L’intensité du dépistage et la sensibilité variable des tests modifient l’incidence des affections - La Semaine Vétérinaire n° 1325 du 05/09/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1325 du 05/09/2008

Maladies abortives des petits ruminants

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

L’incitation au dépistage des maladies abortives infectieuses nécessite d’en limiter le coût. Dans le Tarn, des protocoles d’analyse progressifs sont combinés aux mesures de police sanitaire et aux subventions.

Lorsqu’un élevage de ruminants est confronté à des avortements, la mise en œuvre des analyses de laboratoire est une étape incontournable du diagnostic étiologique. Leur interprétation doit tenir compte de plusieurs composantes, avec d’une part la réalité biologique photographiée par chaque technique et les qualités de sensibilité/spécificité de chaque test, et d’autre part la cohérence avec la question posée par le praticien. « Le laboratoire d’analyses propose trois types de diagnostic qui répondent à trois questions », a souligné notre confrère Régis Duquesnel, directeur du Laboratoire départemental d’analyses d’Albi dans le Tarn (LDA 81), au cours de l’atelier consacré aux petits ruminants lors du dernier congrès de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV). Il y a ainsi le diagnostic dans le cadre d’avortements en série, avec la question « l’agent infectieux est-il la cause des problèmes observés dans l’élevage durant un certain laps de temps ? », puis le diagnostic au sein d’un cheptel, avec la question « l’agent abortif est-il présent dans le troupeau ? », enfin le diagnostic individuel, avec les questions « l’agent infectieux est-il présent dans l’organisme de l’animal, est-il responsable de l’avortement chez cet animal, peut-on dater l’infection ? ».

Brucella, Coxiella burnetii, Chlamydia, Salmonella, Listeria et Campylobacter sont les bactéries les plus fréquemment isolées. Du côté viral, il s’agit des virus de la fièvre catarrhale ovine. Quant aux parasites, les analyses ciblent les protozoaires Toxoplasma et Neospora. Le champignon Aspergillus fumigatus peut également être impliqué dans les avortements. A ce titre, des lésions sont visibles sur l’avorton. Toutefois, le coût des analyses constitue un frein majeur à la recherche étiologique.

Les éleveurs sont des sentinelles intéressantes

« L’évolution de la réglementation, en réévaluant la rétribution des vétérinaires dans le cadre de la police sanitaire de la brucellose, a permis l’augmentation des recherches de laboratoire dans le département, surtout pour les petits ruminants », a indiqué Régis Duquesnel. Dans le Tarn, la recherche des maladies infectieuses autres que l’infection brucellique est subventionnée par le conseil général. Les frais d’analyses sont pris en charge à 50 % par le Groupement de défense sanitaire (GDS) sur des crédits du conseil général, dans le cadre d’un « suivi approfondi ». Dans les Hautes-Alpes, « la combinaison des financements dédiés à la police sanitaire et du conventionnement avec le GDS a également permis d’augmenter la fréquence des recherches des maladies infectieuses », a souligné notre confrère Bernard Leterrier, président du GTV de ce département.

Afin de limiter l’impact du coût du dépistage, le LDA 81, en concertation avec le GTV du Tarn, a conçu des protocoles d’analyses progressifs. Les prélèvements demandés par le laboratoire sont trois prises de sang au minimum chez les femelles qui ont avorté, à la fois sur tube sec et sur anticoagulant, ainsi que l’avorton entier ou son encéphale, son liquide stomacal et sa rate. Bien entendu, il convient de joindre la feuille des commémoratifs correspondants. « L’envoi d’un écouvillon ne peut remplacer l’avorton ou les prélèvements d’avorton », a précisé Régis Duquesnel.

En première intention, sont recherchées la brucellose, la fièvre Q, la chlamydiose et la toxoplasmose, pour un coût total de 116,97 € si les tests sont négatifs et de 234,74 € dans le cas d’une valence positive (voir tableau 1). Si ces premiers résultats sont négatifs, les analyses réalisées en deuxième intention sont, selon la prescription spécifique du vétérinaire traitant au regard de l’anamnèse, la listériose, la salmonellose, la campylobactériose, la border disease, la fièvre catarrhale ovine, la leptospirose, lanéosporose, lesrecherches mycologiques (voir tableau 2 en page 50). Les analyses sérologiques fournissent en outre des résultats détaillés (voir tableau 3). Notre confrère préconise également l’utilisation de sentinelles. Outre le choix de garder dans un troupeau des animaux non vaccinés, il est judicieux de réaliser des prélèvements sanguins chez les animaliers qui ont effectué les mises bas. En outre, leur analyse est un bon moyen pour faire la distinction entre la fièvre Q et la chlamydiose. Par ailleurs, « le cochon d’Inde est également un bon révélateur, via la sérologie, si les enfants de l’éleveur en possèdent un », a indiqué notre confrère.

