Rencontre avec un spécialiste de « l’ouverture et de la fermeture des vaisseaux sanguins »

Hypercholestérolémie, thrombose et anévrisme chez le porc sont des affections familières pour Michel Bonneau. Depuis qu’il travaille sur le campus de l’Inra de Jouy-en-Josas, au centre de recherche en imagerie interventionnelle (CR2I), cela fait partie de ses sujets de recherche. Le CR2I, qui associe l’Inra et l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, se distingue des autres laboratoires du site, car il abrite des blocs opératoires équipés d’infrastructures ultramodernes (angiographe numérisé, colonne de cœliochirurgie, etc.). En tant que codirecteur du CHU Lariboisière avec le docteur Alexandre Laurent, Michel Bonneau encadre près de dix personnes, dont une manipulatrice de radiologie, des préparateurs de chirurgie, un biologiste, une technicienne d’anatomie pathologie, une secrétaire, etc. Tous les jours, il intervient sur au moins une opération chez des lapins, des brebis ou encore des miniporcs d’expérimentation. Sa spécialité, il la résume ainsi : « L’ouverture et la fermeture des vaisseaux sanguins. » D’une part, il induit sur des animaux d’expérimentation des modèles de maladies humaines, principalement vasculaires, comme des sténoses ou des anévrismes aortiques. D’autre part, il recherche et évalue les moyens thérapeutiques, via la chirurgie assistée par radiologie interventionnelle, pour traiter ces affections. Plus concrètement, il reproduit diverses formes d’anévrismes (fusiformes ou sacciformes), par exemple, en greffant des fragments veineux sur des parois artérielles. Ensuite, il peut expérimenter la mise en place de dispositifs médicaux comme des endoprothèses, qui s’opposent à la sténose des vaisseaux, ou des hydrocoils, sortes de pelotes absorbantes qui embolisent la poche d’anévrisme en prévention de sa rupture. Ses techniques reposent avant tout sur le cathétérisme des vaisseaux, guidés par image angiographique sur un écran de télévision. Dites mini-invasives, elles offrent d’ores et déjà de nombreuses possibilités.

Des collaborations nombreuses avec des équipes de recherche

Mais Michel Bonneau ne s’arrête pas là. Il élabore actuellement un modèle de tumeur hépatique (avec un papillomavirus) chez le lapin, ce qui lui permet de tester l’embolisation, toujours par cathétérisme, de microbilles chargées par des antimitotiques in situ et/ou de dévasculariser localement la tumeur.

Ses collaborations sont nombreuses avec des chercheurs de l’Inra, comme nos consœurs Pascale Chavatte-Palmer et Isabelle Schwartz-Cornil. Avec la première, qui se consacre à la biologie de la reproduction et du développement, il a mis au point un modèle d’hypotrophie fœtale dont les répercussions sur des maladies métaboliques (diabète, obésité) peuvent être étudiées. Avec la seconde, immunologiste, il réalise des microcathétérismes de canaux lymphatiques, permettant ainsi de drainer la sphère oro-nasale pour l’étude d’une lignée particulière de cellules de l’immunité, les cellules dendritiques. En outre, des équipes de recherche hospitalière travaillent avec lui sur les affections cardiovasculaires, sans oublier que des médecins bénéficient de ses travaux et du site du CR2I pour mener à bien leurs propres expérimentations. Les services de recherche et développement d’industries confient aussi à Michel Bonneau la mise au point et la conduite des études précliniques de leurs nouveaux dispositifs médicaux. Notre confrère fait par ailleurs partie du comité éthique régional d’Ile-de-France Sud en matière d’expérimentation animale. Il consacre ainsi une partie de son temps à la lecture des protocoles d’expérimentations des autres laboratoires qui utilisent des modèles animaux.

Le milieu vétérinaire est de plus en plus intéressé par son travail

Sa formation à l’école d’ingénieur des travaux agricoles, à Bordeaux, complétée par un diplôme de chirurgie d’expérimentation animale à Strasbourg et vingt années passées à se pencher sur la chirurgie mini-invasive l’ont amené à acquérir un solide savoir pratique et théorique. Il le partage avec le milieu médical lors de séminaires organisés au CR2I et dans le cadre d’un diplôme interuniversitaire (« formation à la radiologie interventionnelle »), qu’il a créé l’an passé à Paris VI avec le docteur Laurent. Il n’a pas encore établi de liens privilégiés avec les ENV, mais la mise en place d’un master européen avec la faculté vétérinaire de Saragosse se profile déjà. En raison de l’intérêt scientifique et médical de ses modèles pathologiques sur des animaux, le milieu vétérinaire est susceptible de se pencher davantage sur son travail. Et c’est certainement un vétérinaire qui prendra sa relève, d’ici à quelques années…