Appel aux vétérinaires canins : « Créons un réseau d’épidémiosurveillance » - La Semaine Vétérinaire n° 1322 du 04/07/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1322 du 04/07/2008

Entretien. Brigitte Enriquez, unité de pharmacie-toxicologie à l’ENV d’Alfort

Actualité

Auteur(s) : Valentine Chamard

Avec des confrères et des médecins, notre consœur veut relier santé animale, humaine et environnement.

La Semaine Vétérinaire : En quoi l’épidémiosurveillance concerne-t-elle les vétérinaires canins ?

Brigitte Enriquez : Plus que jamais, la profession est concernée par des activités d’épidémiosurveillance : les confrères mixtes ou ruraux sont partie prenante de réseaux sanitaires de surveillance des maladies infectieuses en pathologie des ruminants, en pathologie aviaire(1). A l’opposé, les vétérinaires canins se sentent parfois isolés face à certaines affections dont ils se demandent quelle est la prévalence, si d’autres confrères y sont aussi confrontés, s’ils pourraient jouer un rôle dans la surveillance de l’émergence de maladies cancéreuses (fibrosarcome félin, lymphomesduchien, mésothéliomes, sémi-nomes, mélanomes, tumeurs du système nerveux central, etc.) ou chroniques (saturnisme, diminution de la fertilité des chiens mâles, irrégularité des cycles œstraux).

S. V.: Des origines anthropiques sont-elles suspectées dans l’apparition de certaines maladies animales ?

B. E. : Des publications(2) émettent effectivement l’hypothèse que les animaux développeraient des maladies en liaison avec des contaminants présents dans leur environnement, partagé avec leur maître. L’hyperthyroïdie chez le chat serait ainsi liée, au moins en partie, à la contamination de l’habitat par les polybromobiphenyls (des retardateurs de flamme largement utilisés dans le mobilier) et les cancers des sinus nasaux chez le chien pourraient être dus à l’exposition à la fumée de tabac. Nos animaux, les carnivores en particulier, peuvent donc être considérés comme des sentinelles d’exposition et/ou d’effets dont le potentiel est certainement sous-estimé. Dès les années 90, Annie Sasco avait pressenti l’importance de la pathologie comparée entre l’animal et l’homme et effectué, avec notre consœur Agnès Leblond, des travaux chez l’espèce équine.

S. V.: Peut-on “exploiter” les sentinelles que représentent les carnivores domestiques ?

B. E. : Il est en effet possible d’établir un suivi de l’incidence des maladies animales chroniques, notamment cancéreuses, afin de valider l’hypothèse selon laquelle, réagissant plus rapidement aux polluants que les humains, les carnivores domestiques serviraient de dispositif d’alerte précoce pour les gestionnaires de risque en matière de santé humaine (et en particulier celle de l’enfant). Le moyen de produire ces informations et de les diffuser est simple. Grâce à la curiosité et aux efforts des vétérinaires canins, nous pourrions créer une base de données consacrée aux maladies chroniques en médecine canine et féline.

S. V.: Comment recueillir les données ?

B. E. : La méthode consiste à recruter des vétérinaires vigies volontaires qui souhaitent entrer dans le futur “Réseau national des vétérinaires canins épidémiosurveillants”. Nous leur fournirons alors une liste de maladies, sur la base de la pathologie comparée, qui seront à notifier auprès de l’unité de pharmacie-toxicologie de l’ENV d’Alfort. En outre, ils renseigneront un questionnaire descriptif de leur clinique et de leur clientèle, ainsi qu’un questionnaire “environnemental” avec l’aide des propriétaires des animaux concernés, afin de mieux connaître leur habitat et leur mode de vie (avec la participation de l’auxiliaire).

S. V.: Comment tirer des informations de cette base applicables en médecine humaine ?

B. E. : Forts des données fournies par le réseau, les toxicologues, les épidémiologistes, les cancérologues et les cliniciens de l’ENVA analyseront ces informations en collaboration avec les épidémiologistes et les cancérologues “humains” qui travaillent avec eux à cet objectif de santé publique et de pathologie comparée. Le réseau évoluant constamment et se renforçant d’année en année, les données reflèteront de mieux en mieux la réalité du terrain et l’incidence des maladies animales. Un registre des cancers canins et félins pourra alors voir le jour. En outre, des comparaisons d’incidence de maladies similaires à l’espèce canine ou féline et à l’espèce humaine contribueront à la recherche de causes communes, en particulier environnementales.

S. V.: Comment faire naître ce réseau ?

B. E. : Les vétérinaires canins qui souhaitent réagir à cette proposition de travail en commun peuvent me contacter (benriquez@vet-alfort.fr). Si les échos apportés par la profession sont favorables à la mise en place de ce réseau, l’Ordre (qui nous soutient déjà), mais aussi les responsables des cliniques concernées dans les écoles vétérinaires, les syndicats, les associations de vétérinaires cliniciens, les centrales d’achats, les industriels du médicament vétérinaire, tous les réseaux vétérinaires existants seront les bienvenus pour participer à cet effort de collaboration ! Notre rôle de préservation de la santé publique prendrait, aux yeux des médecins et du monde politique, un tournant décisif. L’exercice quotidien des centaines de confrères et consœurs libéraux et des écoles vétérinaires concernés par la santé environnementale, serait mis en valeur. Une opportunité à saisir dans une actualité qui préconise les actions transversales en matière de politique de santé.

  • (1) Voir La Semaine vétérinaire n° 1315 du 16/5/2008 en page 42.

  • (2) Voir bibliographie sur WK-Vet.fr, “Semaine Vétérinaire” puis “compléments d’articles”.

Les participants au réseau

• Brigitte Enriquez, unité de pharmacie-toxicologie, ENVA, organisation et suivi du réseau.

• Gilles Hakou, étudiant vétérinaire du master d’épidémiosurveillance, ENVA.

• Jean-Jacques Bénet et Barbara Dufour, unité d’épidémiosurveillance des maladies infectieuses, ENVA.

• Alain Fontbonne, responsable du Centre pour la reproduction canine (Cerca).

• Patrick Devauchelle, Centre de cancérologie vétérinaire, ENVA.

• Annie Sasco, Equipe épidémiologie pour la prévention du cancer, Inserm U897, université Victor Segalen Bordeaux II.

• Etudiantes en thèse vétérinaire : Marie-Danielle Payn, Aude Tabaries, Marie Brunet, Céline Faverjon, Camille Marchand, Hélène Dropsy, Mathilde Poinssot.

• Scientifique associée à la réflexion : Dr Joëlle Le Moal, Institut de veille sanitaire, département santé-environnement.

V. C.
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