Selon le pays, la période et le laboratoire, un test peut apporter une réponse différente

Dans un deuxième temps, Régis Duquesnel a présenté l’impact, sur l’incidence de la maladie, de la sensibilité des divers tests de laboratoire, des réactifs et des antigènes utilisés et des différences interlaboratoires au travers de l’histoire du dépistage de la fièvre Q. Il a ainsi comparé la fixation du complément (FC), l’enzyme-linked immunosorbent assay (Elisa), l’immuno-fluorescence indirecte et la polymerase chain reaction (PCR). La fixation du complément est une ancienne technique, spécifique, mais peu sensible et qui entraîne de ce fait beaucoup de résultats faux négatifs. Elle n’est donc pas utilisable pour un diagnostic individuel. Toutefois, un diagnostic de troupeau est possible si au moins dix analyses sérologiques sont réalisées. Pour cette technique, le seuil de positivité varie d’une part selon les publications et, d’autre part, au regard des souches utilisées pour la préparation des réactifs. Ainsi, des petits ruminants vaccinés avec le vaccin Chlamyvax-FQ® (Merial) pouvaient être positifs en sérologie FC avec l’antigène Mérieux et négatifs avec l’antigène Behring. Notre confrère a rappelé que l’évolution des seuils de positivité de la fixation du complément pour la fièvre Q, calquée sur l’expérience acquise en chlamydiose, ne repose sur aucun fondement scientifique.

Peu coûteuse en raison des grandes séries d’analyses qu’elle rend possible, la sérologie Elisa a été introduite en France en 1993. Une concertation entre les fabricants et l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) de Sophia-Antipolis a permis de définir des seuils de positivité faisant l’objet d’un consensus. Ainsi, un taux de densité optique inférieur à 40 % signe un résultat négatif. Entre 40 et 50 %, le résultat est douteux. Entre 50 et 80 %, il s’agit d’un résultat faiblement positif. Il sera déclaré positif pour un taux de densité optique supérieur à 80 %.

Toutefois, les seuils peuvent différer selon les pays ou les circonstances épidémiologiques. En Allemagne, une densité optique inférieure à 30 % signe un résultat négatif, une densité optique supérieure à 40 % un résultat positif. Un projet d’harmonisation fait actuellement l’objet d’une concertation entre les professionnels des deux pays. Dans le rapport d’enquête de l’épidémie de Chamonix, l’Afssa a utilisé un seuil de dépistage à 20 % de densité optique, dénommé « seuil épidémiologique ».

Des techniques complémentaires pour parvenir au diagnostic de certitude

Trois kits Elisa sont actuellement commercialisés en France. La composition des antigènes adsorbés au fond des plaques de ces kits diffère selon les fournisseurs. Ainsi, le laboratoire suisse Bomelli utilise des antigènes issus de Coxiella burnetii en phases 1 et 2. Les antigènes employés par le laboratoire Pourquier proviennent des pays de l’Est. Quant à ceux utilisés par le laboratoire LSI, ils sont issus d’une souche isolée chez des petits ruminants de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) de Nouzilly. En outre, le dernier essai interlaboratoires organisé avec les trois kits Elisa a mis en évidence des différences. Les facteurs de variation de la sensibilité de l’Elisa sont donc nombreux. De ce fait, l’immunofluorescence indirecte (IFI) ales faveurs de notre confrère. Test de référence des centres hospitaliers universitaires, elle permet un diagnostic individuel fiable. En médecine humaine, six immunofluorescences sont réalisées avec un seul sérum. En médecine vétérinaire, deux sérologies sont pratiquées en routine, soit des IFI en phase 2, et deux avec des IgG. Le seuil de positivité est fixé à 1/80. Selon notre confrère, ce test est beaucoup plus sensible, mais il a en revanche le défaut de ne pas être automatisable, ce qui entraîne un coût plus élevé. Comparativement à l’Elisa, un diagnostic de troupeau nécessite un nombre d’analyses plus restreint.

La technique la plus sensible est la PCR. Toutefois, compte tenu de sa sensibilité, le choix et la qualité des prélèvements sont essentiels. L’utilisation de cette technique exige l’envoi d’un prélèvement in utero de cotylédon, un écouvillon vaginal ou un avorton.

« Aucune technique ne détient, à elle seule, la vérité, résume Régis Duquesnel. Un résultat isolé négatif est difficilement interprétable et ne veut rien dire. Il faut également garder à l’esprit la cohabitation ou l’association de malfaiteurs. » Ainsi, un diagnostic de certitude peut nécessiter du temps et du recul.

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