La production française de dindes est malmenée par des difficultés économiques et sanitaires

Au cours des sept dernières années, la filière dinde a dû adapter son offre à la diminution constante de la demande (^{voir graphique}). En outre, depuis l’arrêt des farines de viande, des additifs antibiotiques et des antihistomoniques, les éleveurs sont confrontés à une recrudescence des infections digestives. A ce contexte économique et sanitaire défavorable s’ajoute, depuis septembre dernier, l’obligation de multiplier par trois les surfaces d’épandage, comparativement à l’année 1996. Ces actualités environnementales, pathologiques, économiques et marketing étaient au programme de la Journée des professionnels de la dinde, organisée à Rennes, le 19 juin.

Depuis 2000, les débouchés des produits français à l’exportation ont baissé de moitié. Dans le même temps, les importations ont été multipliées par trois et la consommation intérieure de produits de dinde a diminué de 14 %. En outre, la hausse des coûts de production s’est accentuée. Entre mai 2007 et mai 2008, l’indice⁽²⁾ du coût de matière première de l’aliment a augmenté de 50,7 %. Malgré ce contexte sombre, Gilles Le Pottier, délégué général du Comité interprofessionnel de la dinde française (Cidef), a fait preuve d’optimisme en se félicitant des 3,5 % de progression de la consommation française de dindes au cours du premier trimestre de cette année. Mais la production hexagonale peine à y répondre. En effet, en raison de la conjoncture, le nombre d’élevages a diminué et les éleveurs qui restent n’ont pas réalisé les investissements indispensables à la pérennisation de leur outil de production. Par ailleurs, pendant ce premier trimestre, la tendance des exportations et des importations ne s’est pas inversée, avec respectivement une diminution de 12 % et une augmentation de 48 %. L’offre française est peu segmentée, alors que la consommation évolue par type de produit, dans un marché qui change rapidement. Par exemple, la vente des panés de dinde est en progression de 15 %. « Nous ne nous sommes pas adaptés à la rapidité de cette évolution », a estimé Gilles Le Pottier.

Une importante marge de progrès repose sur la qualité de l’eau

La qualité de l’eau de boisson est l’un des facteurs explicatifs de l’apparition d’épisodes de diarrhée en élevage de dindes. Une enquête conduite en 2004 montre que « les trois quarts des prélèvements d’eau réalisés ne sont pas potables, que près de 90 % des lots présentent une absence de chlore ou une teneur faible en bout de ligne, que 70 % des chlorations effectuées ne sont pas efficaces et que 20 % des lots ont un pH supérieur à 7,5 », a listé notre confrère Didier Cleva, du groupe Chêne vert. « Le mauvais nettoyage-désinfection des canalisations est également associé à une apparition précoce des entérites non spécifiques. »

Par ailleurs, une autre enquête, réalisée en 2005, met en évidence que sept éleveurs sur huit ne maîtrisent pas correctement leur équipement d’abreuvement, au niveau de son fonctionnement, de la gestion des points à risque, ou du nettoyage-désinfection. « L’analyse de l’eau n’est pas suffisante pour juger de sa qualité », a insisté l’intervenant. Il convient de réaliser un véritable audit depuis le puits ou le forage jusqu’à la dernière pipette, un audit qu’il a abondamment illustré.

Face à la recrudescence des troubles digestifs infectieux et parasitaires, la recherche française est particulièrement active. « Quel est le rôle réel de l’astrovirus de type 2 dans le poultry enteritis mortality syndrome (PEMS) de la dinde ? » s’interroge ainsi Didier Toquin, ingénieur de recherche à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) de Ploufragan, qui a retrouvé l’astrovirus, par RT-PCR, dans la banque de prélèvements collectés entre 1982 et 1988. « Existe-t-il une relation entre la charge virale et la sévérité clinique ? Y a-t-il une association de plusieurs virus ? » Les réponses à ces questions nécessitent, au préalable, la mise au point de nouveaux outils de détection des virus entéritiques impliqués.

En matière d’histomonose, l’enquête menée par l’Afssa de Ploufragan révèle un faible taux de prévalence du portage d’Histomonas meleagridis en élevage (2 sur 150), au regard du protocole expérimental mis en œuvre. Les PCR, réalisées chaque semaine par le laboratoire Labo-farm, de Loudéac, mettent en évidence différentes situations de portage dans des élevages sans histomonose (absence de portage, excrétions diffuses et non récurrentes, excrétions espacées, excrétion du parasite de façon continue dans un lot). « La relation entre Histomonas et histomonose n’est pas évidente », a souligné un confrère, avant de s’interroger sur l’existence d’une relation de symbiose entre des bactéries et Histomonas.

• (1) Références Corpen, validées en décembre 2006 et applicables en septembre 2007. L’article 18 de la réglementation des installations classées pour l’environnement de février 2005 et le courrier interministériel de fin 2006 exigeant un maximum de 100 kg de P₂O₅ par hectare.

• (2) L’indice mesure l’évolution des prix des produits. Il est calculé sur une base et une référence 100 en 2000.