Des dioxines ont contaminé les bovins sur un territoire de 40 km2 l’an dernier - La Semaine Vétérinaire n° 1322 du 04/07/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1322 du 04/07/2008

Contamination environnementale

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

Plusieurs protocoles de recherche ont été mis en oeuvre pour estimer le niveau de contamination des tissus chez les veaux de boucherie, les taurillons et les vaches de réforme, ainsi que son évolution.

Autour de Redon, chasse à la dioxine dans les fermes » titre Ouest-France, en première page, le 11 août dernier. Depuis la veille, les lecteurs du quotidien sont informés des taux excessifs de dioxine trouvés dans du lait de vache. Des autocontrôles, réalisés par une laiterie des Pays-de-la-Loire sur des produits finis, montrent une augmentation des taux de dioxines furanes depuis le mois de février 2007, qui restent toutefois inférieurs au seuil maximal réglementaire d’exclusion de 3 pg/g de matière grasse. Les résultats des analyses relèvent des taux qui varient de 1,390 à 2,050 pg/g de matière grasse.

« Lorsque les concentrations en dioxines et en furanes sont supérieures au bruit de fond et dépassent, pour les produits laitiers, le seuil de 2 pg/g de matière grasse, une recherche active des sources potentielles d’émission doit être engagée, conformément à la recommandation communautaire du 6 février 2006, a expliqué notre confrère Hervé Knockaert, directeur des services vétérinaires de Loire-Atlantique (DSV 44), dans le cadre de l’atelier “environnement” lors du dernier congrès de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV). C’est sur cette base qu’est lancée l’alerte des services vétérinaires départementaux, le 27 juillet 2007. » Les prélèvements de lait de trente-sept tournées de collecte sont alors contrôlés. Les analyses mettent en évidence des taux de polychloro-dibenzo-para-dioxines (PCDD) et de polychloro-dibenzo-furanes (PCDF) non conformes, variant de 5,26 à 10,80 pg/g de matière grasse.

Les sept laiteries qui collectent dans la même zone sont alors informées, ainsi que l’ensemble des services de l’Etat concernés(1), des procédures de gestion de cette contamination. Mesures administratives, traitement des laits exclus puis des viandes, dépistage des exploitations contaminées et évaluation du taux de contamination et de son évolution, enquête sur l’origine des dioxines sont alors mis en œuvre par une cellule de suivi, installée à la préfecture des Pays-de-la-Loire. Outre ces différentes étapes, Hervé Knockaert et notre consœur Fabienne Buret, chef de service des affaires régionales à la DSV 44, ont présenté, le 30 mai dernier, les différents protocoles de recherche qu’il a fallu initier, parallèlement à la gestion de cette crise, afin de déterminer le niveau de contamination des animaux et des produits et de statuer sur leur devenir potentiel.

« Dioxine dans le lait : du maïs responsable », indique Ouest-France le 25 août 2007

Chaque élevage de vaches laitières pour lequel l’analyse du lait est non conforme est placé sous séquestre, par arrêté préfectoral. A ce titre, aucun animal de l’espèce bovine et aucune denrée animale ou d’origine animale ne peut sortir de l’exploitation, à l’exception du lait. Les laits issus des élevages qui présentent des taux de dioxines supérieurs au seuil d’exclusion sont collectés séparément, écrémés, transformés en poudre destinée à l’alimentation animale et consignés dans l’attente de résultats de taux de dioxine satisfaisants. Compte tenu de l’affinité des dioxines avec les graisses, la crème est détruite. Chaque exploitation incluse dans une tournée non conforme fait l’objet d’une analyse individuelle. Deux mois sont nécessaires pour délimiter le périmètre contaminé. Par ailleurs, les denrées animales des espèces avicole, porcine, ovine et caprine ne sont pas touchées par la contamination. « Au fur et à mesure, se souvient Hervé Knockaert, l’extension géographique de la zone contaminée prend de l’ampleur, mais sans pollueur désigné, d’où une ambiance lourde et un climat parfois un peu délétère. » Dans le même temps, une enquête, ciblant l’alimentation des ruminants, est diligentée afin de découvrir l’origine de la contamination des animaux. En effet, dans 95 % des cas, elle a lieu par voie orale. La piste des compléments minéraux alimentaires et des pulpes de citrus est rapidement éliminée. En effet, plusieurs fournisseurs sont recensés et aucun lien ne peut être établi. Des teneurs élevées en dioxines sont retrouvées dans l’ensilage de maïs de l’année 2006, de 1,54 à 7,41 pg/g d’ensilage ramené à 12 % de matière sèche, le seuil étant fixé à 0,75 pg/g de matière sèche. Tous les résultats des fourrages récoltés en avril, mai, juin et juillet 2006 (foins, ensilages et enrubannages d’herbe) sont conformes, bien que légèrement supérieurs au bruit de fond. Les ensilages de maïs récoltés en 2007 sont classés conformes.

