer un traitement per os à une tortue malade présentée en consultation (ou devra en faire la démonstration au propriétaire). S’il est généralement aisé de faire avaler des comprimés ou un soluté buvable à un chien ou à un chat (de force, directement au fond de la gueule ou mélangés au repas), il est beaucoup moins évident de prodiguer ce soin à une tortue, même coopérative…

Il est parfois impossible d’extérioriser la tête des tortues en dehors de leur carapace

En raison du réflexe habituel de rétraction de la tête dans la carapace (régi, sous l’effet du stress, par les puissantes contractions du muscle cervical dorsal), il est parfois impossible d’extérioriser la tête de certaines tortues (par exemple, Geochelone pardalis ou G. sulcata). Ce phénomène est observé chez les tortues-boîtes américaines et asiatiques (comme Cuora sp., Terrapene, etc.) qui s’escamotent en un clin d’œil sous leur volet plastral pour se soustraire à une menace (voir article ci-contre). Même la tête de la tortue saisie entre les doigts, il est parfois impossible de résister à la traction du cou exercée par l’animal.

Les réactions de défense peuvent empêcher l’ouverture du bec

Les griffures induites par les mouvements de pédalage (particulièrement rapides et violents chez les tortues aquatiques) et les morsures potentielles chez certaines espèces (par exemple Trachemys sp., Macroclemmys sp., Chelydra sp., etc.) peuvent rendre l’opération difficile pour le manipulateur.

Une fois la contention de l’animal bien maîtrisée, il est généralement malaisé de maintenir son bec ouvert pour l’administration du traitement. Un ouvre-gueule non traumatisant est généralement nécessaire, professionnel ou artisanal (spéculum buccal, bâton d’esquimau, coton-tige, pince à épiler, etc.). Chez certaines tortues placides dont le bec est peu acéré (comme les tortues terrestres méditerranéennes), ce dernier peut être maintenu ouvert avec la pulpe de l’index, mais cela n’est pas confortable.

Une fausse déglutition est à craindre lors d’administration forcée d’un médicament

Pour des raisons anatomiques, il est impossible de déposer un comprimé ou de faire couler un soluté, un sirop ou une solution médicamenteuse directement sur la langue de l’animal, contrairement à ce qui se fait chez un chien, un chat, un furet ou même un lézard. En effet, les tortues possèdent une langue charnue presque totalement adhérente, sur sa face ventrale, au plancher buccal. Elles sont donc incapables de “tirer la langue” pour laper et déglutir le médicament. En outre, la position de leur orifice glottique, situé presque au milieu de la langue (voir photo 4 ci-contre), rend cette tentative particulièrement risquée, car le médicament, solide ou liquide, ainsi introduit dans la cavité buccale, risque de l’obstruer ou de pénétrer dans la trachée, occasionnant une pneumopathie gravissime par corps étranger.

Mélanger le médicament à la nourriture n’est guère envisageable chez les tortues

Mélanger le traitement au repas constituerait une solution élégante pour éviter ces différents écueils. Toutefois, une tortue malade qui nécessite un traitement s’abstient de manger la plupart du temps. En outre, les tortues terrestres végétaliennes sont des animaux herbivores qui ne finissent généralement pas leur “gamelle” en une fois contrairement à un chien ou, dans une moindre mesure, à un chat. Comme une vache ou un cheval, elles effectuent de nombreux petits repas au cours de la journée et il est toujours difficile de contrôler ce qu’elles ingèrent réellement. Au mieux, il est parfois possible de camoufler un fragment de comprimé au cœur d’un fruit (une fraise, une framboise, etc.) et de le faire avaler à la tortue. Mais il faut alors qu’elle soit relativement “domestiquée”, ce qui n’est pas toujours le cas. Quant aux tortues aquatiques carnivores ou omnivores, elles prennent souvent l’habitude de ne se nourrir que dans l’eau. Le médicament est donc totalement dispersé dans l’aquaterrarium…

Pour ces raisons, en médecine herpétologique, les soins médicamenteux prodigués à une tortue s’effectuent préférentiellement par voie injectable. Cependant, la voie per os est à utiliser dans le cadre de traitements qui n’existent pas sous forme injectable (comme l’allopurinol pour traiter la goutte) ou employés en gastro-entérologie (les laxatifs, les pansements, les vermifuges, les protisticides, etc.). En outre, chez les très petits spécimens, par exemple les tortues juvéniles, les membres sont trop graciles pour subir des injections. A contrario, chez les grandes tortues, l’injection de volumes trop importants risquerait de provoquer de graves lésions de nécrose musculaire susceptibles de compromettre la locomotion (Baytril® en solution injectable si le volume injecté dépasse 1 ml, par exemple).

Dans ce contexte, le praticien dispose de deux techniques pour administrer un médicament par voie orale à un chélonien : l’intubation ou sondage oro-gastrique (gavage), détaillé ci-contre et l’œsophagostomie(1).

  • (1) Cette technique sera détaillée dans le prochain numéro.

POUR EN SAVOIR PLUS

• R. Bour, G. Guyot, S. Metrailler, A. Cadi, J. Maran, L. Schilliger : Atlas de la terrariophilie, vol. 2 (Le tortues), 2002, Animalia éditions, Campsegret, 189 p.

• F. L. Frye : Biomedical and surgical aspects of captive reptile husbandry, 1991, 2e éd., vol  1, Melbourne, FL, Krieger Publishing Co.

• F. L. Frye : Biomedical and surgical aspects of captive reptile husbandry, 1991, 2 éd., vol. 2, Melbourne, FL, Krieger Publishing Co.

• S. Mac Arthur, R. Wilkinson, J. Meyer : Medicine and surgery of tortoises and turtles, 2004, Blackwell Publishing, Ames (Iowa).

• D.R. Mader : Reptile medicine and surgery, 2006, 2e éd., Saint Louis, WB Saunders Elsevier Company.

• L. Schilliger : Les tortues “de jardin”, guide des soins et des maladies, 2007, Editions Animalia, Campsegret, 159 p.

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