Manipuler des embryons exige des compétences de terrain, de laboratoire et de recherche - La Semaine Vétérinaire n° 1325 du 05/09/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1325 du 05/09/2008

Philippe Escouflaire, spécialiste de la transplantation embryonnaire bovine

Éclairage

UNE JOURNÉE AVEC…

Au-delà de la technique sophistiquée, la pratique de la transplantation embryonnaire permet de rencontrer des éleveurs passionnés par les belles vaches et l’élevage.

Depuis leur collecte au fond des cornes utérines jusqu’à leur immersion à - 196 °C au fond d’une cuve d’azote liquide, la manipulation des embryons de bovins n’a plus de secret pour notre confrère Philippe Escouflaire. Dès le début de ses études, il considère ce marché de niche comme une activité vétérinaire à développer. Pari gagné. Installé en solo en 1990, il s’associe avec Jean-Michel Pol en 1994. Un troisième vétérinaire, Mounir Jeddi, les rejoint en 1997. L’an passé, ils ont réalisé sept cent cinquante-neuf collectes, avec en moyenne 10,9 embryons par collecte, dont 6,8 viables, un taux de réussite compris entre 60 et 65 % lors du transfert en frais, et entre 55 et 60 % en cas de conservation par congélation. Les associés se déplacent dans vingt et un départements, répartis de la Seine-Maritime aux Charentes, du Finistère au Loir-et-Cher. Au volant de son camion laboratoire, Philippe Escouflaire parcourt entre 60 000 et 70 000 km par an. Quels que soient le temps et le lieu, il peut collecter, manipuler et préparer les embryons dans des conditions hygiéniques strictes. Le matériel utilisé est stérile. Pour prévenir toute contamination bactérienne, à chacune des étapes, les liquides passent à travers un filtre d’une porosité de 0,22 micron. Après leur collecte, leur comptage et la vérification de leur viabilité, les embryons sont rincés dans dix bains successifs, stockés individuellement dans une paillette et identifiés. La réglementation exige de conserver, congelés, un échantillon du liquide de collecte et un autre du mélange des trois derniers bains de rinçage.

Les embryons sont soit transférés directement chez des receveuses, soit congelés. Dans ce cas, ils doivent être préparés afin de subir sans dommage les phases de congélation et de décongélation. Pour cela, les embryons sont déposés dans une solution de glycérol qui pénètre dans le cytoplasme des cellules. Ce procédé permet aux cellules embryonnaires de survivre à la cristallisation et au réchauffement ultérieur de la paillette. Le passage d’une température ambiante à -196 °C se fait par paliers.

Le laboratoire de Philippe Escouflaire comprend également un micro-couteau porté par un micromanipulateur pour réaliser des biopsies en vue du sexage par polymerase chain reaction (PCR) ou des bissections pour obtenir devrais jumeaux.

La pratique d’une approche de troupeau est aussi nécessaire

Habileté manuelle, bras résistant, souplesse physique, capacité d’adaptation à toutes les situations de collecte et de pose, précision, minutie et patience sont des qualités nécessaires, mais pas suffisantes. En effet, le savoir-faire de notre confrère n’est pas restreint à la technique de transplantation ou au suivi du fonctionnement ovarien des vaches donneuses et receveuses. « Nous devons faire produire des embryons aux donneuses ou faire en sorte que des gestations se produisent alors que les autres n’y arrivent pas, comprendre pourquoi cela ne fonctionne pas », explique notre confrère. Outre le suivi et les traitements particuliers qu’exigent les vaches d’élite utilisées pour la collecte, il est particulièrement attentif à la conduite sanitaire et alimentaire du troupeau. En effet, la collecte ou la pose des embryons sont différées si les signes envoyés par le troupeau attestent d’un dysfonctionnement alimentaire. Aucune vaccination ne doit être pratiquée dans le mois qui précède et dans les quarante-cinq jours qui suivent l’intervention.

Au fil des années et de son expérience, la palette des prestations proposées par Philippe Escouflaire s’étend. Il s’entraîne aussi au sexage paréchographie. Auxcôtésde Jean-Michel Pol, il intervient en outre dans les formations à l’insémination destinées aux éleveurs, au Lion d’Angers et dans les Côtes-d’Armor. A la demande des clients, il lui arrive également de servir de relais pour l’achat de génisses de haute valeur génétique lors des ventes aux enchères. Ils étudient ensemble le catalogue, évaluent les retombées économiques et fixent un prix d’achat maximal.

L’activité de nos confrères n’échappe pas à l’évolution des structures qui gèrent la génétique bovine. L’absorption de France Embryon par Genes Diffusion Optimal, en 2006, a transformé la nature des partenariats de la société civile professionnelle (SCP) Escouflaire-Pol qui, pendant les dix-sept premières années d’activité, était une structure franchisée de France Embryon. Les vétérinaires avaient alors aussi pour mission d’encadrer les équipes techniques. Depuis, la SCP est devenue indépendante, avec des partenariats plus locaux et restreints à la transplantation. Toutefois, une collaboration subsiste en Vendée et en Charente avec Apis diffusion, coopérative de Genes Diffusion. En Bretagne, un accord de franchise a été mis en place avec Amelis.

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