Des tests sur les animaux vivants sont mis au point

Pour les animaux des cheptels allaitants, l’estimation de leur contamination est réalisée via des prélèvements de lait dans 10 % des exploitations. Tous les résultats se révèlent conformes. Les élevages allaitants de la zone sont donc considérés comme indemnes, sauf pour une exploitation au sein de laquelle les animaux reçoivent une ration alimentaire similaire à celle d’un atelier laitier voisin.

Pour les veaux laitiers de huit jours destinés à l’engraissement, une étude de terrain démontre que chez ceux nés de vaches contaminées qui ne boivent plus le lait de leur mère, mais du lait en poudre, le statut sanitaire de leur viande est conforme. Ces animaux peuvent donc être vendus pour la production de veau de boucherie. Toutefois, leur foie sera systématiquement saisi lors de l’abattage.

La contamination des taurillons est, dans un premier temps, évaluée à l’abattoir, grâce à des prélèvements de sang, de graisse et de muscles sur des animaux qui ont reçu un régime à base de fourrages issus des cultures de la zone contaminée. Ce premier dépistage entraîne le placement sous contrôle de cinquante-sept ateliers de taurillons, en raison de résultats défavorables. Compte tenu du grand nombre d’exploitations touchées, du temps de consigne nécessaire et des difficultés organisationnelles, un protocole de prélèvement chez les animaux vivants, ainsi qu’une méthode d’interprétation des résultats se révèlent indispensables. Ce protocole de tests sur l’animal vivant est mis au point par le Laboratoire d’étude des résidus et contaminants dans les aliments (Laberca), situé à l’ENV de Nantes, et validé par la Direction générale de l’alimentation (DGAL) et l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa). Il repose sur la réalisation, par le vétérinaire sanitaire de l’exploitation, d’un prélèvement de 2 à 3 g de tissu graisseux sous-caudal (voir photos) sur un échantillon représentatif. Les prélèvements sont placés dans du papier d’aluminium et expédiés au Laberca.

Le résultat obtenu à partir de la graisse du tissu sous-caudal nécessite d’être transformé en taux de dioxine sur le tissu périrénal, seule concentration permettant officiellement de statuer sur la conformité de l’animal et du lot. Lorsque le résultat est supérieur aux valeurs réglementaires, le niveau de dioxine est pondéré, pour un âge donné, par le gain en graisse selon le poids des animaux et leur race. « Ainsi, il peut être décidé de l’avenir des animaux contaminés à un moment déterminé de leur croissance, dans le cas où ils sont soustraits à la source de contamination » , a expliqué Fabienne Buret. Trois catégories peuvent alors être définies : les lots non conformes sans opportunité de remise en conformité ; les lots non conformes mais qui, compte tenu du niveau de contamination, de l’âge et de la race des animaux, sont susceptibles de devenir conformes une fois éloignés de la source de contamination ; les lots peu exposés et conformes.

Le protocole d’assainissement préconise la conservation des animaux peu contaminés

Cent dix taurillons sont analysés. Soixante-trois sont contaminés, avec des teneurs parfois élevées comme ce résultat de 20,42 pg/g de matière grasse périrénale obtenu chez de jeunes bovins âgés de dix-huit à vingt-deux mois. Parmi les cent vingt-neuf vaches de réforme testées, onze sont contaminées. Au total, « mille seize animaux non conformes, dont neuf cent soixante-quinze taurillons, seront abattus lors de cinq journées d’abattage dédiées, eu égard à la gestion des matières à risque et à la destruction des carcasses, a indiqué notre consœur. Le protocole d’assainissement préconise la conservation des animaux peu contaminés. » Les génisses avec une forte valeur génétique ont la particularité d’être destinées à l’élevage, et non immédiatement à la consommation. En raison de la forte décroissance de la teneur en dioxine liée à la prise de poids, leur vente est possible si elles sont nées après la date de mise sous contrôle et sous condition de traçabilité.

Le préjudice global s’élève à trois millions d’euros, incluant la dévalorisation des laits à 50 % de leur valeur potentielle, l’abattage des animaux contaminés, la destruction des stocks fourragers et les pertes pour les entreprises des filières lait et viande. Il sera comblé par l’Etat à hauteur d’un million et demi et par les interprofessions lait et viande pour respectivement 400 000 € et 800 000 €. En outre, les conseils généraux des trois départements attribueront une enveloppe de 420 000 € aux exploitants agricoles, dont 300 000 € par le conseil général de Loire-Atlantique.

L’origine de la contamination n’est toujours pas élucidée. Le 13 juin 2006, une usine de fabrication et de transformation de polystyrène a bien été détruite par un incendie à Redon. Toutefois, cette piste n’a pu être confirmée. En effet, les dioxines identifiées dans le lait et les fourrages ont un profil particulier, avec une absence de furanes. Or les échantillons de terre prélevés sur les parcelles des exploitations agricoles et des sols du site de l’usine présentent un profil différent, caractérisé par la présence de quelques furanes. La piste des brûlages de vergers dans la zone de l’épicentre est explorée, mais ces pratiques ont lieu tous les ans, et donc pas seulement en 2006.

  • (1) Direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DDCCRF), Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (Drire), Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDAS) et Direction régionale de l’agriculture et de la forêt (Draf).

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr